Soins Dentaires et Durée de Vie

6 generations

Dans un précédent post, nous avions envisagé la durée de vie des certains type de prothèses fixées et insisté sur l’idée que les restaurations que nous réalisons ont une durée de vie limitée. Les agressions physiques, chimiques, bactériologiques et mécaniques au sein de la cavité buccale sont à considérer avant de choisir parmi les traitements envisageables. Nous avons également insisté sur le besoin d’établir un pronostic avant d’envisager une thérapeutique. Mais à cela s’ajoute une donnée récente : l’allongement important de la durée de vie des patients.

Depuis le début des années 2000, l’espérance de vie des français a dépassé 80 ans. Cette constatation peut paraitre triviale mais si l’on analyse la tendance à l’allongement de la durée de vie depuis le début du XXème siècle, on constate que malgré deux guerres mondiales, l’espérance de vie ne cesse de croitre. Depuis les années 1950, ce sont 20 années de vie qui ont été gagnées. Nous gagnons 3 mois d’espérance de vie tous les ans et dans 40 ans il y aura dix fois plus de centenaires qu’aujourd’hui.

Nous pouvons tirer deux conséquences de ces résultats :

  • Il faut présumer que n’importe lequel de nos patients puisse vivre jusqu’à 90 ans
  • Les stratégies de traitements dentaires doivent être adaptés à l’espérance de vie des patients des années 2000.

CAS CLINIQUE

En 2012, Mme Y a 42 ans lorsqu’elle se présente à la consultation car elle a conscience d’une détérioration des nombreuses prothèses fixées qui ont été placées dans sa bouche en 1990 alors qu’elle n’était âgée que que de 20 ans.

Les dents du secteur mandibulaire gauche n’ont jamais été remplacées. La totalité des dents restantes au maxillaire ont été dévitalisées et ont servi de support à des prothèses fixées. De la même manière, un bridge dento-porté à été réalisé dans le secteur mandibulaire droit. Seules les dents de 34 à 43 ont été épargnées.

La patiente perçoit des mobilités au niveau des bridges, une mauvaise odeur et des épisodes infectieux à répétition.

L’examen radiographique rétro-alvéolaire va confirmer l’indication d’extraction de la totalité des dents maxillaires. Seul le bloc incisivo-canin mandibulaire pourra être conservé.

Il est bien sûr difficile de juger de la situation bucco-dentaire de la patiente au moment où ces restaurations ont été envisagées et des motivations qui ont poussé le praticien a envisager d’emblée un traitement aussi agressif pour les tissus dentaires. Mais la patiente a reçu à 20 ans un traitement dont la durée de vie est très inférieure à son espérance de vie. A 40 ans, et pour encore la moitié de sa vie, Mme Y restera quasi-édentée totale.

Les options thérapeutiques sont dès lors réduites à deux possibilités : réhabilitation par prothèses amovibles ou par prothèses implanto-portées. La patiente n’envisage rien d’autre qu’une solution fixe. En raison de plusieurs paramètres cliniques (ligne du sourire haute, rapport inter-maxillaire de Classe II-2, volume osseux sous-sinusiens réduits…) la situation clinique est très difficile et l’investissement financier considérable.


Ce triste constat corrobore parfaitement les conclusions d’une publication juridique aux U.S.A (1) qui a montré qu’une couronne à 500$ posée à l’âge de 22 ans génèrera des frais de réparation et de remplacement à hauteur de 12000$ pendant toute la durée de vie du patient.

Il est donc capital de retarder au maximum les échéances thérapeutiques :

  • par la prévention
  • par un diagnostic précoce
  • par des thérapeutiques restauratrices minimalement invasives notamment grâce à l’adhésion par collage.

(1) Cohen BD, Milobsky SA : Monetary damages in dental-injury cases, Trial Lawyers Quarterly 29:80-81, 1989.

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4 commentaires sur “Soins Dentaires et Durée de Vie”

  1. MOMET

    L’avulsion de toutes les racines maxillaires n’est elle pas également en soi une décision quelque peu radicale? (je n’ai pas accès à l’examen clinique mais 11, 21, 23 et 27, entre autre, n’auraient elles pas pu être sauvées?

    Site très sympathique et formateur par ailleurs, félicitations…

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  2. thedentalist

    Comme toujours ce type de décision se fait à contre-coeur. On distingue mal sur les radios car les images sont réduites mais les prothèses fixées sur les dents que vous indiquez sont très mal adaptées, mobiles depuis plusieurs mois et des reprises de caries importantes sont évidentes cliniquement. Les caries auraient pu être curetées, et les racines préservées mais pour combien de temps? (car c’est le thème de l’article) Des élongations coronaires exagérées auraient du être envisagées pour obtenir l’effet ferrule adéquat ( http://thedentalist.fr/leffet-ferrule/) et recréer un espace biologique correct. Il est fort probable que ces manoeuvres supplémentaires se seraient soldées par un échec à court ou très moyen terme, les dents étant bien trop faibles structurellement. De plus,comme des implants sont envisagés par ailleurs, la préservation osseuse est une priorité pour un résultat esthétique satisfaisant (ligne du sourire haute). Le risque de réintervention est trop grand si ces dents dents douteuses avaient été conservées. La patiente n’a que 40 ans souvenez-vous. Il faut, dans une situation comme celle là, ne faire aucun compromis, ne garder que des dents dont le pronostic est fiable ou envisager la solution la moins risquée et la plus stable à long terme.
    Cela dit, je considère votre remarque avec attention et je ne peux qu’imaginer d’enfouir les dents 11 et 21, après curetage, dans le seul but de maintenir l’os basal. Mais dans le traitement implantaire de l’arcade maxillaire édentée, ces sites sont privilégiés pour le positionnement de deux implants…
    Le cas est en cours de traitement et je vous ferai partager le résultat.
    Merci pour votre question et pardonnez-moi pour le manque de précision des images, parfois.

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    • Senese

      Bonjour Cher Confrère

      Merci pour ce blog généré par une grande motivation professionnelle.

      Après plus de trente années de pratique, je suis convaincu qu’une des choses les plus difficiles est le plan de traitement. En plus, ici, il est partagé. C’est courageux ;-))

      Pour en venir à ma question, comment la zone édentée 35/37 va-t-elle être réhabilitée’?
      La crête est-elle en lame de couteau?

      Il y a peu d’articles sur ces cas mandibulaires et dans votre plan de traitement, il est une condition à la réhabilitation du maxillaire…

      Salutations confraternelles
      Gregoire Senese

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      • thedentalist

        Cher Confrère,
        Bien que votre question ne concerne pas directement le sujet de fond de l’article, je vous remercie de l’avoir posé.
        La proposition a été faite à la patiente de remplacer les dents postérieures mandibulaires gauches par des prothèses implanto-portées. Une augmentation osseuse a été prévue pour compenser la résorption osseuse et permettre un positionnement des implants en accord avec le projet prothétique. Je peux difficilement vous en détailler les modalités techniques dans la mesure où ces étapes sont confiées à un praticien spécialiste.
        Je ne peux que vous approuver lorsque vous parlez de l’importance (et de la difficulté) de la planification thérapeutique. Je vous invite très cordialement à consulter la liste des formations que nous proposons sur le Plan de traitement.
        Merci pour l’intérêt que vous portez à ce blog.
        Au plaisir de vous lire.

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