Concernant la planification thérapeutique, nous avons vu que les motivations du praticien et les motivations du patient étaient différentes. Le praticien raisonne sur des critères objectifs de santé et de facteurs de risque alors que le patient base sa décision sur des critères subjectifs. Si le praticien arrivait à révéler la problématique aux yeux de son patient selon ses propres critères, ce dernier serait fortement décidé à agir et à engager le traitement sans attendre. D’ailleurs, beaucoup de praticiens ont tenté « d’éduquer » leur patients avec des résultats peu concluants. Dispenser un cours de parodontologie ou de prothèse à un patient allongé sur le fauteuil n’a jamais marché, distribuer des documents écrits, diffuser des vidéos éducatives ou des présentations Powerpoint non plus. Sans connaissance des principes et sans méthode, la diffusion des informations au patient peut s’avérer totalement inefficace.
- Principe n°1 : Si vous ne connaissiez pas un mot avant d’entrer à la fac dentaire, ne l’utilisez pas en présence du patient. Apprendre au patient à parler le jargon dentaire ne l’impressionnera pas. Il ne le retiendra même pas et cela génèrera chez lui de la confusion. Il est à ce propos intéressant de remarquer que l’incompréhension a souvent pour conséquence l’apathie. Imaginez-vous, vous même, face à un expert bancaire qui vous délivre, dans un verbiage technique complexe, les détails d’une assurance-vie ou d’un produit financier : actif successoral, abandon de créance, contrat de gestion, monnaie fiducielle, intérêts courus non échus, participation aux acquêts, quasi-usufruit, quotité disponible, ratio de liquidité… Bla Bla Bla… Le client que vous êtes retardera sans doute sa décision (apathie) simplement parce qu’il est écrasé par une foule d’information insensée à ses yeux. L’objectif n’est donc pas atteint ; le client n’est pas accompagné pour prendre une décision pourtant importante dans sa vie.
- Principe n°2 : Ne fournissez à votre patient que des informations en rapport avec sa situation personnelle et individuelle. Inutile de lui faire un cours, de lui parler d’autres cas. Posez-vous une question simple : quelle information dois-je donner au patient pour l’aider à comprendre ce qui se passe dans sa bouche et ce que nous pouvons faire pour y remédier ?
La concordance est un des principes du comportement humain qu’il est très important de connaître. Car quand le patient comprend que vos messages sont concordant avec ses propres préoccupations, il vous écoute plus attentivement. Si vos informations sont faciles à intégrer, il est probable qu’elles prennent plus de sens pour celui qui les écoute.
- Principe n°3 : Vous devez informer. Et c’est à ce moment précis que vous allez expliciter les facteurs de risque à votre patient. Voici les mots justes :
Si le risque est faible : « Une combinaison de facteurs font que les choses évoluent de manière favorables pour vous dans ce domaine. Il est probable que vous ayez une bonne constitution génétique. Il aussi probable que vos efforts produisent des résultats qui surpassent les problèmes que vous rencontreriez si vous ne faisiez rien. Il est possible que les traitements dentaires que vous avez reçu par le passé aient éliminé la maladie ou modifié son rythme d’évolution. Quoi qu’il en soit, nous n’auront pas de grande difficultés à résoudre votre problème. Continuez comme ça. »
Si le risque est modéré : « Votre corps essaie d’attirer votre attention. Nous avons la preuve que vos défenses naturelles vous font défaut et/ou que les soins dentaires que vous avez reçus par le passé ne jouent plus leur rôle. Dans bien des cas, en vieillissant, le corps change et doit faire face à de nouveaux problèmes. Vous ne pouvez pas ignorer ces problèmes et espérer que ça ne s’arrange tout seul ou arrête de s’aggraver. Le fait que vous ayez pris conscience de ces problèmes indique qu’il est temps de faire quelque chose. Plus important encore, je peux voir les conséquences de vos problèmes. Si nous voulons stopper leur développement, nous allons devoir traiter les causes de leur apparition et en même temps réparer les dommages qu’ils ont créés. »
Si le risque est élevé : « Votre corps vous indique un message clair : ce que vous avez fait jusqu’ici est insuffisant et le bilan de cette absence de soins sera lourd. Vos défenses naturelles sont débordées et vous payez le prix fort des dommages qui sont apparus. La tournure qu’ont pris les évènements vont nous conduire, vous et moi, à adopter des mesures extraordinaires pour reprendre le contrôle de la situation. Cela peut marcher comme ne pas marcher. »
CONCLUSION
La complexité des situations cliniques nous obligent à repérer des détails qui peuvent avoir des conséquences importantes sur l’issue du traitement. C’est pour cela que nous devons adopter un modèle analytique puissant lorsque nous nous engageons dans une des cinq variables liés au praticien que nous avons défini. Après avoir récolté des indices, le praticien prend du recul pour avoir une vue d’ensemble de la situation et rechercher la solution thérapeutique la moins invasive, la plus prédictible : le traitement le moins risqué en somme.
Lorsqu’il s’agit de parler au patient, au contraire, la complexité est l’ennemi. Même si nous avons tous fait l’expérience du patient ingénieur ou enseignant qui insiste pour qu’on lui explique tous les détails techniques du diagnostic au traitement, il est indispensable de changer d’état d’esprit lors de l’écoute et l’information du patient. Il faut se concentrer sur la façon dont le patient définit et ressent son/ses problème(s).
Il faut :
- communiquer les données cliniques de manière digeste et utile pour le patient ;
- comprendre que le concept de facteur de risque peut être particulièrement simple et pertinent pour le patient ;
- aider le patient à évaluer l’investissement nécessaire à la lumière des informations délivrées de manière adaptée et lui permettre de prendre sa décision.
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