Pour beaucoup de praticiens, la préparation des dents vivantes en vue de prothèse fixée est un tabou. Combien de pulpes dentaires innocentes ont été sacrifiées sur l’autel de la Sécurité Sociale sous prétexte que la dent doit être dépulpée pour pouvoir prétendre à la prise en charge de sa prothèse…
«Le meilleur ancrage possible en prothèse fixée est la dent vivante».
– S.D. Tylman
« La pulpe dentaire est encore la meilleure obturation canalaire ».
– A. Marmasse
Afin de limiter au maximum les agressions pulpaires pendant la préparation, il convient de respecter quelques précautions :
- réaliser l’anesthésie en évitant les excès de vasoconstricteur
- utiliser un spray d’eau et d’air dirigé selon 3 directions (convergent sur la fraise)
- fraiser à grande vitesse pour éviter l’échauffement
- exercer des pressions légères et intermittentes pour éviter l’échauffement
- utiliser des fraises neuves
- réaliser des préparations d’emblée définitive dans la mesure du possible
- utiliser des guides en silicone pour des préparations minimalement invasives
- nettoyer les préparations pour éliminer la boue dentinaire de la chlorhexidine, mais pas d’alcool
- réaliser les provisoires au laboratoire de prothèse et simple rebasage en bouche (moins d’épaisseur de résine qui effectue la réaction exothermique de prise lors du rebasage et également moins d’agressions chimiques du monomère lui aussi en moins grande quantité)
- sceller hermétiquement les prothèses provisoires pour éviter toute infiltration bactérienne au niveau du joint.
LES COMPLICATIONS PULPAIRES
Elles sont étonnamment rares. Dans une étude de 1992 publiée dans le Journal of Prosthetic Dentistry, Jackson et coll. ont montré que seulement 5,7% des dents préparées vivantes présentaient des complications pulpaires nécessitant d’avoir recours à un traitement endodontique. Ces résultats doivent conforter le praticien et le patient dans la décision de maintenir la vitalité pulpaire même si des préparations périphériques sont envisagées.
Dans une Newsletter de 1995, Christensen établit 14 causes d’irritation pulpo-dentinaire lors des préparations sur dents vivantes :
- Fraises usées
- Turbines non concentriques qui provoquent micro martelages
- Réduction trop importante de la dent
- Irrigation trop faible
- Pression trop forte
- Produits astringents
- Séchage excessif
- Chaleur des hydrocolloides réversibles
- Réaction exothermique et toxicité des résines temporaires
- Mauvaise adaptation des dents provisoires
- Ciment provisoire (utiliser un ciment base d’oxyde de zinc – eugénol sauf si collage)
- Ciments phosphates de Zn sont irritants
- Prothèse en surcontour
- Surocclusion.
Les réactions post-opératoires doivent être suivies avec attention. Le patient est invité à signaler toute douleur après dissipation de l’anesthésie. En cas de réaction douloureuse persistante, la dent provisoire est retirée et scellée avec un ciment à l’hydroxyde de calcium. Une étroite surveillance est instaurée jusqu’à sédation des phénomènes douloureux.
CONCLUSION
La dépulpation systématique des dents supports de prothèse fixes n’a pas raison d’être.
A lire également :
– Un Onlay vaut mieux qu’une Couronne.
– Le Syndrome de la Dent Fêlée.
– De la Dent Dépulpée.
moi je depulpe et obture le canal avant la taille car jai eu de mauvaises surprises. la taille dune dent vivante constitue des micro traumatismes dont les concequences apparaissent ou vvous y attender le moins alors jai decide avec laccord du patient de depulper la dent et dobturer avant .
Bonjour Taleb. Merci pour votre commentaire mais cet article concerne la préparation des dents vivantes et que l’on souhaite garder pulpées. J’espère que vous l’avez trouvé utile malgré tout.
La sécu n’exige pas que la dent soit dévitalisée pour rembourser une coiffe mais simplement qu’elle ne puisse être obturée de façon durable . Donc à contrario une dent dévitalisée n’implique pas un remboursement de coiffe si elle ne présente pas un délabrement suffisant.
