» La faille la plus profonde de ce principe de précaution , son péché originel est un péché d’orgueil. Il laisse croire que l’on pourrait se prémunir de tout. »
Jean de Kervasdoué. Les Prêcheurs de l’Apocalypse.
Nous avons vu dans un article précédent, les origines de la controverse autour de l’amalgame dentaire, ainsi que ses conséquences sur notre exercice professionnel, dans un contexte d’hypersensibilité sociale et médiatique à la santé environnementale.
D’autres molécules utilisées en dentisterie font l’objet d’attaques médiatiques pas toujours fondées et, encore une fois, il est très important de faire la part des choses pour bien comprendre les risques qui sont en jeu.
LE FLUOR : NE MELANGEONS PAS TOUT
Le fluor est un élément naturel que l’on retrouve de manière ubiquitaire dans les sols, les eaux, les animaux et les plantes. Mais il fait partie de la liste noire des toxiques les plus dangereux selon l’OMS.
Pourtant, son efficacité thérapeutique contre la carie dentaire n’est absolument plus à démontrer. L’application de fluor topique sur l’émail dentaire permet en effet de le rendre plus résistant à l’attaque acide. Il est donc recommandé, en plus de conseils alimentaires et comportementaux, chez les patients à fort risque carieux.
En revanche, le risque de surdosage par ingestion est réel puisque le fluor se retrouve dans l’alimentation (en particulier le thé noir et les fruits de mer), dans certains sels de table, dans certaines eaux (minérales ou de ville) et dans des médicaments. Et c’est dans les cas de cumul de différentes sources de fluor que le risque d’intoxication est à considérer sérieusement.
La dose maximale recommandée est de 0,05mg/kg/jour, soit 1mg/jour pour un enfant de 20kg et 4mg/jour pour un adulte de 80kg.
Note : les positions diffamatoires contre le fluor ont conduit l’Union Français pour la Santé Bucco-Dentaire et le Ministère de la Santé a organiser un colloque pour rétablir les faits scientifiques liés à son utilisation.
LE TITANE : UN AMI PAS TOUJOURS NEUTRE
Composant principal des implants dentaires, le titane a largement prouvé sa bio-compatibilité grâce à sa capacité d’osteo-intégration. Cependant, des cas rarissimes d’allergies ou d’hypersensibilité au titane ont été rapportés; alors qu’on les pensait impossibles. Ce phénomène ne semble pas dépasser les 1% des cas mais commence à intéresser la recherche odontologique pour tenter d’expliquer certains échecs implantaires par défaut d’ostéo-intégration.
Mais que les choses soient claires : le titane RESTE extrêmement bien tolérés par la majorité des patients mais dans des cas rares, une allergie peut se développer, non pas en raison du titane lui-même mais par la réaction particulière de l’organisme qui le reçoit.
Dans les cas d’allergie avérée au titane, les implants en zircone doivent alors être envisagés.
NANOPARTICULES : LE POISON INVISIBLE
Les médias ont récemment attiré l’attention sur des nanoparticules de dioxyde de titane (E171) présentes dans l’alimentation ou dans certains médicaments et qui seraient susceptibles de provoquer des lésions pré-cancéreuses.
Par définition, les nanoparticules sont des composés dont la taille est comprise entre 1 et 100 nanomètres. Cette taille extrêmement petite leur permet de pénétrer à l’intérieur des cellules lorsqu’elles sont ingérées ou inhalées et pourraient être associées à plusieurs pathologies plus ou moins rares.
Dans nos cabinets dentaires, on retrouve des nanoparticules :
- dans les ciments de scellement (oxyphosphates de zinc, CVIMAR…)
- dans les silicates de calcium (Biodentine)
- dans les matériaux à empreinte (élastomères)
- dans les composites et les adhésifs, dispersés principalement lors des manoeuvres de polissage si celles-ci sont réalisées sans spray ni aspiration.
En 2018, une série de cas de pathologies pulmonaires graves (pneumoconioses) est apparue chez des professionnels de l’art dentaire nord-américains (dentistes et surtout prothésistes). Cela a permis une prise de conscience des professionnels sur la nécessité de se protéger en portant des masques de protection adaptés (FFP3), des lunettes de protection et en aérant fréquemment les locaux professionnels.
CONCLUSION
Le monde moderne et son lot de nouvelles technologie fait automatiquement émerger de nouvelles problématiques, méconnues jusque là, mais contre lesquelles il faut se protéger du mieux possible.
La méfiance croissante de l’opinion publique vis à vis des laboratoires pharmaceutiques et des politiques de santé véhicule, par l’intermédiaire d’internet et des réseaux sociaux, bon nombre de fausses informations sur les produits de santé. Cela amènent beaucoup de gens à croire que le simple de fait de supprimer une molécule, un traitement, un vaccin… de leur environnement pourrait suffire à les protéger. Or, cette suppression fait courir d’autres risques dont ils n’ont pas nécessairement conscience.
Quoi qu’il en soit, dans un contexte de pollution globale et d’angoisse environnementale, le chirurgien-dentiste doit se préoccuper de la biocompatibilité des produits dentaires pour pouvoir faire les bons choix et répondre aux questions, toujours plus pressantes, de ses patients.
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