En prothèse conjointe, la qualité du résultat final dépend de beaucoup de paramètres cliniques et techniques : la géométrie des préparations, la définition des limites cervicales, l’éviction gingivale, les prothèses transitoires, l’occlusion (statique et dynamique), la qualité du travail de laboratoire et bien sûr, la qualité de l’empreinte.
Le praticien doit faire son choix parmi un grand nombre de techniques, de porte-empreintes et de matériaux. Mais la première question qu’il se pose bien souvent est : « mordu » ou empreinte globale?
LES EMPREINTES SECTORIELLES EN OCCLUSION
L’empreinte sectorielle en occlusion dite « en mordu » est une technique d’empreinte permettant, au moyen d’un porte-empreinte spécifique, d’enregistrer dans un seul et même temps :
- l’anatomie du secteur des préparations dentaires,
- l’anatomie du secteur des dents antagonistes,
- les rapports d’occlusion que ces deux zones entretiennent en OIM.
Cette technique présente plusieurs avantages :
- Plus grande rapidité d’exécution : trois enregistrement sont réalisés en un seul temps. On peut considérer qu’une empreinte sectorielle en perdu est réalisée en 5 minutes alors que des empreintes d’arcades globales prennent 15 à 20 minutes.
- Plus faible quantité de matériau, ce qui réduit – en théorie – les risques de déformation lors de la prise et lors du retrait de l’empreinte.
- Plus grand confort pour le patient : les patients soufrant d’un réflexe nauséeux (et bien d’autres) préfèrent les empreintes sectorielles.
- Moindre prix de revient pour le cabinet grâce à la rapidité d’exécution et l’économie de matériaux.
Malheureusement, les indications de ce type d’empreinte sont très précises et donc limitées :
- Une (voire deux) préparation(s) bordée(s) de part et d’autre par des dents cuspidées. Les empreintes sectorielles en occlusion sont contre-indiquées pour les préparations de dents terminales ou pour les dents antérieures aux premières prémolaires (inclues).
- OIM parfaitement définie, stable et reproductible.
QUELQUES CONSEILS
Si vous décidez d’opter pour cette technique d’empreinte, malgré les nombreux inconvénients que nous allons évoquer, mieux vaut tenter d’en éviter les pièges :
- Choisir le bon porte-empreinte : il doit être rigide disposer de parois verticales suffisamment hautes pour soutenir le matériau. Eviter les dispositifs cartonnés qui se fixe sur un manche préhenseur ou les dispositifs présentant une gaze inter-occlusale qui va perturber l’enregistrement des surfaces occlusales.
- Essayer le porte-empreinte à vide : pour s’assurer qu’il n’y a aucune interférence avec les dents ou les muqueuses du patient lorsqu’il serre les dents.
- Donner des instructions au patient : car lorsqu’il va serrer les dents, la présence du porte-empreinte et du matériau peut provoquer un réflexe de mastication avec une déviation de la mandibule du coté de l’empreinte. Il faut bien donc bien lui expliquer qu’il devra « faire toucher ses dents du fond des deux cotés ».
- Repérer l’OIM avant l’empreinte : il est important pour le praticien de vérifier que les rapports d’occlusion contro-latéraux lors de la prise du matériau sont les mêmes que ce qu’il a observé avant l’empreinte.
TRAITEMENT AU LABORATOIRE
Tous les prothésistes vous le diront : mieux vaut travailler sur des arcades complètes que sur des modèles partiels.
- Les empreintes en mordu sont généralement montés sur de petits occluseurs en plastique, non rigides. Le risque d’imprécision en OIM est grand. Il est plus difficile et plus aléatoire d’articuler deux modèles sectoriels que deux modèles issus d’empreintes globales pour la simple et bonne raison que les parties contre-latérales et antérieures des modèles complets fournissent des références et des repères plus stables et plus précis.
- Avec cette technique, seule l’OIM est reproduite et il est impossible de faire des réglages dynamiques (mouvements exclusifs et positions de bout-à-bout) comme on pourrait le faire avec des modèles montés sur un articulateur semi-adaptable au moyen d’un arc facial de transfert. Bien sûr, pour une restauration unitaire, un prothésiste expérimenté saura adapter la morphologie de la pièce à l’anatomie des dents adjacentes et antagonistes. Mais si l’on a majoritairement recours aux empreintes sectorielles, il faut s’attendre à ce que le niveau de précision et d’adaptation fonctionnelle soit… Hmmm… disons… « différent ».
CONCLUSION
Quand on sait le nombre d’empreintes sectorielles en occlusion traitées dans les laboratoires de prothèses, on devine qu’elles ont encore la faveur des praticiens. La rapidité d’exécution et le prix de revient justifie largement ce choix. Mais est-ce un bon calcul si le temps gagné est perdu à refaire l’empreinte jugée inexploitable au laboratoire ou bien à ajuster la restauration en bouche, au dépend de sa morphologie, de son état de surface voire de sa résistance? Surtout si l’on sait que les patients jugent silencieusement nos travaux au temps et à l’énergie qu’il aura fallu passer à les ajuster.
