Qui a Peur de la Toxicité des Matériaux Dentaires? Partie 1

La santé environnementale est devenue ces dernières années un sujet de préoccupation majeur. Tout le monde se méfie de tout et de tout le monde, des produits « chimiques », des vaccins, des médicaments, des médecins… Une vague de « bio » déferle sur la société avec son lot de « fake news » et leur pendant médical de cette tendance est une demande croissante pour une médecine « bio » avec son lot de « fake medecine ».

L’art dentaire utilise un très large panel de produits chimiques, tant en ce qui concerne les médications que les matériaux restaurateurs, et les praticiens doivent de plus en plus fréquemment faire face aux questions, aux réticences voire aux refus des patients.

« Tout est poison et rien n’est sans poison. La dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison. »

Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim dit Paracelse

LA CONTROVERSE DE L’AMALGME

Tout à commencé dans les années 1970 lorsque, à différents endroits du globe, des scandales sanitaires industriels impliquant du mercure à haute dose ont eu lieu. La presse et l’opinion publique s’en sont tout naturellement émus et ont amplifié la psychose de l’empoisonnement au mercure. L’attention s’est alors porté sur toutes les substances qui pouvaient en contenir, au premier rang desquelles, l’amalgame dentaire.
Puis, à force de déformations et de légendes urbaines, sont apparues des rumeurs selon lesquelles les vapeurs de mercure dégagées par les amalgames dentaires provoqueraient de graves problèmes rénaux ou des maladies neuro-dégénératives (SEP, Alzeihmer Parkinson). Et ces rumeurs se sont répandu sans qu’aucune étude scientifique sérieuse n’ai jamais pu établir ces liens.

A lire : La Thèse du Dr Xavier Roche sur l’Amalgame Dentaire

L’amalgame dentaire est un alliage où du mercure liquide, est mélangé et absorbé par une poudre d’argent, d’étain, de cuivre et de zinc. Le tout se transforme et s’amalgame en un composé ne contenant plus de mercure libre et qui est foulé dans la cavité dentaire.
Les obturations à l’amalgame ne contiennent pas assez de mercure pour provoquer les problèmes de santé que l’on peut observer en cas d’exposition à des doses plus élevées. On estime en effet qu’il faudrait qu’un individu reçoive entre 265 et 310 obturations à l’amalgame pour que l’on puisse éventuellement observer les symptômes les plus légers d’exposition au mercure. Un individu porteur de 7 obturations dentaires à l’amalgame (ce qui représente la moyenne) n’absorbe environ qu’un microgramme de mercure par jour sachant que nous absorbons environ six microgrammes de mercure par jour contenus dans la nourriture que nous mangeons, l’eau que nous buvons ou l’air que nous respirons.

Les arguments des activistes anti-amalgames selon lesquels le mercure serait re-largué en bouche sont scientifiquement faux, de même que ceux évoquant une pollution environnementale – orchestrée dans l’ombre par le diabolique lobby des chirurgiens-dentistes – puisqu’il a été montré que l’utilisation de ce matériau par les dentistes ne participe que pour 0.25% du mercure qui ré-intègre l’environnement. Et il est bon de noter que tous les cabinets dentaires ont l’obligation légale d’être équipé d’un récupérateur d’amalgame afin qu’il ne soit pas re-largué dans l’environnement.
Et c’est d’ailleurs principalement pour cette raison environnementale qu’une convention internationale, entrée en vigueur en 2017, vise à la réduction du mercure au niveau mondial.
Depuis juillet 2018, le principe de précaution du droit européen interdit désormais l’utilisation de l’amalgame dentaire sur les patients de moins de 15 ans et sur les femmes enceinte ou allaitantes.

A lire: La page Wikipédia (en anglais) sur la controverse de l’amalgame est particulièrement riche et bien documentée

ET LES ALTERNATIVES ALORS?

L’amalgame dentaire est utilisé en dentisterie restauratrice dans le monde entier depuis plus de 200 ans. C’est un matériau facile à mettre en oeuvre, peu couteux et surtout extrêmement stable dans le temps. Si ce matériau constituait un si grand risque pour les patients, nous serions depuis longtemps confrontés à une pandémie mondiale et les cas d’intoxications seraient légions. Or, il n’en est rien…

Aujourd’hui, la demande esthétique des patients qui n’acceptent plus les vilains « plombages gris » nous ont fait abandonner progressivement ce matériau au profit des résines composites collées. Bien sûr les résultats sont beaucoup plus esthétiques mais si l’on regarde bien la composition chimique de ces matériaux et des celle des adhésifs qui servent à les coller : Horreur, malheur : on y trouve – entre autres – du méthacrylate d’hydroxyéthyle (HEMA), du diméthacrylate de triéthylène glycol (TEGDMA) et du diméthacrylate glycidique de bisphénol A, dont le rôle de perturbateur endocrinien fait lui aussi l’objet d’un vif débat.

