Les thérapeutiques implantaires ont pris un essor considérable au cours des deux dernières décennies. Le nombre de praticiens pratiquant l’implantologie augmente, le nombre de patients souhaitant bénéficier de traitements implantaires augmente tout autant. Les juristes considèrent d’ailleurs que, face à un édentement, la non-proposition d’un traitement implantaire constitue un défaut d’information et donc une faute.
Oui mais voilà : l’implantologie (et tous ceux qui la pratiquent depuis un certain temps le savent) n’est pas un long fleuve tranquille et la réalité clinique n’est pas aussi rose que les brochures des visiteurs médicaux ou que les cas fièrement présentés par les conférenciers.
Les complications implantaires sont de deux ordres :
- Les complications biologiques : elles touchent les processus d’ostéo- ou de muco-intégration. L’exemple le plus emblématique est la péri-implantite.
- Les complications structurelles : elles touchent les composants prothétiques. Exemples : dévissages, fractures etc.
Il est important à ce titre de ne jamais promettre à un patient un traitement implantaire « à vie ».
D’une part car la durée de vie des patients est en perpétuelle allongement. Espérer vivre jusqu’à plus de 90 ans de nos jours ne relève absolument plus du miracle et si un patient est implanté à l’âge de 30 ans, il faudra tabler sur une durée d’usage de la prothèse de plus de 60 ans.
D’autre part car les prothèses implantaires ne remplacent pas les dents, ils se substituent aux dents lorsque celles-ci sont absentes. Et cette technologie « artificielle » est placée dans un environnement buccal de nature particulièrement agressive : les fluides peuvent provoquer la corrosion du métal, les bactéries peuvent agresser et détruire les tissus de soutien péri-implantaires et les forces fonctionnelles et para-fonctionnelles mettent ces systèmes à très rude épreuve plusieurs fois par jour pendant des décennies.
Les traitements implanto-prothétiques impliquent donc une conception, une mise en oeuvre et une maintenance particulièrement rigoureuse. Les praticiens – et les patients – doivent garder à l’esprit que « dans la bouche, rien d’éternel » et que les implants dentaires, aussi performants soient-ils, ne peuvent prétendre faire mieux que ce qu’a fait la Nature.
L’implantologie fait généralement se poser deux questions essentielles :
- L’implantologie est-elle la meilleure option pour un patient donné?
- A quel moment de la vie du patient, est-il le plus opportun d’implanter?
Ces questions se posent avec d’autant plus d’acuité que les patients sont jeunes. De nombreux rapports de cas et d’études bibliographiques ont montré que l’implantation avant la maturité biologique (qui est un âge variable selon les individus et bien plus tardif que l’âge de la majorité légale) pouvait provoquer une sidération de la croissance osseuse locale et créer des décalages flagrants avec les zones des maxillaires non implantées et qui, elles, continuent de se développer.
Pour illustrer cet article, nous vous présentons un cas clinique de réhabilitation complète (full mouth) fonctionnelle et esthétique sans le recours au moindre implant ostéo-intégré.
Il s’agit d’une femme de 57 ans, sans problème de santé particulier, fumeuse très modérée et ayant une hygiène bucco-dentaire satisfaisante.
Ce cas clinique – anecdotique, certes – ne veut absolument pas dire qu’une stratégie thérapeutique sans implant sera indemne de complications futures. Cela ne veut absolument pas dire non plus que les implants n’auraient pas été indiqués. Cela veut simplement dire que le maintien des organes dentaires doit rester notre priorité car lorsqu’il est possible, il permet :
- de réduire la durée et le coût des traitements prothétiques
- de maintenir la proprioception desmondontale et par voie de conséquence de réduire les surcharges appliquées à la reconstruction
- de retarder au maximum l’échéance implantaire
A lire également :
- Implant ou Retraitement?
- Travaux Dentaires : Quelles Garanties?
- Quel est votre Taux de Reprise?
