Dans un article de 2006 – A 20-year retrospective survival study of fixed partial dentures – paru dans The International Journal of Prosthodontics, De Backer et coll. se sont penchés sur le taux de survie de 322 bridges céramo-métalliques dento-portés (193 patients) réalisés par des étudiants en chirurgie-dentaire entre 1974 et 1992. Les bridges avec cantilever ont été exclus de l’étude. Les patients porteurs de ces prothèses ont été rappelés au fil des années pour suivre un programme de maintenance comprenant de manière systématique : relevés des indices de plaque, profondeurs de poches, radiographies rétro-alvéolaires, dépistages de caries secondaires, contrôles de la rétention des bridges, ré-enseignement de la technique d’élimination de la plaque dentaire et soins parodontaux le cas échéant.
Au cours de ces réévaluations, 2 types de complications sont apparues :
- Les complications réversibles permettant une intervention sur les dents support et/ou le rescellement du bridge
- Les complications irréversibles conduisant à la perte définitive du bridge
RÉSULTATS
Les résultats de l’étude sont :
- Après 20 ans, 66,2% des bridges sont toujours en place ;
- La durée de vie des bridges est inversement proportionnelle à la longueur de la travée : plus le bridge est long est plus le risque augmente.
- La présence d’une ou plusieurs reconstitutions corono-radiculaire sur une/des dent(s) pilier(s) diminue très significativement la durée de vie du bridge comparativement aux bridges réalisés sur dents vitales (56,7% Vs 77,4%);
- Les bridges sur dents vitales durent plus longtemps à la mandibule qu’au maxillaire supérieur (87,6% Vs 68,6%) ;
La répartition des complications irréversibles est représentée ici :
- L’apparition d’une complication réversible dans les 2 premières années de service présage fortement de l’apparition d’une complication irréversible dans les 6 années qui suivent ;
- Il existe un lien évident entre le taux de survie des bridges et la capacité du patient à maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire.
DISCUSSION
Pas de scoop dans cette étude, en tout cas rien qui ne va à l’encontre du bon sens.
Cependant 2 aspects importants de la problématique semblent manquer à l’appel dans quasiment toutes les études de cohortes sur la durée de vie des prothèses fixées plurales et/ou unitaires :
- L’occlusion fonctionnelle du patient n’est pas observée ni mise en relation alors que de nombreux auteurs insistent sur ce point comme étant une (si ce n’est LA) cause majeure de complications et d’échecs en prothèse fixée.
- Cette étude ne différencie pas les dents qui sont restaurées par prothèse fixée pour la première fois des dents qui l’ont déjà été par le passé. Or c’est une évidence clinique que d’affirmer que les dents qui ont déjà été restaurées par des prothèses fixes ont plus de risques de présenter des complications endodontiques, des fêlures radiculaires, des parois coronaires fragiles, un manque d’étanchéité lié à l’absence de cerclage cervical, des pertes de support parodontal liées aux manœuvres chirurgicales de rétablissement de l’espace biologique …
CONCLUSION
Alors, à la question : « Docteur, ça dure combien de temps un bridge? » il est préférable de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de répondre. Expliquer au patient que que l’on ne peut pas répondre en nombre d’années mais plutôt en probabilité que la prothèse soit toujours en place après 5, 10, 15 ou 20 ans de fonctionnement. Cette probabilité est étroitement liée à des facteurs de risque locaux (qualité mécanique des dents supports), régionaux (occlusion dento-prothétique) et généraux (capacité du patient à maintenir un bon niveau d’hygiène bucco-dentaire).