Vous dites vrai. Mais le résultat est là et la confusion règne : pour un très grand nombre de praticiens, la dent vivante est quasiment toujours restaurée en méthode directe et la dent dépulpée est quasiment systématiquement couronnée (même si une reconstitution indirecte partielle collée est possible). Pourquoi les préparations sur dents vivantes font-elles si peur? Pourquoi le seul critère de la vitalité pulpaire est pris en compte pour le choix du mode de restauration?
Que pensez par ailleurs des interprétations d’une Nomenklature (volontairement) floue qui fluctuent d’une caisse à l’autre, d’un praticien-conseil à l’autre, entre la capitale et la province…? Les mentalités ne changeront probablement pas avec la CCAM, malheureusement… tant que des comptables et des administrateurs viendront évaluer, contrôler puis expliquer aux praticiens comment les patients doivent être soignés.
Je n’imagine pas que des recommandations généralistes puissent nous aider à résoudre efficacement la multitude de situations individuelles de nos patients. Contrairement à ce que pensent beaucoup de nos confrères, dans l’éternelle crainte d’un contrôle d’activité inquisiteur, les recommandations sont à chercher dans la littérature scientifique, surement pas dans les règlements de ceux qui pensent que l’on peut soigner tout le monde de la même manière. Notez, cher Jean-Paul, que je n’ai pas de raisons de penser que vous en fassiez partie de ceux là mais votre remarque, fort juste au demeurant, m’a (re-)donné l’envie de préciser mon point de vue.
Merci pour votre commentaire.
Au plaisir de vous lire à nouveau sur ce blog.
comment •réaliser les provisoires au laboratoire de prothèse et simple rebasage en bouche si on realise la taille par exemple le lundi matin. il faut bien une empreinte des piliers pour que le laboratoire puisse realisé une provisoire?
Il faut réaliser une empreinte à l’alginate de la situation initiale, avant préparations et le laboratoire va, sur le plâtre, mettre les dents concernées de dépouille par une préparation à minima afin réaliser des « coquilles » en léger sur contour horizontal et vertical. Lorsque tu revois ton patient, tu fais les préparations, et les coquilles sont rebasées puis ajustées en bouche.
Bonjour,
Avec quel matériau effectuez-vous le rebasage des provisoires réalisées par votre prothésiste sur dent vivante?
Cordialement
Les agressions pulpaires sont un vrai problème, donc j’apprécie beaucoup ces conseils. J’aime bien l’idée d’utiliser un spray d’eau et d’air dirigé selon 3 directions. Peut-être je vais l’essayer. Doit en parler avec un dentiste avant de le faire ?
Clarice | http://www.cliniquecloutier.com/services-cliniquecloutier/
La question est de savoir
1- ce que vous autorise la loi de votre pays
2- si vous êtes capable de faire face à une atteinte pulpaire irréversible
N’ayant pas de réponse à ces questions, mon seul conseil sera : soyez prudente!
Ces informations sur la préparation des dents vivantes sont très intéressantes ! L’article a dit que seulement 5,7% des dents préparées vivantes présentaient des complications pulpaires nécessitant d’avoir recours à un traitement endodontique. C’est fou ! Je ne le savais pas. J’aimerais bien en savoir plus sur les protheses dentaires et les dents vivantes.
La préparation des dents vivantes est quotidienne dans mon exercice depuis plus de 27 ans.
Les préconisations de Christensen sont parfaitement pertinentes et j’ai pu les vérifier une à une durant toutes ces années.
J’insiste sur plusieurs points :
– N’oubliez pas que l’eau c’est la vie. De la même façon une dent vivante ne doit pas être desséchée.
– La préparation (ou taille) qui doit être réalisée avec des fraises non usées, mais sans pression excessive avec des temps de refroidissement. Pour cela je laisse tourner le contre-angle, ou la turbine, sans contact avec la dent, pour bénéficier du jet d’eau ou du spray.
-J’accorde une grande importance à la précision de la dent provisoire, à ses limites, qui doivent être fines et polies.
-Je scelle avec de l’IRM (eugénate) très très fluide (aucune réaction pulpaire) (4 gouttes de liquide pour une dose de poudre). Lorsque il persiste un fond de dentine abimé juxta pulpaire, je réalise un pertuis de libération de la pression du ciment. Cela évite de fracturer cette dentine fragile et d’envoyer une fusée de ciment dans la dent.