Autre point important: le comportement à long terme des résines composites n’est pas du tout le même que celui des amalgames : les premières ayant, en moyenne, une durée de vie deux fois moins importante que les premiers. Une des raisons principales vient du fait que la mise en oeuvre des résines composites est nettement plus sensible et délicate. La moindre erreur dans le protocole opératoire est l’obturation ne sera pas totalement étanche. Ce manque d’étanchéité favorise le développement de caries secondaires et de sensibilités post-opératoires.

PAS DE PSYCHOSE MAIS DE LA PRUDENCE

Le principal et vrai danger de l’amalgame dentaire concerne les équipes dentaires qui le manipule au quotidien et le risque principal survient lors de la dépose d’anciennes restaurations à l’amalgame.

Volumineuse restauration en amalgame nécessitant d’être remplacée.
Mise en place du champ opératoire
Fragmentation par blocs de l’amalgame sous spray et aspiration
La présence de la digue permet de réaliser les procédures d’adhésion dans les meilleures conditions…

La vidéo ci-dessous présente d’autres astuces à connaitre pour diminuer les risques pour l’équipe soignante lors de la dépose des amalgames :

CONCLUSION

Grâce à Internet, les patients n’ont jamais été autant bombardé d’informations. Mais la prolifération actuelles de certaines thèses écolo-conspirationnistes ont distillé bon nombre de fausses informations et contre-vérités dont la simple présence sur le web suffit à leur donner du crédit auprès de personnes ne possédant pas nécessairement la culture scientifique nécessaire pour les vérifier.
C’est donc le rôle d’un professionnel de santé de fournir des informations fiables et scientifiquement prouvées au patient afin de redonner un cadre rationnel au débat.

La demande des patients pour des soins naturels et non iatrogènes est parfaitement légitime et chacun doit pouvoir rester libre de se soigner (ou pas) comme il l’entend.
Le praticien, homme de science et de confiance, doit être en mesure d’entendre les craintes, les angoisses et les arguments des patients – même les plus virulents – et les déconstruire calmement sur la base d’arguments scientifiques validés.
Mais il doit également accepter le fait que certains patients puissent être plus vulnérables, tant sur le plan biologique que psychologique, vis à vis de certains matériaux et qu’à ce titre, des précautions, aussi bien verbales que techniques, s’imposent.


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8 commentaires sur “Qui a Peur de la Toxicité des Matériaux Dentaires? Partie 1”

  1. HENNO

    Merci, depuis le temps que je lit vos articles : ils sont toujours mesurés à une très juste valeur.Là encore, la preuve en est.Tout au long de ma carrière j’ai vu autant d’amalgames que de composites mal faits et cela ne dépendait que d’une chose: l’envie de travailler correctement ou faire du « fric »
    Un amalgame mal fait vaut toujours mieux qu’un composite très moyennement fait,car sous le composite c’est une véritable cocotte minute , avec un risque de nécrose à bas bruit et les conséquences.
    MAIS TEMPS QUE LES ACTES AMALGAMES ET COMPOSITES SERONT PAYÉS AU MÊME TARIF POURQUOI VOULEZ VOUS ASSURER VOTRE COMPOSITE?
    SI CELA NE VA PAS ON FERA UNE MAUVAISE DEVITALISATION DERRIÈRE AVEC UNE MAUVAISE COURONNE
    LE PROBLÈME N’EST PAS LE MATÉRIAU MAIS LES PRATICIENS et je suis désolé de dire cela mais j’en connais beaucoup auraient dû être contrôlés sur leurs travaux.JE NE SUIS PAS EXEMPT NON PLUS D’AVOIR FAIT AUSSI BEAUCOUP D’ERREURS mais en 40 ans d’exercice les conditions d’exercices se sont dégradés sur le plan de la rémunération au début j’avais 40% de frais et j’ai terminé avec 66%!
    Cordialement et confraternellement

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    • thedentalist

      Bonjour HENNO et merci de votre témoignage.
      En écrivant cet article, j’espérais secrètement que la discussion viendrait sur ce terrain. Vous nous proposez un accès direct!
      Tous les praticiens un tant soit peu lucide et consciencieux savent comme vous qu’un bon amalgame vaut mieux qu’un composite manipulé dans le sang et la salive, mal collé, mal polymérisé, mal incrémenté et mal sculpté et mal poli.
      Un professeur d’université en OC m’a un jour confié à ce sujet que pour réaliser correctement un composite triface sur une molaire il lui faut raisonnablement compter 1h de temps opératoire et que seul l’exercice hospitalier permettait de le faire à ce niveau d’honoraires (comprenez : c’est la collectivité qui éponge le déficit). Nous sommes encore une fois confronté à la déconnexion totale des plafonds de la Sécu et le cout réel des actes en pratique.
      Mais cette Sécu justement… celle qui doit (sur ordre politique) faire croire aux assurés qu’il peuvent toujours se faire soigner, moins cher, sans reste à charge alors que ses Caisses sont désespérément vides… sur quoi mise-t-elle au fond si ce n’est sur la bonne volonté et l’éthique des praticiens libéraux? Et comment avec quels moyens pourrait-elle mettre en oeuvre des contrôles-qualité des soins dans les cabinets (l’accepterions-nous d’ailleurs?)?
      Tout cela me semble être une vaste hypocrisie dont nous sommes les complices (ou les otages) malgré nous.
      En guise de conclusion : je vous joins le lien d’une remarquable vidéo et du débat qui s’en était suivi sur ce sujet précis du protocole opératoire pour la mise en oeuvre des composites.
      Merci pour votre fidélité au site.
      Au plaisir de vous lire.

