Odontologie et Toxicomanies #2

HEALTH Cocaine 1

Dans la première partie de l’article, nous avons vu les effets des drogues les plus courantes sur la cavité buccale et leurs implications cliniques pour le praticien traitant.

Mais le thème des drogues et des addictions méritait bien une deuxième partie pour aller plus loin dans la compréhension de ce vaste problème.

MON PATIENT SE DROGUE-T-IL?

Nous l’avons vu précédemment, le clinicien qui évalue la situation bucco-dentaire d’un individu doit – et à plus forte raison face à un état dentaire fortement détérioré – se poser la question de la consommation de drogues, légales ou non.

Mais le praticien peut ressentir une gêne à aborder ce sujet de manière directe et frontale lors de l’entretien initial.

D’où l’importance du questionnaire médical qui doit comporter une ou deux questions sur le sujet :

  • Fumez-vous? Si oui, combien de cigarettes par jour en moyenne?
  • Combien d’unités d’alcool (verre) consommez-vous par jour?
  • Vous arrive-t-il de consommer d’autres drogues? Lesquelles?

Idéalement, ce questionnaire est rempli par le patient avant de rencontrer le praticien, soit chez lui, soit en salle d’attente.

En cas de suspicion, le patient est invité à s’exprimer sur le sujet. Il le fera d’autant plus qu’il a l’assurance que ces informations sont rigoureusement couvertes par le secret médical. Encore une occasion de rappeler que ce secret médical doit être défendu à tout prix face à  tous ceux et celles qui souhaitent accéder à ces « précieuses » informations.

Enfin, et malgré toute le tact et l’empathie dont peut faire preuve le praticien reste la question de la dissimulation, plus ou moins consciente, ou de la minoration de l’addiction.

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MON PRATICIEN SE DROGUE-T-IL?

En juillet 1965, à Londres, John Lennon et Georges Harrison – membres des Beatles – sont invités à une soirée au domicile d’un ami dentiste, âgé de 34 ans, le Dr John Riley, qui va les initier au LSD. Ces mêmes Beatles qui écriront un peu plus tard sur leur album Revolver le titre Dr Robert, à propos d’un médecin new-yorkais réputé pour ces prescriptions un peu spéciales…

Quoi?!? Comment?!? Les médecins pourraient se droguer eux aussi???
On dispose de peu statistiques sur le sujet mais on peut a priori penser trouver le même pourcentage de consommateurs de drogues chez les soignants que dans la population générale. Des études récentes sur la prévalence croissante des syndromes d’épuisement professionnel (burn-out) des professionnels de santé indiquent, à titre de conséquence, que 14% des professionnels de santé auraient des conduites addictives.

L’usage de drogues chez les personnels soignants, en plus des risques biologiques, fait apparaitre de sérieux risques professionnels :

  • Le soignant peut faire un usage récréatif de certaines drogues (alcool, cannabis, cocaïne…) mais peut également ressentir le besoin de pratiquer sous leur emprise.
  • La consommation des ces drogues a évidemment un impact lourd sur ses capacités mentales (jugement, décision) et techniques (vision, habileté manuelle…).
  • La consommation des ces drogues a évidemment un impact lourd sur la sphère relationnelle du praticien avec ses malades et ses collaborateurs (irritabilité, apathie, incohérence…)
  • La pratique médicale étant réglementée, l’usage et la détention de drogues peut compromettre la carrière et la réputation du praticien (casier judiciaire).

LE MONDE ENTIER SE DROGUE-T-IL?

« Someday there’ll be a cure for pain,
That’s the day I’ll throw my drugs away. »
Mark J. Sandman

Quand on comprend que l’addiction peut prendre de multiples formes : substances chimiques bien sûr mais aussi sexe, nourriture, travail, consommation, internet, sport, pouvoir…il devient encore plus difficile d’imaginer un monde sans drogue.

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Alors que la majorité des responsables politiques de la planète continuent de s’attaquer au problème sous l’angle juridique en tentant vainement d’arrêter, d’enfermer (voire, comme en Indonésie, d’exterminer) les consommateurs, il semble plus raisonnable et constructif de considérer le problème sous l’angle bio-médical et pourquoi pas psycho-social.

Alors que la langue française, langue du droit s’il en est, distingue nettement les drogues des autres médicaments, les anglophones n’utilisent que le seul et même mot « drugs ». Ils ont de fait une meilleure compréhension du problème des addictions aux drogues sur ordonnance (« prescription drugs »). La célèbre série télévisée Dr. House mettant en scène le quotidien d’un médecin-prescripteur, lui même accro à son Vicodin™, et ses rapports compliqués avec ses malades et ses collègues.

Sur ce thème, nous invitons le lecteur intéressé à lire 3 excellents posts écrit par le (tout aussi excellent) Dr Thierry Collier :
Antalgiques opiacés et addictions aux USA (partie 1)
Le problème des antalgiques opioïdes aux USA (partie 2)
Cocaïne, lidocaïne et benzocaïne font-elles bon ménage?

Car c’est bien l’étude des neurosciences et de la pharmacologie qui permet le mieux de comprendre les mécanismes et les effets des drogues sur le cerveau. Il existe des milliers de publications et d’ouvrages sur le sujet mais nous pouvons résumer en affirmant deux vérités fortes :

  1. L’usage de drogues et toujours lié – de près ou de loin – à une forme de souffrance,
  2. Certains personnes, de part l’histoire du développement de leur système nerveux central, sont plus sensibles à l’addiction et auront plus de difficulté à s’en libérer, et ce, quel que soit l’objet de leur addiction.

CONCLUSION

Quoi qu’il en soit, il nous semble également important que les personnels soignants soient mieux formés et informés sur ce sujet. Nous vous proposons donc, en guise de conclusion, une série de liens vers une documentation plus approfondie :

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Un commentaire sur “Odontologie et Toxicomanies #2”

  1. Agnes Sadoux

    Bonjour, Dentaliste,
    merci pour tes recherches et tes intéressants articles.
    la vidéo de Gabor Maté est en effet passionnante : la vacuité a l’origine !
    Je suis certainement dépendante de ma boite mail : j’apprécie bien les matins où arrive le mot du Dentaliste!
    Merci, Guillaume, de nous faire partager tes écrits.

    Répondre

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