Avant que la généralisation de l’empreinte numérique ne viennent anéantir ce débat, les empreintes sectorielles en occlusion auront toujours une place dans nos cabinets mais leurs indications devraient être largement revues à la baisse : empreinte pour un inlay-core unitaire, empreinte pour une restauration unitaire (inlay, onlay, veneerlay…), empreinte pour une coiffe unitaire pour un patient dont les dents adjacentes et antagonistes sont intègres et fonctionnelles et pour qui, éventuellement, la contrainte économique oblige le praticien à fixer le montant de ses honoraires avec plus de tact et de mesure.
Dans tous les autres situations, les empreintes globales devraient avoir notre préférence.
A lire également :
– 5 Astuces pour Plus de Précision Occlusale
– Comment Gérer un Réflexe Nauséeux?
– 3 Manières de s’Embrouiller avec le Prothésiste
Bonjour,
Merci pour cet article concernant notre quotidien.
Un point important n’a pas été me semble t’il abordé: il s’agit du critère de choix de l’empreinte sectorielle ou de l’empreinte globale:
Dans le cas d’une empreinte même pour une couronne unitaire (prémolaire ou molaire), il est important de définir le type de latéralité:
– si latéralité canine, empreinte sectorielle
-si latéralité de groupe, empreinte globale puisqu’en technique sectorielle le prothésiste ne peut pas régler les cuspides en latéralité.
Cela permet de ne pas avoir de retouche à faire en latéralité.
A bientôt
Arcad-dentaire.
D’autre part, l’empreinte globale permet également au prothésiste de voir la morphologie de la dent controlatérale ce qui peut l’aider .
A bientôt
Arcad-dentaire.
Cher Ami,
Tout à fait d’accord avec toi : les empreintes globales fournissent mille fois plus d’informations au prothésiste que les empreintes sectorielles.
Concernant les mouvements de diduction, je vais être un peu plus mitigé bien que ce que tu dis est parfaitement « conforme » à ce qui est écrit noir sur blanc dans tous les manuels de prothèses sur lesquels nous avons tous étudié. Je n’ai pas la prétention d’affirmer que tout cela est faux mais la mastication n’est pas aussi simple que cela et j’ai de sérieux doutes sur la réalité fonctionnelle des mouvements centrifuges en latéralité. Nous aurons surement l’occasion d’en rediscuter dans des posts futurs qui devraient traiter plus précisément de ce sujet.
Amitiés.
Excellent article, comme d’habitude
J’appuie les remarques du confrère ou conseur au dessus de moi, faisant remarquer la nécessité d’avoir un guidage canin en latéralité pour pouvoir utiliser ce procédé d’empreinte.
Quid du FGP (functionnaly guided path) ? Ancienne technique réalisée à l’aide de l’occluseur à 3 branches, et aujourd’hui remise au gout du jour grace aux empreintes optiques.
Bien cordialement
Salut Medhi et merci pour ton commentaire.
Le FGP avait (et a peut être encore) ses adeptes. La technique consistait à enregistrer, sur un support en cire et en plâtre, l’enveloppe fonctionnelle donnée par les dents antagonistes aux préparations lors de mouvements de diduction. Le prothésiste peut ainsi recréer la morphologie de la restauration pour qu’elle s’intègre dans l’enregistrement fonctionnel en question. Si ces explications ne sont pas claires (et je peux le comprendre), le lecteur pourra consulter une publication de la SOP contenant un article ur le sujet en cliquant ICI.
Le concept a été effectivement adapté aux empreintes sectorielles grâce à un articulateur à 3 branches : une pour la/les préparation(s), une pour l’antagoniste en OIM et une troisième pour l’antagoniste et l’enveloppe fonctionnelle.
Est-ce valable? Peut être… Est-ce la seule méthode possible? Peut être pas…
Car la vrai question de l’occlusion dynamique n’est pas de reproduire des mouvements centrifuges de latéralité que le patient n’effectue jamais dans la réalité mais plutôt des mouvements centripètes de mastication. Ces derniers ne sont pas totalement reproductibles sur un articulateur semi-adaptable classique ou virtuel, hélas.