-Parfois je convoque mon patient quelques minutes avant la prise de l’empreinte pour sortir la dent pro avec une pince à griffe, jamais d’arrache couronne, je polis les limites en retirant les excédents d’IRM avec une meulette caoutchoutée, et je remet la dent en place avec juste un peu d’eau. Il ne faut pas retirer l’IRM situé dans l’intrados de la dent pro.
-Le matériau d’empreinte utilisé est choisi en fonction de la qualité de la gencive.
– Gencive fibreuse => Silicone en double mélange simultané.
– Gencive fragile, peu fibreuse => Impregum (moins compressif, n’écrase pas la gencive libre marginale).
– Cas désepérés (patients sans hygiène, gencive très inflammatoire) => Empreinte à coque.
– Dernière chose , timing de la prise d’empreinte (sans anesthésie et avec très peu de sensibilité)
Démontage de la dent pro avec pince à griffe.
Retrait des excès de ciment à la sonde sans faire saigner.
Repositionnement de la dent pro avec juste de l’eau.
Préparation des matériaux d’empreinte et du porte empreinte.
Mélange des matériaux et
Retrait de la dent pro juste avant l’injection du matériau d’empreinte.
Mise en place du matériau autour de la dent puis porte empreinte.
Retrait.
Merci pour votre site.
question comment augmenter le taux d acceptation de nos traitements?
Merci et tous mes voeux de bonne année
Chère confrère,
La réponse à votre question mériterait un (voire plusieurs) article(s) complet(s). Je ne pense pas que la rubrique des commentaires de cet article soit le meilleur endroit pour développer ce sujet…
Cependant, voici quelques pistes :
– Il faut que le patient ait confiance en ce que vous dites et en ce que vous faites
– Il faut que le patient comprenne l’intérêt du traitement que vous proposez ainsi que ses modalités
– Il faut adapter le financement du traitement aux possibilités du patient
– Il ne faut pas être pressé et ne pas forcer la décision
– se former pour mieux diagnostiquer
Je retiens ce sujet pour d’éventuels articles futurs.
Merci de l’intérêt porté à ce travail et très bonne année à vous aussi.
Bonjour
merci pour cet article et je suis tout a fait d’accord avec vous , perso dans mon cabinet je dévitalise rarement mes piliers.
question…. quel type de ciment de scellement utilisé ?
Bonjour,
J’utilise volontiers le CVIMAR (Fuji+ de GC) ou un ciment auto-adhésif (Rely X de 3M) lorsqu’il s’agit de restaurations cimentées de façon cohésives.
Si vous souhaitez coller (restauration adhésives), je vous renvois aux colles composites ad hoc
Merci beaucoup pour votre commentaire.
Bien à vous.
Bonjour.
Votre article est très intéressant. Je me renseigne actuellement sur ce sujet car j’aurais besoin d’un bridge afin de remplacer une dent manquante et cela me rassure qu’il n’y ai pas besoin que mes dents soit devitalisées. L ‘article dit que seulement 5,7% des dents préparées vivantes présentaient des complications pulpaires nécessitant d’avoir recours à un traitement endodontique dans l’immédiat, mais j’aimerai savoir si des complications arrive assez rapidement en général ? Combien de temps une dent reste vivante sous une couronne/bridge en général ? Car étant donné que les dents ont été préparées donc réduites, il faudra certainement les devitalisées tôt ou tard, avez vous des informations concernant cela en therme de temps?
Merci.
Cordialement.
Bonjour,
Les complications pulpaires peuvent survenir à court (moins de 5 ans), moyen (5 à 10 ans) ou long terme (plus de 10 ans). Ces complications sont multi-factorielles : respect des manœuvres de préparation, précision du joint prothétique, qualité du scellement des prothèses, performance de l’hygiène du patient, régime alimentaire, état de santé général…
Ce type de complication est donc difficile à prévoir de manière précise.
Beaucoup de dents préparées et maintenues vivantes le restent pendant de très longues périodes (Plus de 20 ans) sans connaitre la moindre complication.