Chaque jour, des dizaines de milliers d’avions décollent et atterrissent avec un niveau de sécurité de 1 incident pour 1 million de départs. Comme dans tous les domaines de la vie, l’aviation présente des risques mais on considère statistiquement qu’un individu prennant l’avion tous les jours perdrait la vie dans un crash au bout de 2739 ans. A titre de comparaison le même pronostic est de 20 ans pour les voyages en voiture et de 4 mois pour le trekking dans l’Himalaya.
Comment est-on arrivé à ces résultats? Il y a le travail des pilotes, des équipages, des constructeurs, de la maintenance… Mais par dessus tout, ce sont les accidents et leur analyse qui ont permis de comprendre quels étaient les causes profondes.
L’analyse du crash de Tenerife a montré que ce sont les conditions climatiques difficiles, la pression de la montre et surtout la mauvaise communication entre les intervenants qui ont conduit au drame.
Que ce soit en aéronautique ou en médecine, les accidents sont :
- une combinaison peu probable d’évènements peu fréquents
- liés directement ou indirectement à des facteurs humains dans 80% des cas
Et c’est justement sur ces facteurs humains que l’aviation a décidé de travailler pour développer un modèle de gestion des risques qui est devenue au fil des années une véritable culture. La culture de l’erreur…pour mieux l’éviter.
NIVEAU 1 : ANTICIPER L’ERREUR
A ce niveau, le commandant de bord invite son équipage à faire un briefing court et systématique avant chaque décollage et chaque atterrissage.
Objectifs :
- Vérifier que tous les membres de l’équipe sont focalisés sur la tâche à accomplir et que les paramètres d’exécution sont sous contrôle
- Permettre à n’importe quel membre de l’équipe de signaler une perturbation potentielle dans l’exécution des tâches
- S’assurer, dans une atmosphère positive de dialogue, que celui qui a un doute sur le déroulement de la tâche puisse l’éxprimer librement
NIVEAU 2 : GERER L’ERREUR LORSQU’ELLE SURVIENT
Après chaque vol, les pilotes et membres d’équipage sont invités, de manière anonyme s’ils le souhaitent, à signaler librement toute erreur ou précurseur d’erreur.
Objectifs :
- Reconnaitre que l’erreur est humaine et donc inévitable
- Permettre aux membres d’équipage de s’exprimer librement et sans peur de la punition
- Faire une analyse systémique du contexte dans lequel l’erreur est survenue
NIVEAU 3 : CHANGER LES PRATIQUES
Une fois que les informations du niveau 2 sont collectées, une réunion de synthèse à plus grande échelle des différents intervenants est organisée, précurseur d’erreur après précurseur d’erreur.
Objectifs :
- Sensibiliser tous les intervenants (directs et indirects) à l’erreur en question
- Proposer une amélioration
- Rédiger un référentiel écrit (procédure, check-list…)
Qu’en est-il en médecine? C’est tout l’inverse qui se passe. Les étudiants obtiennent de bonnes notes s’ils ne font aucune erreur. Les médecins est les chirurgiens pensent qu’ils ne font jamais d’erreurs. Comme ils en commettent de toute manière, ils rejettent la responsabilité sur d’autres ou bien n’en parlent jamais.
CONCLUSION
On apprend bien que de ses erreurs et de celles des autres. La connaissance et la gestion des facteurs humains pour réduire le nombre d’erreurs médicales est une urgence pour :
- inciter positivement les acteurs à signaler leurs erreurs
- comprendre avant de critiquer
- parler librement de ses propres erreurs à son équipe, à ses confrères
- rechercher des causes, pas des coupables
- reconnaitre que la fatigue et les rythmes de travail son générateurs d’erreurs
- dépénaliser l’erreur
A lire également sur ce thème : Les Echecs et Les Complications
Salut,
Je partage un article complémentaire que j’avais rédigé sur un un groupe d’organisation:
« Je ne me souviens pas avoir fait de linguistique pendant mon parcours scolaire (en même temps je ne me souviens pas de grand chose des 50% de mon enfance passée dans les salles de classe) et c’est dommage tant ça joue une part importante dans les problèmes relationnels que nous rencontrons.
