Il y a un grave problème avec la pédodontie en France. Il devient de plus en plus difficile de trouver des praticiens pour soigner les petits. Et on le comprend : de manière générale, soigner un enfant demande un dispositif de consultation, un plateau technique et des compétences adaptées. Et pourtant, les honoraires de la Nomenklature sont absolument irréalistes et ne misent que sur la bonne volonté des soignants… Jusqu’à quand?!?
LA DISCIPLINE PÉDODONTIQUE
Soigner un enfant, ce n’est pas comme soigner un adulte de petite taille. L’odontologie pédiatrique est une discipline tout à fait spécifique :
- Savoir appréhender le patient-enfant : l’exercice de la pédodontie confronte le praticien à une multitude de situations cliniques liées à l’âge de l’enfant (du nourrisson à l’adolescent), à son état bucco-dentaire (polycaries, traumatismes, dysmorphoses dento-maxillaires…), son milieu social mais aussi à des situations particulières (syndromes dysfonctionnels, malformations, enfants handicapés…).
Toutes ces situations pouvant se combiner.
De plus, les praticiens doivent être spécifiquement formés à la relation thérapeutique avec l’enfant et avec les parents. - Adapter le dispositif de la consultation : comme dans n’importe quel cabinet de pédiatrie, l’environnement, la décoration, la salle d’attente… devraient être conçus pour que l’enfant se sente dans un environnement qui lui est adapté, et où lui et ses parents se sentent bien.
- Prendre le temps : la majorité des enfants connaissent une anxiété vis à vis des soins dentaires. Curieusement, même ceux qui n’en n’ont jamais fait l’expérience semblent avoir été conditionnés par leurs parents, eux-mêmes anxieux. Le plus grand enjeu de la pédodontie est de tout faire pour ne pas transformer l’enfant-patient en patient phobique.
LES DÉFIS DE LA PÉDODONTIE
L’odontologie pédiatrique est confrontée à deux défis principaux : la réalité des besoins de la population et la réalité économique des cabinets libéraux.
Dans notre beau pays, qui aime à se vanter que son système de santé est le meilleur du monde, les populations les plus défavorisées sont celles dont les besoins en matière de soins pédiatriques sont les plus importants. Manque d’éducation, mauvaises habitudes alimentaires et comportementales, hygiène déficiente…
Or, voici quelques-uns des soins odonto-pédiatriques prévus, dans sa grande miséricorde, par la CCAM et les tarifs de convention qui leur sont associés :
- HBGD035 – Avulsion d’une dent temporaire sur arcade : 16,72€
- HBGD037 – Avulsion de deux dents temporaires sur arcade : 25,08€
- HBFD006 – Exérèse de la pulpe camérale [Biopulpotomie] d’une dent temporaire : 16,87€
- HBMD003 – Séance de renouvellement de l’obturation radiculaire d’une dent permanente immature à l’hydroxyde de calcium : 0€
- HBLD006 – Pose d’un mainteneur d’espace interdentaire unitaire scellé : 0€
Inutile de prolonger cette liste et notre calvaire; tous les praticiens le savent : ces tarifs sont tout simplement indignes. Qui a envie de réaliser un acte sanglant, sous anesthésie locale, sur un petit patient anxieux et agité, d’y ajouter une prescription médicamenteuse adaptée (calcul du poids et des posologies)… tout cela pour le prix d’un plat du jour dans la brasserie du coin? Personne!
La question qui se pose est donc la suivante : peut-on raisonnablement soigner les enfants en omnipratique libérale conventionnée? Alors que les politiques, les syndicats, l’Ordre, tous nous rebattent les oreilles sur le besoin de mettre en place des mesures préventives adaptées, rien ne bouge.
QUELLES SOLUTIONS?
Malgré cela, beaucoup de confrères et de consoeurs sont animés d’une vraie vocation à travailler avec les enfants, à les soigner ou tout du moins à les éduquer. Qu’ils en soient loués. Mais tous souhaitent pouvoir le faire avec les moyens adéquats : du temps, du protoxyde d’azote, du matériel performant, des équipes soignantes efficaces…
Première solution : L’hôpital. Ah! désolé mais les services hospitaliers, les UFR d’odontologie et les services associés des C.H.U qui proposent une offre de soins pédodontiques ne sont pas uniformément répartis sur le territoire. Seules les grandes villes universitaires en sont dotées. Mais l’apparente « gratuité » des soins ne peut être financée que par la collectivité et on observe une diminution progressive des dotations des services d’odontologie pédiatrique.
