Il est toujours délicat de parler d’argent, surtout en médecine. Pourtant, le professionnel de santé libéral, honoré pour son savoir et pour les soins qu’il prodigue, et de surcroit à la tête d’une entreprise, ne peut pas négliger cet aspect de la relation thérapeutique.
Nous avons déjà eu l’occasion de traiter de ce sujet dans des articles consacrés au honoraires médicaux et dentaires, aux difficultés financières que peuvent rencontrer les patients ou encore à la gestion financière du cabinet…
L’occasion aujourd’hui de parler des arrhes ou de l’acompte, versés par le patient avant et durant la réalisation du plan de traitement, mais toujours après y avoir consenti de manière éclairée. Ce consentement -rappelons-le – doit porter, non seulement sur la nature des soins envisagés mais aussi sur les couts de ce traitement ainsi que sur modalités de versement des honoraires.
Dans beaucoup d’entreprises, du bâtiment par exemple, où des travaux conséquent sont envisagés, la méthode de l’acompte est communément admise. En revanche, beaucoup de chirurgiens-dentistes hésitent à le mettre en place dans leurs cabinets… Voici 3 raisons d’y avoir systématiquement recours :
POUR EVITER LES MAUVAISES SURPRISES
Bien que la grande majorité des patients souhaitent honorer leur professionnel de santé à la juste valeur de son expertise et de ses services, il existe une frange marginale de patients peu scrupuleux. Exemples :
- Le patient qui, sans en avoir discuté au préalable, une fois le traitement réalisé et terminé, va demander à payer en plusieurs fois et va laisser 15 chèques à encaisser au fil des mois qui vont suivre.
Bien sûr, libre à chaque praticien, d’accepter ce mode de fonctionnement mais ces « chèques-tiroir », lorsqu’ils sont trop nombreux, mettent en péril l’équilibre financier du cabinet qui sera alors en difficulté pour honorer les factures de ses fournisseurs. - Le patient qui, ayant fait mine d’accepter votre plan de traitement dans sa globalité, vous laisse faire gentiment les soins préliminaires (endos, restaurations, extractions…) puis vous quitte du jour au lendemain pour aller faire réaliser les soins prothétiques dans un autre cabinet, réputé moins cher et/ou sur conseil de son assurance complémentaire.
- Le patient qui, alors que le traitement touche à sa fin, décède ou disparait.
POUR FAIRE LES CHOSES DANS LES RÈGLES
Lorsque des travaux longs sont envisagés et que le paiement des honoraires est prévu en intégralité après la séance finale, le praticien peut être tenté, plus ou moins consciemment, d’accélérer la cadence ou tout du moins de « fermer les yeux » sur des petits détails (adaptation, occlusion, teinte…), voire de carrément « bâcler » le travail. Cela n’est pas acceptable!
Lorsque la politique de l’acompte est mise en place, le praticien ne ressent plus cette pression qui pourrait le pousser à terminer le travail prothétique, orthodontique ou autre afin d’être (enfin) honoré.
Grâce à l’acompte, le praticien peut se concentrer sur son coeur de métier et s’appliquer a faire son travail consciencieusement, en autant de séances que nécessaire.
POUR SÉCURISER SA TRÉSORERIE
Imaginons un plan de traitement long et complexe, s’étalant sur 12 ou 24 mois, et qui nécessite de commander du matériel implantaire, des produits particuliers, des travaux complexes et délicats au laboratoire de prothèse…
Sans le versement d’arrhes, c’est la trésorerie du cabinet qui assume à elle seule ces avances de frais. Si le traitement est rallongé, ou si le patient tarde à honorer ses soins, le paiement des factures peut poser de sérieux problèmes de gestion.
Comment faire en pratique :
- Systématiser le processus avec son équipe,
- Informer par écrit ET oralement chaque patient au moment de l’établissement du devis :
- 1er versement de 40% au début des soins,
- 2ème versement de 30% au moment des empreintes par exemple,
- Versement final de 30% à la pose ou à la fin du traitement.
- Fournir une facture d’acompte permettant au patient de justifier que la somme a été versée.
N.B : L’acompte ne peut jamais dépasser 50 % du montant total dû pour le traitement des 6 mois suivants.
CONCLUSION
La politique du versements d’acomptes au cours des plans de traitements odontologiques nous semble être une méthode efficace et fiable pour éviter les « trous d’air » de trésorerie, qui, comme dans n’importe quelle entreprise, ont des retentissements négatifs sur toute leur organisation.
Certains patients, habitués par leurs vieux praticiens, à « tout régler à la fin » peuvent être perturbés par cette nouvelle politique de paiement. Sauf si vous (ou un membre de votre équipe) ne clarifiiez les choses en amont. Car souvenez-vous que la clarté est un préalable nécessaire à l’établissement de la confiance.
Au final : tout le monde – les cabinets dentaires aussi bien que les patients – préfèreront cette politique financière car le fait de demander un acompte à vos patients est un gage de professionnalisme et de sérieux. Mais cela ne doit en aucun cas occulter nos obligations déontologiques, humaines et éthiques en matière d’honoraires médicaux.