Prenons deux personnes qui parlent de chiens (ce qu’on appelle le signifiant), si l’une pense au chien du voisin qui avait essayé de lui croquer le mollet et l’autre au fidèle compagnon qui l’a accompagné dans son enfance (ça c’est le signifié), ils ne vont tout simplement pas parler de la même chose.
Alors imaginez pour des concepts aussi abstraits que « le travail » « le mérite » « le respect » « l’honnêteté »…
Je vous propose de clarifier des concepts dont la confusion peut influer sur notre manière de nous comporter et devenir toxique pour nos relations.
ERREUR—FAUTE :
http://parler-francais.eklablog.com/erreur-faute-a5553353
La faute signifie un manquement à une règle, une loi ou une norme. J’aime bien cette phrase pour simplifier le concept : « Faire mal, en sachant que c’est mal et avec l’intention de faire mal »
L’erreur est une méprise, un égarement ponctuel faisant référence à l’ignorance et l’incertitude.
La différence est fondamentale puisque liée à la responsabilité et malheureusement depuis l’enfance on met de la confusion dans les deux concepts, rendant nos comportements parfois inadaptés.
Les fautes d’orthographes, d’inattentions, de gouts…sont en réalité le plus souvent des erreurs.
La différence peut paraitre subtile mais engendre pourtant des comportements bien différents car souvent cette confusion correspond à des heuristiques du cerveau qui a besoin d’évaluer, de juger, de donner du sens, trouver des causes et des responsables lorsque quelque chose ne se passe pas comme prévu.
Par exemple lors des inondations dans l’Aude, le fait de reconnaitre que la météo a une part d’imprédictibilité ne peut pas satisfaire ceux qui ont vécu la catastrophe plus ou moins directement. Ainsi il a été vite question de savoir si Meteo France était en faute ou pas.
La faute nous pousse à :
– Juger, évaluer (« Il fait trop de fautes dans ses dictées, il est vraiment nul en orthographe »).
– Chercher le responsable, le coupable (« Qui a allumé le scialytique alors que j’ai bien dit que je le voulais éteint quand je fais les photos du patient?)
– Chercher les causes, le pourquoi. (Pourquoi Meteo France n’a pas publié à 2h du matin un bulletin rouge d’alerte?)
– nous concentrer sur le problème plutôt que les solutions.
– Figer la situation tant que nous ne sommes pas satisfaits des points précédents.
L’erreur nous pousse à :
– Reconnaitre la part d’incertitude dans ce que nous faisons
– Chercher comment améliorer la situation.
– Expérimenter des solutions sans nécessairement s’attacher au pourquoi.
– Agir.
– Apprendre.
https://www.letemps.ch/sciences/lerreur-condition-meme-lapprentissage?fbclid=IwAR2eDWBF90pak05AebOAsZY482GtCsAhC3WV-oLhH8C7HeECg7nB2u8ggaM
La première victime de cette confusion est souvent nous même.
La prochaine fois qu’un plan de traitement, le virement d’un salaire, la réunion avec votre associé…ne se passe pas comme prévu, si jamais vous commencez à vous dire que c’est votre faute, votre très grande faute, demandez vous si vous avez vraiment fait mal en sachant que c’est mal avec l’intention de faire mal.
Si ça n’est pas le cas donnez vous le droit de ne pas rester trop longtemps sur la culpabilité et passez directement aux solutions pour améliorer la situation. »
Amitiés,
Nicolas
Merci Nicolas pour cette nouvelle contribution très intéressante et documentée qui prouve, encore une fois, ta grande connaissance des facteurs humains.
Ta distinction entre la faute et l’erreur me semble fondamentale et la nécessité de bien considérer la seconde pour s’améliorer.
Je retiens une citation de Franz Wilczek (Prix Nobel de physique 2004) : « Si vous ne commettez pas d’erreur, c’est que vous ne travaillez pas assez dur sur les problèmes. Et ça, c’est une grande erreur. »
Bien à toi.