Solution radicale : l’exercice exclusif et déconventionné de de la pédodontie. Pour le praticien qui souhaite conserver un exercice libéral, c’est bien souvent la seule solution possible et viable. Comme les cabinets de pédiatrie médicale, les cabinets de pédodontie, en s’appuyant sur un réseau de correspondants et des équipes pluri-disciplinaires, peuvent rationaliser et organiser leur activité en intégrant :
- les méthodes de prévention efficaces,
- l’interception orthodontique,
- la prise en charge spécifiques des jeunes patients handicapés
- la prise en charge des cas sévères de jeunes enfants nécessitants une approche chirurgico-prothétique.
Dernière solution : prendre le maquis et :
- établir de vrais plans de traitement pédodontiques adaptés aux besoins individuels et spécifiques du jeune patient,
- effectuer un suivi dans le temps,
- établir des honoraires, mesurés, en lien direct avec le temps passé et les bienfaits escomptés du traitement,
- obtenir, avec tact, l’entente directe avec les parents.
C’est illégal, certes, mais lorsque la Loi devient injuste, lui désobéir devient un devoir.
Lien vers le site de la Société Française d’Odontologie Pédiatrique
Lien vers le Blog d’Odontologie Pédiatrique d’IDWeblogs
Bravo!!!
Tu as très bien résumé le problème!
Il est possible meme légalement je pense, de se faire rémunérer les soins pedodontiques: seul notre conditionnement nous incite à ne pas le faire!
La CCAM n’est qu’une bibliothèque d’acte technique ( Cf. Le codage de la CCAM qui se reporte qu’à des actes techniques).
Mais il est possible de proposer une véritable consultation de préventologie codé en acte HN ( oui, les actes HN existent toujours:( Cf. L’orthodontie pour les omnipraticiens)
Évaluation du risque carieux, mainteneur d’espace, fluoration, séance d’apprentissage du brossage, visualisation de la plaque dentaire avec du révélateur de plaque, MEOPA, hypnose, sealents , onlay ( pour certaines MIH), ICON, etc……
Il ne nous reste qu’à mettre en place ces consultations spécialisées et à franchir le pas de manière plus automatique….
Nombreux sont les parents qui acceptent cela pour le bien de leurs enfants!
Cher Ami,
J’aimerais tant que tu aies raison… malheureusement, je crois que cette démarche reste sujette à la tolérance de tous ceux qui ont décidé de priver les professionnels de santé de leur libre-arbitre. Certaines CPAM, profitant du flou et de l’imprécision des textes réglementaires, vont te l’interdire et te rappeler à l’ordre alors que certaines autres le tolèrent. Idem concernant les praticiens-conseils des mutuelles…
Deux poids, deux mesures, comme toujours…
Mais qui ne tente rien n’a rien. Le pratiques-tu pour tes patients? Cela fonctionne-t-il?
Cher Dentalist,
« NomenKlature », très bon ;-)
et si on mettait cette belle photo sur les bouteilles de Koca-Kola (pour ne pas le citer…) ??
à bientôt,
Salut Kamarade!
La ré-éducation des habitudes alimentaires et indispensable non seulement pour les enfants mais également pour les parents qui n’ont bien souvent aucune idée des méfaits des aliments/boissons qu’ils donnent à leur petits.
Je suis bien sûr convaincu que c’est nécessaire.
Cependant, quand on voit le pataquès pathétique autour de la signalétique nutritionnelle que l’on confie aux mêmes industriels qui font du profit en vendant des produits néfastes, on est en droit d’avoir des doutes sur la volonté réelle des pouvoirs publics (dont la « Sozial Sekuritate ») à juguler le problème…
La Résistance s’organise au niveau des individus qui militent, informent et éduquent. Et là, tous les moyens sont bons : brochures explicatives, photos-montages, réseaux sociaux, sensibilisation dans les écoles… Il ne faut pas baisser les bras!
Merci de ton passage sur le site et de ton soutien.
Qu’entends-tu par « prendre le maquis » ? Faire du HN sauvage ?
Qu’entends-tu par « HN sauvage »?
J’avais montré, dans un article sur la CMU, qu’une liste restreinte de soins opposables pouvait certes donner l’illusion au patient qu’il est pris en charge, mais que l’amélioration réelle de son état de santé était très relative, voire contre-productive.
En d’autres termes, c’est la réalité bio-médicale (diagnostic, facteurs de risque individuels) qui doit guider la thérapeutique et surement pas des listes de soins opposables établies par des bureaucrates et auxquels sont accordés des honoraires parmi les plus bas du monde occidental.
Les questions que posent cet article sont liés à cette dualité entre des soins corrects et les moyens corrects pour y parvenir (et cela inclue les honoraires). La question de l’éthique, que je semble déceler dans ta question, est très importante mais c’est un autre débat…
Qu’en penses-tu?