Nous avons déjà beaucoup insisté sur les avantages énormes de la dentisterie adhésive. Mais son application clinique nécessite de maitriser un certain nombre de connaissances allant de l’histologie des tissus dentaires aux caractéristiques physico-chimiques des matériaux nécessaires au collage.
Mais aujourd’hui, l’offre est telle qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits… Alors faisons un tour d’horizon des grandes classes d’adhésifs agrémenté de quelques bons petits conseils d’utilisation.
LES ADHÉSIFS MR
Cette classe d’adhésifs se caractérise par une étape systématique de mordançage (M) à l’acide ortho-phosphorique 35%, suivi d’un rinçage (R) abondant, d’où leur nom : MR.
Le chiffre quant à lui caractérise le nombre d’étapes avant la photopolymérisation et l’application du composite.
L’avantage des systèmes MR est que le mordançage permet une bonne élimination de la boue dentinaire (smear layer), ce qui améliore nettement les valeurs d’adhésion.
LES SYSTÈMES AUTO-MORDANÇANTS (SAM)
Cette classe d’adhésifs se caractérise par les propriétés auto-mordançantes de l’adhésif. Le chiffre caractérise lui aussi le nombre d’étapes avant de photopolymériser et d’appliquer le composite.
L’avantage de ces systèmes est que la déminéralisation et l’infiltration de l’adhésif se font en même temps. Le front de déminéralisation dentinaire est moins profond et tout ce qui est déminéralisé est infiltré. Le risque de sensibilités post-opératoires est donc quasi-nul.
L’autre avantage est qu’aucun rinçage n’est nécessaire, ce qui est très intéressant dans les situations ou le rinçage peut provoquer un saignement de la gencive marginale. Cependant, les valeurs d’adhésion à l’émail sont moindres qu’avec les systèmes MR mais rien n’empêche de réaliser une étape supplémentaire de mordançage sélectif de l’émail à l’acide ortho-phosphorique.
LES ADHÉSIFS UNIVERSELS
Une nouvelle classe d’adhésifs a fait son apparition dernièrement : les adhésifs universels. Ils s’apparentent à un adhésif SAM1 mais peuvent faire l’objet d’un mordançage (total ou sélectif) et ainsi être utilisés comme un MR2.
CONSEILS COMPLÉMENTAIRES D’UTILISATION
- Toujours appliquer plusieurs couches d’adhésifs sur les tissus dentaires en frottant vigoureusement la dentine pendant au moins 30 secondes.
- Photopolymériser deux ou trois fois de suite.
- Les primers d’adhésion contiennent tous des solvants qui doivent être évaporés par séchage.
- Ne jamais utiliser un SAM avec une colle/composite auto-polymérisable ou dual.
- Au contact de la gencive, les SAM peuvent provoquer des lésions (réversibles).
- Les adhésifs doivent être conservés au frais et les flacons doivent toujours être secoués avant utilisation.
- L’utilisation de blisters monodoses permet de standardiser les procédures.
- Toujours prendre le temps de bien lire les notices et de respecter les modes d’emploi des produits.
A lire également :
– La Révolution Céramique
– Comment Améliorer le Collage?
– Les Restaurations Adhésives en Céramiques
– Précieux Email
– Les Sensibilités Post-Opératoires
Je suis un peu étonné de la mention « Toujours appliquer plusieurs couches d’adhésif ». Vous conseillez de photopolymériser successivement plusieurs couches d’adhésif, ou bien de faire plusieurs apports à la microbrush pour faire pénétrer au maximum ?
Sinon, j’ai commencé l’année dernière dans un cabinet où ils utilisent un SAM1, mais je n’aimais pas du tout, j’avais l’impression que ça ne collait pas (je n’ai eu que quelques échecs, et je ne saurais même pas dire si c’en était la cause, mais l’impression persistait).
Plus tard j’ai commandé l’Optibond FL, je voulais un 3 temps bien stable et bien connu. C’est plus long, mais qu’est-ce que 2 minutes si c’est pour avoir le sentiment de faire un meilleur boulot ?
De plus, le 3 temps me permet de l’utiliser pour le collage de pièces prothétiques avant d’appliquer un composite de collage. Du coup c’est plus polyvalent à mes yeux.