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Bravo pour cet article et ce cas qui est magnifique. Le plus difficile démarre à votre dernière image: maintenir les résultats acquis par une bonne maintenance et une prophylaxie personnalisée sachant que selon les critères choisis la fréquences des péri-implantites est de 28 à 56%(ZITZMANN NU et BERGLUNDH.T, J Clin Periodontol, 2008). Les péri-implantites sont des maladies inflammatoires infectieuses d’origine bactérienne.Qu’appelle-t-on hygiène buccodentaire correcte ? 68% des patients utilisent le mauvais matériel de brossage ( et je ne parle pas de la méthode) et seul 22% de patients passent des brossettes interdentaires ( et je ne parle pas du la fréquence et de la méthode).Une étude des laboratoires Pierre Fabre et de l’UFSBD d’avril 2017 qualifie les français de mauvais brasseur et rappelons que le brossage moyen français est d’1 fois par jour, 43secondes, anarchiqueavec 1,5 brosse à dent par an …. Cela nécessite un changement des paradigmes sur l’éducation thérapeutique car aujourd’hui sur des patients avec un parodonte cliniquement sain nous retrouvons 40% des sites qui saignent au passage des brossettes interdentaires (Florence Carrouel, Stéphane Viennot , Julie Santamaria, Philippe Veber and Denis Bourgeois Front. Microbiol., 02 June 2016 ) …donc ce que l’on classe comme parodontes sains présentent en fait de l’inflammation et c’est le vecteur qui favorise l’apparition des péri-implantites ( sans parle du choix du système implantaire, du positionnement tridimensionnel de l’implant etc etc.) On parle des « métastases inflammatoires »…Le maintien des résultats acquis et la maintenance doivent passer par une autre approche et la création de véritable hygiéniste dentaire. Le gradient thérapeutique commence par la prophylaxie et fini par la prophylaxie personnalisée. Cela ne fera pas disparaitre les péri-implantites mais aurait probablement un impact sur leur fréquence et sur le maintien des magnifiques résultats cliniques comme ce cas. Encore Bravo
Merci Furic pour ce commentaire qui rappelle à quel point la perrenité (puisque c’est de ça dont il s’agit) de ce travail dépendra dans une large mesure de la capacité de la patiente a maintenir un excellent niveau d’hygiène. Cette patiente, bien que présentant une situation initiale chaotique, a toujours fait preuve d’application pour hygiène quotidienne. C’était un élément extrêmement favorable à l’entreprise restauratrice et prothétique. Sa motivation n’a été que renforcée par le résultat final. Elle sera revue tous les 6 mois pour des soins prophylactiques individualisés.
Article Interessant , la portée du bridge maxillaire aussi me semble pas mal secteur 1, pronostic a long terme vs Couronne unitaire et Implant sur un terrain non Paro et un biotype epais cela reste a discuter.
Ce qui m’interesse par compte quel est ton proto qui boss avec l’articulateur de PANADENT (je croi que c’est celui utilisé par J.KOIS) et ou peut on se procurer cette articulateur en france (un revendeur sympa avec un prix sympa aussi :D)
Salut Derman!
Le laboratoire qui a travaillé sur ce cas est : CeramFixe à St Avertin (37). Je les salue et les félicite pour la qualité de la réalisation et leur patience.
Pour l’articulateur, j’utilise le système Panadent depuis quelques années maintenant et il s’est imposé dans mon labo comme un système particulièrement bien conçu, fiable et pratique dans son utilisation, surtout en ce qui concerne le système d’arc de transfert (Kois Dento-facial Analyser conçu et développé, en effet, par le Dr John Kois.)
Panadent ne le distribue malheureusement pas encore en France. Les distributeurs européens les plus proches sont, parait-il, en Allemagne. Personnellement, j’ai commandé directement auprès de la société en Californie (www.panadent.com). L’achat est conséquent (prix US + frais de port + taxes) mais vu l’utilisation intensive que j’en fait, aussi bien au cabinet qu’au laboratoire, c’est un très bon investissement que je ne regrette absolument pas!
Merci pour l’info, après j’hesite bcp avec le ARTEX de Ammangirrbach car mes protos (sur paris) ont plutôt cet articulateur
De plus le systeme de transfert aussi est facile et permet de ne pas avoir a le monter sur articulateur au cabinet mais aussi de ne pas envoyer l’articulateur car celui ci peut être calibré et standardisé:)
C’est quoi, la « relation centrée » ? On utilise encore ce concept pour faire quoi en 2018 ?
Cher Mario,
Aujourd’hui comme hier, lorsqu’il n’est pas possible d’utiliser une référence dentaire pour déterminer la position mandibulaire de référence, une référence articulaire doit être choisie. C’est le cas d’école de la prothèse amovible complète. C’est aussi le cas lorsque l’analyse fonctionnelle initiale montre que l’OIM est « pathogène » c’est à dire potentiellement génératrice de pathologies soit musculaires, soit articulaires, soit parodontales, soit dentaires (attrition). Enfin, et dans la situation clinique exposée, lors d’une réhabilitation complète, il est judicieux de faire coïncider la future OIM avec une position mandibulaire, à référence articulaire, physiologique et bien tolérée. C’est ce que l’on entend par « relation centrée ».