C’est un vrai scoop ,Jean -françois Lauret +et Marcel Legall le cri depuis des années ,enfin pour lui c’est une reconnaissance. Souvent il suffit de lire les modèles et d’imaginer mécaniquement les mouvements de mastication et de les reproduire c’est assez facile pour les reconstructions unitaires encastrées beaucoup plus difficile dans le cas de bridge ou dans la réhabilitation d’un secteur .Les prothèsistes font le plus souvent des formes anatomiques académiques qui ne correspondent pas à la fonction et pour l’instant aucun articulateur ne peut reproduire les mouvements de mastication, peut-être le numérique pourra marier la fonction de mastication préenregistrée à l’enregistrement des modèles virtuels .Un truc amusant voir l’occlusion et les surfaces d’occlusion sur des PIP Bimax ,cela laisse r^veur et me rend humble vis à vis de mes/nos capacités à rendre la fonction . Soulignons l’importance des provisoires et du temps qui est nécessaire à leur réglage. Demander à un patient de simuler un mouvement de mastication en 2 minutes pour 80% des patients ,cela relève de mission impossible. occlusalement votre Dr GG
Salut Gilkis,
Je suis entièrement d’accord avec vous : les théories de l’occlusion (encore largement enseignées dans les fac) devraient être re-considérées. La réalité de la mastication est abandonnée pour des théories de « fonction canine » ou de « fonction de groupe » dont la dernière méta-analyse confirme la stérilité (Abduo J, Tennant M. Impact of lateral occlusion schemes : A systematic review. J Prosthet Dent 2015; 114: 193-204.).
LeGall et Lauret ont eu un immense mérite de considérer la mastication dans la fonction occlusale. Mais n’ont-ils pas, eux aussi, un peu trop compliqué les choses avec leurs traces multicolores en entrée de cycle et en sortie de cycle, ou avec le Replicator (leur fameux articulateur sensé pouvoir reproduire la mastication…? D’autant que la mastication varie en fonction du volume et du type d’aliments ingérés et probablement au cours du temps, des modifications de la denture, de l’adaptation du sujet… Un vaste programme donc!
Au plaisir d’en rediscuter avec vous.
Ce n’est pas si compliqué ,il faut ipartir de la rencontre des 6 en classe 1 et prendre comme point de départ la cuspide centro vestibulaire de la 6 inf et lui faire d’écrire dans sa tête le cheminement de celle-ci sur la table occlusale de la6 supérieur .apres il faut construire et étendre cette vision à l’ensemble ,je vous l’accorde cela demande un certains temps pour créer tous les chemins des différentes cuspides et de leurs surfaces de congruence ( il suffit à chaque fois que nous avons des modéles de les faire fonctionner).dans leur livre c’est une analyse didactique des chemins et des cycles de mastication et c’est un remarquable travail . Je suis d’accord comme ils l’expliquent aussi, le s cycles masticatoires diffèrent en fonction de la consistance du bol alimentaire ,Mais l’anatomie dentaire sert à deux choses qui me paraissent essentielles : la déglutition ,l’attaque du cycle masticatoire et la fin du cycle entre temps il n’y a pas de contact entre les temps et cela il suffit de l’expérimenter sur soi .Untruc assez rigolo c’est que souvent nous imaginons uniquement le guidage sur les cuspides vestibulaires que nous voyons et souvent ce sont les cuspides linguales qui prennent en charge ce rôle et c’est là qu’il faut être très humble sur nos capacités à reconstruire ou à s’intégrer dans des occlusions qui sont souvent abracabrantes et où la capacité d’adaptation du système manducateur est incroyable.
J’attends du numérique la modélisation de ces mouvements de mastication et et de leurs intensités,surtout dans le domaine de laprothése implantaire ,car pour l’instant le diktat c’est fonction canine ,ce qui nous arrange en réduisant les excursions latérales .NOus avons encore beaucoup de grain à moudre et n’abandonnons pas notre sens critique au docteur machin chose et au professeur Tartanpion.Au plaisir de vous lire . Gilbert
trés bon article d’ensemble mais vous n’évoquez pas cette technique d’empreinte en Wash Technique.
Hors j’ai un problème avec un praticien qui pratique cette façon de faire et je n’ai que des problèmes
volumétriques de l’empreinte. Tout est fabriqué par informatique au labo et au niveau précision c’est pour tout le monde la même chose. Il me tient tête et dit de revoir ma fabrication. je n’ai pas de référence littéraire en wash T, pouvez vous débattre la dessus.
Merci
Michel Coulange prothésiste
Bonjour Michel,
Sans prétendre faire autorité dans le domaine de la prothèse fixée, je n’ai jamais eu écho d’une technique d’empreinte sectorielle repassée. Cela me semble même être une aberration. Les porte-empreintes sectoriels en mordu ne le permettent pas… c’est un non-sens.
La seule option serait de réaliser une empreinte sectorielle en deux temps du secteur concerné par les préparations, une empreinte alginate sectorielle de l’antagoniste + un enregistrement de l’occlusion et d’articuler le tout sur un occluseur… On se rapproche ainsi de la technique d’empreinte classiquement décrite.
Bon courage et merci de votre commentaire.