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      • Herood

        Bonjour,
        Je rebondis sur quelques éléments :
        – L’avis d’un professeur d’Université déconnecté de l’activité réel d’un cabinet ou centre est à prendre au même niveau que les “on m’a dit” de certains patients. Si un composite 3F est envisagé, il n’est pas incohérent de proposer un onlay/inlay/overlay au patient et donc d’être rémunéré plus justement.
        – pour les petites cavités 1 face (voire 2), le CVI avec son relargage de fluor et son hydrophilie est un bon compromis en lieu et place d’un composite bâclé ou d’un amalgame dépassé.
        – La vaste hypocrosie c’est de continuer à poser des amalgames métalliques tout pourris en s’y satisfaisant alors que d’autres matériaux sont à notre disposition.

        Un principe de précaution c’est à respecter comme lors d’un bilan technique immobilier statuant sur les risques de saturnisme ou lié à l’amiante dans les peintures plafonds ou sols.

        Bravo à vous pour vos articles vous captez notre attention sur des sujets clés.

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        • thedentalist

          Cher Herood,
          – je ne discutais pas directement, avec ce prof, des contraintes économiques de l’activité libérale mais du temps objectif nécessaire pour réaliser correctement une obturation composite triface lorsqu’elle est indiquée. Cela m’a permis d’entendre, de la bouche d’un universitaire, que les plafonds imposés par la Sécu sont purement et simplement irréalistes.
          – les CVI sont une alternative rapide et économique aux autres matériaux d’obturation mais ils vieillissent très mal et résistent mal aux contraintes.
          – je pense que l’amalgame est un matériau en voie de disparition et que le nombre de praticiens qui en posent diminue d’année en année. Mais au risque de répéter ce qui a été dit plus haut : ne vaut-il mieux pas que ces praticiens peu consciencieux continuent de poser des amalgames que de les voir saccager des composites?
          – merci pour l’intérêt que vous portez aux articles de ce blog. Sincèrement.

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  2. Maxime Bedez

    Tout l’article est super, comme d’habitude, mais la vidéo citée l’est beaucoup moins. Si on met de côté la paranoïa sur l’amalgame (j’aimerais bien connaître l’absorption d’amalgame à travers les gants en latex !), elle propose un « protocole de chélation », ce qui est à mon sens une fraude scientifique et une arnaque financière visant les personnes les plus fragiles.
    Peut-être que je ne suis pas assez renseigné sur le sujet ?

    J’irais même encore plus loin que vous sur l’absence de preuve de nocivité :
    – l’amalgame est « interdit » chez les enfants et femmes enceintes en Europe, « sauf si le dentiste le juge nécessaire », c’est une interdiction placebo…
    – les perturbateurs endocriniens sont une notion alarmante/alarmiste qui mérite énormément de prudence, car le plus souvent fondée sur rien ou presque.

    J’espère que mon commentaire n’a pas l’air négatif, parce que je suis d’accord avec 99% du contenu :p

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    • thedentalist

      Bonjour Maxime,
      J’ai choisi de partager la vidéo de notre consoeur, certes « positionnée » sur ce « créneau » des soins « bios et naturels ». Mais force est de constater qu’il y a là une vraie demande et je pense sa démarche sincère.
      Concernant les gants en latex, je n’ai pas de données précises à vous fournir, mais je sais que leur porosité est une réalité. Le méthacrylate des résines composites justement peut les traverser et irriter la peau des praticiens qui y seraient allergiques.
      L’interdiction de l’amalgame dentaire chez les sujets « fragiles » a en effet donné du grain à moudre aux anti-amalgames (« vous voyez bien que si c’est interdit chez les enfants, c’est que c’est forcément très dangereux! ») alors qu’il ne s’agit que d’un principe de précaution légal, sans base scientifique. Cela laisse le champ libre aux composites, qui, mal mis en oeuvre, produiront des effets négatifs autrement plus sérieux. Ce qui me fait souvent penser que le principe de précaution, s’il était vraiment un principe de précaution, devrait s’exclure lui-même!
      Merci, une nouvelle fois, pour votre commentaire qui nous invite à rester à la fois critiques, ouverts et prudents.

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  3. Rzigui ines

    Merci pour les informations
    Les patients qui ont des maladies auto-immunes et spécialement la sclérose en plaque le re largage de mercure suite a Une desobturation d amalgames sur plusieurs dents peut avoir des effets sur la fréquence des poussées de la maladie ?

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