Bricolages et Systèmes D

  • Bricoler [bri-co-lé], verbe intransitif : S’occuper à de petits travaux manuels d’aménagement, de réparation.
  • Bricoler [bri-co-lé], verbe intransitif : Réparer ou construire avec des moyens de fortune.
  • Bricoler [bri-co-lé], verbe intransitif : Gagner sa vie à des besognes variées, peu durables, à de petits travaux.

A ces définitions évocatrices, nous pouvons en rajouter une, applicable à la dentisterie :

  • Bricoler [bri-co-lé], verbe intransitif : Retarder avec des moyens mal adaptés, une échéance orale catastrophique.

Les chirurgiens-dentistes sont d’excellents opérateurs intra-buccaux, capables de prélever et greffer du tissu conjonctif, d’instrumenter et mettre en forme des canaux radiculaires tordus, de coller de minuscules morceaux de céramique sur des dents abimées…
Et pour cause : notre quotidien est une succession infinie de problèmes à résoudre, de dépannages à assurer et de trucs cassés à réparer… Et c’est là que peut surgir l’âme du bricoleur du dimanche, avec ses trucs & astuces, ses outils customisés et ses thérapeutiques parfois loin, bien loin, d’être validées par la Science.

Le jeune chirurgien-dentiste, que nous avons tous été, est bien souvent friand des Trucs & Astuces des anciens, sensés permettre de surmonter plus facilement des situations où les moyens académiques – jugés trop exigeants, trop compliqués, trop couteux (rayez la mention inutile) – seraient pourtant indiqués.

Par la suite, notre jeune confrère découvrira les joies de l’exercice conventionnel où il devra sans cesse trouver les moyens les plus simples, les plus économiques, les plus rapides (rayez la mention inutile) à mettre en oeuvre et surtout les mieux remboursés.

BRICOLER POUR FAIRE PLASIR AU PATIENT?

Voici quelques exemples cliniques de bricolage discutable rencontrés au fil des consultations :

Tout ça pour éviter une couronne?!?
Tout ça pour éviter un pilier de bridge?!?
Tout ça pour éviter une nouvelle prothèse?!?

BRICOLER POUR PATIENTER?

Pourtant, le bricolage – avec l’ingéniosité que cela demande – permet parfois de trouver des solutions transitoires capables d’améliorer le confort des patients.

Exemple 1 :

Une patiente de 57 ans, présente des signes d’abcès parodontal dans le secteur maxillaire gauche. Elle porteuse depuis plus de 15 ans, d’une reconstruction complète de l’arcade maxillaire par un bridge dento-portée de très bonne facture.

La dent 24 semble fracturée puisqu’une profonde poche parodontale, bien localisée en vestibulaire est mise en évidence. La dent semble fêlée, voire fracturée et son pronostic sans espoir. Mais l’extraction de cette simple dent, en raison de la reconstruction prothétique en place, nécessite la découpe du bridge et de fait, la perte de 3 inters (23, 25 et 26) et ultérieurement la pose d’implants pour éviter la prothèse amovible.
La patiente, affectée par cette (très) mauvaise nouvelle, souhaite se limiter au drainage de l’abcès et attendre.

6 mois plus tard : re-belote!

Un lambeau d’exploration est alors levé pour objectiver la sévérité de la fracture et, pour temporiser encore un peu, décontaminer le site et bricoler un colmatage du trait de fracture au moyen d’un ciment au verre ionomère…

Peine perdue car 10 mois plus tard, la patiente rapporte les symptômes d’abcès parodontal en vestibulaire avec désormais des signes en palatin, signe de l’éclatement complet de la racine.

Tuméfaction palatine
Aspect de la racine de 34, après découpe du bridge. Nous sommes à plus de deux ans après les premiers symptômes d’appel.
Notez l’absence de cerclage cervical (effet ferrule) de la coiffe sur la structure dentaire.

Exemple 2 :

Un patient de 61 ans dont l’incisive mandibulaire droite est perdue pour des raisons parodontales, décide d’opter pour l’option implantaire. La dent fraichement extraite est sectionner au collet et la partie coronaire est collée aux dents adjacentes afin de servir de temporisation le temps de l’ostéo-intégration.


Exemple 3 :

Un patient de 53 ans se présente en consultation d’urgence pour la fracture de la céramique sur un bridge céramo-métallique de 13 à 11. Le patient est informé que ce bridge serait probablement à reconsidérer après un bilan global.

Il refuse et souhaite qu’une réparation immédiate soit réalisée. Une réparation directe de la céramique est alors entreprise en informant bien du caractère « bricolé » de la restauration et de son mauvais pronostic :

Situation initiale d’urgence esthétique.
Mordançage de la céramique à l’acide fluorhydrique.
Application d’un silane sur la céramique mordancée.
Application d’un adhésif et d’un composite.

DES OUTILS DENTAIRES AU RAYON BRICOLAGE

Si vous êtes un vrai bricolo du dimanche et que vous fréquentez les quincailleries, profitez-en pour faire deux achats utiles à votre pratique clinique :

LA BANDE TEFLON® :
On ne présente plus le Le PTFE (Polytétrafluoroéthylène) ou Téflon®, disponible dans tous les bons rayons plomberie. Pour un cout inférieur à 2€ les 10 mètres, vous pourrez :

Cliquez ici pour voir les usages du téflon en dentisterie opératoire (article en anglais)

LA CLÉ TORX T-5 :
Cette clé à tête étoilée peut vous être d’un grand secours en cas d’ovalisation de la tête d’une vis implantaire que vous cherchez à retirer. Utilisez une clé de 4 pour maintenir l’embout TORX en place et l’actionner.

CONCLUSION

« Pour explorer le champ des possibles, le bricolage est la manière la plus efficace. »
Hubert Reeves.

Le bon médecin, le bon chirurgien, reste et restera celui capable de trouver les moyens les plus simples, les plus efficaces et les moins couteux pour résoudre durablement un/des problème(s) de santé. Et dans tout bon chirurgien-dentiste, il faut un bricoleur pour disposer de suffisamment d’ingéniosité et d’astuce pour faire face à l’infinité des possibles.

Mais à coté de cela, il y a des règles qu’imposent les « Données Acquises de la Science » à savoir qu’il ne sert à rien (voire qu’il est contre-productif) d’entreprendre des thérapeutiques non validées scientifiquement, sans diagnostic ou que l’on sait perdue d’avance, même si c’est dans le but de faire « plaisir » ou rendre « service » à son patient.

Si l’option du bricolage devait être retenue, le patient-bricolé et le praticien-bricoleur doivent être conscients des conséquences potentielles d’un tel choix. Car le bricolage en dentisterie est, par définition une solution temporaire, et à ce titre, vouée tôt ou tard à l’échec.


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