Comme toutes les disciplines médico-chirurgicales, la chirurgie-dentaire n’échappe pas à la dure réalité des complications. C’est même peut être l’un des aspects les plus frustrants de notre Art. L’implantologie par exemple, qu’elle soit chirurgicale ou prothétique, même si elle est pratiquée selon le strict respect des règles, expose le patient et le praticien à des évènements indésirables qui peuvent imposer une réfection partielle ou totale du travail réalisé.
Ces complications, qui peuvent survenir à court, moyen ou long terme, ont automatiquement un impact, plus ou moins lourd, sur l’activité et la trésorerie du cabinet.
INEVITABLES COMPLICATIONS
Inutile de le nier : nous avons et aurons tous des complications et des échecs. L’aléa thérapeutique est une réalité et cela pour plusieurs raisons :
- Le patient est unique
- Le chirurgien est faillible
- Les sciences du vivant ne savent pas tout et les mécanismes du vivant ne peuvent pas tout
Bien sûr, la mission du chirurgien est d’opérer. Mais son engagement l’amène souvent à tenter des actes toujours plus sophistiqués et donc plus risqués.
Fort heureusement, l’expérience et le savoir médical d’un praticien sérieux, ou l’aide de ses confrères permettent, bien souvent, de faire face et de gérer les complications lorsqu’elles surviennent. Mais la meilleure stratégie reste encore de savoir repérer les cas où elles risquent de se produire et de s’abstenir lorsqu’il le faut.
LE TAUX DE REPRISE
La reprise chirurgicale se définit comme une ré-intervention après qu’une première intervention chirurgicale ait donné suite à une complication ou à une imperfection du résultat.
Le taux de reprise chirurgicale est très variable selon les pays, les services et les disciplines. Mais chaque praticien, quel que soit son mode d’exercice, devrait avoir un regard lucide sur son taux de reprise, c’est à dire sur le pourcentage de cas, pour une procédure donnée, pour lesquels il est contraint de ré-intervenir.
L’enseignement est bien trop précieux pour être négligé :
- Comprendre l’origine des complications,
- Corriger les procédures,
- Repérer les patients et les situations à risque.
Oui mais voilà que depuis peu les assureurs, commencent à éplucher les taux de reprises des services chirurgicaux. Avec l’intention, certes louable, d’améliorer l’efficacité, l’efficience et la rentabilité des services de santé, ces assureurs, dont la dévotion au service des rendements financiers et de la logique commerciale n’est plus à démontrer, produisent une nouvelle fois des raisonnements contre-productifs en termes sanitaires :
- Rechercher le taux de reprise le plus bas en lien avec le volume d’activité le plus grand fera nécessairement augmenter ce dernier et mettra les équipes chirurgicales sous pression, qui risqueront de faire plus d’erreurs, ce qui fera probablement augmenter leur taux de reprise.
- Un service spécialisé dans les interventions délicates sur les patients les plus à risque peut présenter un taux de reprise supérieur mais si ces chirurgiens-ci n’opèrent pas ces patients-là, qui le fera?
- La logique de pénalisation de l’erreur, qui prévaut déjà dans le droit médical, est ainsi renforcée. Or, pour produire des améliorations comparables au domaine aéronautique, les erreurs et les dysfonctionnements doivent être déclarés, acceptés et analysés dans un contexte constructif et non répréhensif.
LE COÛT DU RISQUE
« Si le commandant de bord faisait la liste de toutes les pannes possibles et imaginables à ses passagers avant le décollage, plus personne ne voudrait prendre l’avion. »
Pr. Roger Lerouge
Dans un monde où le risque est omniprésent, et dans une société qui, paradoxalement, ne le tolère plus – en témoigne le poids grandissant des acteurs de l’assurance dans l’économie mondiale – , la gestion du risque est devenue un enjeu majeur et stratégique.
La médecine moderne semble, à juste titre, s’orienter vers une prise en charge très spécifique, et basée sur l’analyse des facteurs de risque individuels. Cette approche a du sens si elle permet définitivement de sortir du cercle infernal de la médecine réparatrice et entrer dans l’ère de la médecine préventive et prédictive.
Oui mais voilà : il y aura toujours des patients dont les facteurs de risque les placent dans des catégories à risque élevé d’échec ou de complication. Ce sont d’ailleurs ces patients qui ont naturellement le plus besoin de soins. Si on suit la logique des assureurs et des juristes, qui voudra les soigner? Seront-ils, demain, parce que leur prise en charge sera jugée trop risquée et/ou trop coûteuse, les exclus des systèmes de soins et d’assurances?
Les sempiternels débats relatifs aux coûts des soins (dentaires plus particulièrement) n’abordent jamais l’aspect du risque médical individuel et de son coût.
La raison est simple : pour la vaste majorité des décideurs politiques, qui n’ont qu’une vision bureaucratique de la médecine et du vivant, la production en matière de santé serait équivalente à la production de n’importe quel autre bien de consommation : rigoureusement standardisée et strictement reproductible.
Mais pour les praticiens qui doivent supporter ce risque au quotidien, seuls des honoraires revalorisés et une mutualisation du risque peuvent permettre de faire face aux échecs et aux complications de manière digne – comprenez : sans avoir à faire repayer le patient.
CONCLUSION
La construction des plans de traitement complexes et multi-disciplinaires nécessite souvent de multiples procédures thérapeutiques pour espérer solutionner des situations bucco-dentaires très compromises. Malheureusement, plus on multiplie les actes plus on multiplie les risques de complications. Ce qui amène certains à penser « qu’il n’y a pas de meilleure dentisterie que pas de dentisterie du tout« .
Comprenez : Moins on se fait soigner et mieux on se porte!
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