Bonjour, merci pour votre article !
Où est-ce que je peux trouver le feuillet pour faciliter la mise en relation centrée ?
Bonjour,
on peut trouver cet ustensile sur internet, de préférence sur des sites anglo-saxons en faisant une recherche pour « dental leaf gauge ».
Je vous invite également à lire (en anglais également) ces deux articles qui traitent du sujet :
http://www.speareducation.com/spear-review/2015/02/using-a-leaf-gauge-with-intention-part-i-kevin-kwiecien
http://www.speareducation.com/spear-review/2015/03/using-a-leaf-gauge-with-intention-part-ii
En espérant que cela vous sera utile.
J adhère totalement à cette conclusion
« – de réduire la durée et le coût des traitements prothétiques
– de maintenir la proprioception desmondontale et par voie de conséquence de réduire les surcharges appliquées à la reconstruction
– de retarder au maximum l’échéance implantaire »
et ne peut que regretter de voir parfois le retrait de piliers parfaitement récupérables au profit d’une pose d’implants dont l’indication restait discutable.
Bonjour Guillaume,
C’est un joli cas, tu as fait un excellent travail.
Je n’adhère pas avec la totalité de ton plan de traitement. Les précédents avis ne sont pas de mon bord.
Nous pourrions parler de ce cas pendant plusieurs heures, pour faire court :
A mon sens, la taille sur dents vivantes et saines demeure une atteinte à l’intégrité du tissu dentaire alors qu’il n’y a pas de contre indiction à l’implantologie du secteur 15 et 16, c’est même un cas facile.
Par ailleurs, le composite infiltré sur la 17 aurait dû être refait pour éviter les complications futures.
Je pense qu’un soignant, doit garder constamment en tête le primum non nocere.
Entièrement d’accord avec vous. J’ai hâte d’avoir une argumentation rigoureuse de The Dentales sur ce choix thérapeutique. Certes on évite l’implant. Mais pour quel bénéfice ? Quelle était la contre-indication à la conservation du secteur antérieur maxillaire et pose d’implants 15 16 ? Pour moi, tailler une dent pour en faire un pilier de bridge est aussi grave que d’extraire pour implanter. On voit trop de patients aujourd’hui qui présentent des bridges complets infiltrés de partout, et je ne parle pas de l’état parodontal secondaire à des limites sous-gingivales et des embrasures fermées. C’est joli le jour de la pose, mais je demande à voir dans 10 ans là encore.
Chers amis,
Merci d’entretenir la discussion car ce cas clinique (qui je le répète, n’a pas valeur d’absolu) est discutable.
Concernant, le choix du bridge dente-porté dans le secteur 1, observez bien l’état initial de la 15. Cette dent n’a t-elle pas besoin d’une couronne? Elle a perdu ses deux crêtes marginales, la restauration est douteuse et le point de contact mésial est ouvert. La 17 doit elle aussi être restaurée mais pour une raison différente : celle de modifier la DV pour améliorer les paramètres esthétiques et occlusaux. La solution implantaire a été proposée à la patiente qui la refusée pour des raisons de coût (2 inters coûteront toujours moins que deux prothèses implants-portées) et de durée du traitement.
Je ne pense pas que l’on puisse affirmer de manière catégorique que les bridges soient « mal » et les implants « merveilleux ».
A lire sur ce sujet : « Bridge ou implant »
On peut observer autant de complications ou d’échecs sur les prothèses implantaires que pour les bridges. Le risque de voir apparaitre des caries ou des problèmes parodontaux secondaires est simple à maitriser par des méthodes prophylactiques (contrôle du pH intra-buccal, hygiène quotidienne optimale, visites de contrôle régulières…) Je rajouterai même que le contrôle et le maintien de l’équilibre occlusal sont primordiaux. La patiente le sait; je le sais, et nous agirons en conséquence dans le futur.
Enfin, l’étendue de la restauration aux dents antérieures se justifie également par la forte motivation esthétique de la patiente.
Tout ces arguments ont été pondérés, exposés et expliqués à la patiente avant le début du traitement. J’ai analysé les facteurs de risques et les confronté aux souhaits de la patiente. Elle a également été informé des risques liés à ce choix thérapeutique. Elle l’aurait été tout autant, si des implants avaient été retenus.
Enfin, et jm à raison, j’attends moi aussi de re-voir la situation à 10, 15, 20 ans…
Excellent travail. bravo