La plupart du temps, nous formulons nos recommandations et nos plans de traitement uniquement sur la base de notre expérience personnelle et éventuellement sur ce qui nous a été appris en fac ou sur « ce qui a fonctionné pour le Dr Machin avec qui j’ai parlé un jour lors d’un congrès », etc.
Le vieillissement de la population, associé au souci croissant de maintenir une bonne santé bucco-dentaire, amène bon nombre de patients à nous consulter pour trouver des solutions à des situations cliniques souvent complexes : atteintes de furcation, dents nécessitant des traitements (ou des retraitements) endodontiques, édentements plus ou moins étendus, dents fêlées ou fracturées… Pour construire un plan de traitement qui permette de prendre les meilleures décisions thérapeutiques dans le sens d’une amélioration globale de la santé bucco-dentaire du patient, il devient nécessaire de se baser sur des éléments choisis de bibliographie.
La littérature scientifique est une arme puissante, mais à double tranchant. Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de quelques-uns des effets néfastes de l’Evidence Based Medecine qui produit un Océan de publications et d’abstracts dans lesquels il devient extrêmement difficile de naviguer pour prendre des décisions quotidiennes en clinique. Mais gardons-nous de jeter le bébé avec l’eau du bain car la pratique médicale moderne doit aussi se débarrasser de ses décisions empiriques et émotionnelles. La littérature, la vraie, fait référence à des études statistiques correctement menées et qui vont constituer un socle scientifique solide sur lequel nous pourrons tirer des conclusions et faire recommandations incontestables à nos patients.
QUELLE ATTITUDE FACE A LA MALADIE PARODONTALE?
Malgré les dernières avancées technologiques et techniques, la prévalence des maladies parodontales est toujours très élevée. Plus ces maladies progressent, et plus la perte osseuse s’accentue, plus les dents postérieures présentent des atteintes de furcation et plus les dents antérieures deviennent mobiles. Le pronostic de ces dents devient alors « engagé », « critique » voire « désespéré ».
Avant l’avènement des implants dentaires, le plan de traitement consistait essentiellement à maintenir ces dents le plus longtemps possible, même dans des situations « loin d’être idéales ». Le problème principal avec les dents « douteuses » présentant des atteintes de furcation est que la maladie parodontale touche non seulement le support parodontal de la dent en question mais aussi celui des dents adjacentes.
Aujourd’hui, grâce à la fiabilité des implants dentaires dans « certaines situations », le plan de traitement consiste plus souvent à extraire ces dents et à les remplacer par des prothèses implantaires, réputées plus fiables. D’où la question : Comment savez-vous que vous avez pris la bonne décision?
La littérature fournit des éléments de réflexion. Dans une étude du Journal of Periodontology, 102 patients (soit plus de 800 molaires) ont été suivis sur des périodes allant de 15 à 40 ans (24 ans en moyenne). Pour chaque patient, des scores ont été établis en fonction de l’âge, du tabagisme, des profondeurs de sondage, de degré d’atteinte de la furcation, du type de molaire ( 1ère Vs. 2ème; maxillaire Vs. mandibulaire). Les résultats offrent une perspective nouvelle pour les praticiens et pour les patients :
- 78% des molaires ont survécu et 89% d’entre elles sont considérées comme parodontalement saines;
- Les scores les plus bas (de 1 à 3) présentent un taux de survie de 96 à 99% à 15 ans.
- Les scores moyens (de 4 à 6) présentent un taux de survie de 90 à 95% à 15 ans.
- Les scores les plus élevés présentent des taux de survie des 67 à 86% à 15 ans.
Comme de nombreuses autres études l’on montré, le tabac est le facteur qui influence le plus le pronostic des dents, suivi par les profondeurs de sondage et la mobilité.
CONCLUSION
On voit donc que les thérapeutiques parodontales, lorsqu’elles sont bien menées, peuvent permettre aux patients de conserver leurs dents « douteuses » pendant de nombreuses années plutôt que de les extraire trop hâtivement. Les thérapeutiques implantaires présentent également des inconvénients.
On voit également que c’est ce type d’étude fournit, au praticien comme au patient, une méthode rationnelle d’évaluation des bénéfices et des risques liés à la conservation ou à l’extraction des dents atteintes de maladie parodontale. La clé réside, comme toujours dans l’évaluation des risques.
Vous souhaitez vous former à la méthodologie de construction des plans de traitement? Cliquez ici.
Bonjour et merci pour l’article
J’aimerais revenir sur une phrase qui m’interpelle : « Le problème principal avec les dents « douteuses » présentant des atteintes de furcation est que la maladie parodontale touche non seulement le support parodontal de la dent en question mais aussi celui des dents adjacentes. »
Je trouve qu’elle est en contradiction avec la conclusion de l’article qui est en faveur de la thérapeutique parodontale..Ai-je mal compris ?
Merci d’avance !
Bonjour Hugo,
Le but de ce billet était de se pencher sur la notion de pronostic en parodontologie. A quel moment passe-t-on de la parodontologie à l’implantologie? Ces deux disciplines sont souvent pratiqué de manière complémentaires mais sont antagonistes par nature.
Dans les années 90, le développement des implants et leurs remarquables taux de succès ont participé à diffuser l’idée qu’ils étaient préférables aux dents « parodontalement » compromises, voire carrément meilleur que les dents en général. Les parodontologues ont abandonné les curettes pour les forets et sont devenus des implantologues en puissance. Mais quelques années plus tard, le développement des maladies péri-implantaires (à plus forte raison chez les patients atteints de formes agressives de maladies parodontales) et les autres types de complications implantaires ont calmé les ardeurs et conduit certains à reconsidérer les stratégies parodontales classiques. Les implantologues qui sont re-devenus des parodontologues ont pu voir que des dents qui semblaient très compromises pouvaient être conservées. C’est la conclusion de l’étude présentée.
Les deux messages qu’il faut retenir sont :
1- rigoureusement mené, les traitement parodontaux permettent la conservation des dents. Une dent dont le parodonte est affaibli mais sain, et maintenu comme tel vaut peut être mieux qu’un implant. Mais cela demande beaucoup d’efforts de la part du patient comme du praticien.
2- il ne faut pas systématiser l’un ou l’autre des traitements : de la même manière : inutile d’engager des traitements contraignants pour des dents dont les atteintes parodontales sont terminales et sans espoir. Il faut disposer, pour chaque patient, de critères de décision généraux, régionaux et locaux pour décider au mieux de l’extraction ou de la conservation. Ces critères seraient assez longs à exposer dans un article de ce type mais font l’objet d’un cours plus consistant auquel j’invite ceux qui le souhaitent à participer : Le Plan de Traitement Global.
Merci de votre lecture attentive et de l’intérêt que vous portez à nos publications.
Je comprends
Encore merci pour vos réponses ;)