Bonjour Guillaume,
Je ne partage pas ton avis sur plusieurs points :
1 L’acompte et les arrhes sont juridiquement différents :
Sauf mention contraire stipulée dans le contrat, le consommateur perd l’intégralité de ses arrhes s’il annule sa commande ou se rétracte. En contrepartie, il ne peut pas être contraint légalement d’exécuter les termes du contrat. Il peut donc, en clair, renoncer à l’achat dès lors qu’il perd la somme versée par anticipation. Les arrhes sont très courants lors des réservations d’hôtel.
De son côté, si le vendeur ne livre pas le bien ou n’exécute pas la prestation prévue, il peut être condamné à rembourser au consommateur le double des arrhes versées (article 1590 du Code civil).
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L’acompte traduit un engagement ferme à la fois du vendeur et de l’acheteur. Il implique l’obligation d’acheter pour l’un et l’obligation de fournir le bien ou la prestation pour l’autre.
L’acompte est en fait un premier versement « à valoir » sur un achat.
Il n’existe aucune possibilité de renonciation pour le consommateur. A moins qu’un accord soit trouvé avec le vendeur, l’acompte n’est pas remboursable. Une exception toutefois : lorsque le client a souscrit un crédit à la consommation pour son achat et se rétracte dans un délai de 3 à 14 jours, son acompte peut être remboursé.
De son côté, le vendeur ne peut pas non plus changer d’avis. Même en remboursant l’acompte au consommateur.
Les deux parties, acheteur et vendeur, peuvent être condamnés à verser des dommages et intérêts s’ils se rétractent unilatéralement.
Si tu changes de plan de traitement, tu es dans une situation délicate…
Sans compter sur l’obligation de résultat relative à la réalisation des prothèse.
2 Concernant la comparaison avec le bâtiment, la personne qui paye le prestataire est souvent un financement.
Dans notre métier, les vrais clients ne sont plus nos patients, mais de plus en plus les mutuelles de nos patients.
Mettre systématiquement un barrage à l’entrée diminue considérablement le taux de conversion d’un prospect en client. Ce qui impacte ton chiffre d’affaires.
3 Concernant la trésorerie, je pense que cela est dû à une vision erronée des structures juridiques.
Une société pour produire une valeur a besoin de deux composants des machines et un besoin en fond de roulement (actif économique) qui sont financés par les actionnaires et par la dette.
Les BNC ne peuvent générer de trésorerie, car la totalité du bénéfice est taxée par les charges sociales à la différence des sociétés à l’IS.
Un exemple pour aller plus loin, un patient te signe un devis de 10 K le 15 novembre, tu vas donc recevoir 40 % soit 4K.
Tu vas demander un autre acompte le 15 décembre. 30 % pour reprendre ton exemple.
Ton revenu sera taxé avant d’avoir pris en considération les frais…
Il y a deux nombreuses autres problématiques (je ne peux toutes les aborder) comme par exemple la gestion administrative qui augmente et la gestion de problèmes associés qui est plus longue.
C’est pourquoi, je ne pense pas qu’il faille systématiser cette pratique. Il faut la réserver à certains cas.
Au plaisir de te rencontrer, et encore plus à une formation sur la gestion du cabinet dentaire que j’organise ; )
Guillaume
Merci Guillaume pour ces précisions qui confirment ta grande connaissance sur ces sujets.
Tu as raison de faire remarquer la différence juridique entre arrhes et acompte. J’ai volontairement fait l’impasse dans l’article pour ne pas l’alourdir. Notre activité (dis-moi si je me trompe) se place évidemment dans le cadre de l’acompte.
J’ai basé cet article sur mon expérience personnelle (certes anecdotique) et sur celles de quelques confrères qui m’ont incité à procéder de la sorte.
Les arguments que tu avances sont très précis mais au quotidien, dans mon cabinet, j’aborde ces considérations de manière plus souple (presque « terre à terre ») que les experts juridiques et fiscaux. La relation de confiance et le dialogue permanent avec nos patients (qui rappelons-le ne sont pas des clients ou des consommateurs stricto sensu) doit nous permettre de faire face à des imprévus, des changements dans le plan de traitement de la part du praticien ou des changements de plan de traitement de la part du patient.
Je te rejoins lorsque tu dis qu’il faut réserver cette pratique à des cas précis et ne pas la systématiser. Personnellement, je l’utilise plus fréquemment que par le passé et nous y trouvons (mon équipe, mes patients et moi) une forme de sérénité.
Au plaisir de te lire.
Si le principe des acomptes sur les soins prothétiques est bien acté, je n’en suis pas persuadé pour les soins de dentisterie habituels . Que dit le CNO et la sécu sur le sujet ?
Même si la procédure est légitime, est elle légale ?
RE-question : quelle est la position officielle du CNO et de la CPAM sur le sujet ??
Ok pour les soins prothétiques mais quid des soins de dentisterie multiples ( DO , Endo , extractions…) ?