Sinon je me pose toujours une question : le primer sert à pénétrer les tubuli et à regonfler le collagène pour accueillir l’adhésif. Mais en collage sur émail seul, le primer a-t-il le moindre intérêt ? Fait-il perdre en force de collage s’il est utilisé dans cette situation ? Idem avec une surface silanée ?
Bonjour Max,
et merci pour toutes ces bonnes questions.
– L’application de plusieurs couches concerne essentiellement le primer (ou de tout falcon contenant un primer). Cela permet d’augmenter l’adhérence et la longévité clinique des restaurations comme l’ont montré Reis et al. : Can the durability of one-step self-etch adhesives be improved by double application or by an extra layer of hydrophobic resin? où quatre couches d’adhésif donnent de meilleurs valeurs d’adhérence que deux. Pour un MR3, il faut donc appliquer plusieurs couches de primer en frottant vigoureusement la dentine pendant 20-30 secondes, sécher, appliquer l’adhésif et photopolymériser.
– tu as raison de dire qu’un adhésif MR (2 ou 3) permet de gagner en sécurité mais la manipulation et surtout l’étape de mordançage sont critiques. L’Optibond FL est un must have! Un SAM trouve aussi sa place dans un cabinet, pour les cas difficiles où le spray de rinçage risquerait de faire saigner les tissus mous.
– concernant le collage sur l’émail, on peut envisager de d’appliquer le composite directement sur l’émail mordancé, sans adhésif. L’adhésion est très bonne mais on peut, peut être, craindre une moins bonne étanchéité… En revanche, sur la dentine, sans adhésif : l’adhésion est nulle. Concernant les silanes, à ma connaissance, l’adhésif est systématique.
Bonjour,
Quels Sont les risques si on utilise un SAM avec un composite ou une colle DUAL?
Je suis surprise par le fait de photo polymériser 2 ou 3 fois de suite.
Ce n’est pas écrit dans les notices.
Pour quelle raison?
Merci
Ces sujets méritent effectivement développement :
– l’incompatibilité des colles chémo-polymérisables ou des colles dual avec les adhésifs SAM s’explique par deux facteurs : l’acidité de l’adhésif et sa perméabilité à l’eau.
Je vous conseille la lecture de l’article de F. Raux et M. Degrange sur ce sujet, assez spécifique, mais important à connaitre : Les adhésifs sont-ils tous compatibles avec les colles et composites auto-polymérisables? Inf Dent. vol 89, n°4, janvier 2007.
– Une étude de 2010 (Effects of increased exposure times of simplified etch-and-rinse adhesives on the degradation of resin-dentin bonds and quality of the polymer network) a évalué les valeurs d’adhésion en ne faisant varier qu’un seul paramètre : la durée de photopolymérisation. Tout indique qu’en augmentant cette durée au delà de ce que recommande le fabricant, on limite la dégradation de l’interface adhésive au cours du temps.
Bonjour SVP Est qu on peut utiliser le système adhésif M&R3 avec un composite de restauration autopolymérisable (chemopolylérisable ) ? Je me pose la question car la classification des systèmes adhésifs Amelo dentinaire et des résines composites selon le mode de polymérisation sont indépendantes dans les ouvrages j’aimerais bien comprendre merci d’avance
Bonjour,
Il n’y a pas de contre-indication à utiliser un adhésif MR3 en combinaison avec un composite auto-polymérisable à condition de bien respecter la procédure d’application de l’adhésif.
En revanche, il ne faut pas utiliser de système adhésif auto-mordançant avec un composite auto-polymérisant (ou dual sauf si il y a présence d’un activateur).
Bonjour,
Il y a une chose qui me chiffonne entre les universels et les SAM1. En effet, avec un SAM on peut aussi faire un mordencage sélectif, non? Et par conséquent, je ne vois vraiment pas la différence entre les deux?
Merci ~
Bonjour,
et merci pour votre question.
la différence est en effet très subtile. Si l’on se base uniquement sur le mode d’utilisation : pas de différence. La différence tient dans la composition des produits (nature du monomère, présence de silane pour les adhésifs universels) et dans les indications d’utilisation (champ d’utilisation plus vaste pour les universels, notamment en ce qui concerne les restaurations indirectes).
En espérant avoir bien répondu à votre question.