La restauration de la dent dépulpée est notre « pain quotidien ». La littérature déborde à ce sujet mais en pratique, l’empirisme règne. La vaste majorité des praticiens vous répondront à ce sujet que la seule restauration valable pour protéger la dent est de la préparer à recevoir le duo « Inlay-core/Couronne ». En plus, c’est remboursé !
Pourtant, avec ce type de restauration, les échecs sont fréquents. Pas à court terme certes, mais dès le moyen terme (5 ans) les fractures apparaissent… Heureusement on peut toujours placer un implant… mais là, ça n’est pas remboursé !
Il existe un très grand nombre de matériaux disponibles pour la restauration de la dent dépulpée. On pourrait donc penser que le type de tenon, le type de matériau de reconstitution ou le mode d’assemblage vont avoir une influence sur le résultat à long terme. Mais les études qui ont tenté de les comparer sont bien moins pertinentes que celles qui évalue la quantité et la qualité de la structure dentaire résiduelle de la dent à restaurer.
« Bien qu’il existe une multitude de nouveaux matériaux disponibles pour la restauration des dents dépulpées, le pronostic de ces dents repose essentiellement sur l’application de principes biomécaniques plus que sur l’utilisation de tel ou tel type de matériaux. »
Morgano & al : Restoration of the endodontically treated tooth. Dent Clin N Am, 2002. 46 :p.367-384.
LE MAINTIEN DE LA VITALITE PULPAIRE
Nous avons déjà parlé de l’intérêt énorme de préserver la vitalité pulpaire ici et là mais les vraies indications de pulpectomies n’en restent pas moins ce qu’elles doivent être. Cependant, le maintien de la vitalité pulpaire doit rester un des objectifs majeurs en dentisterie conservatrice.
Le concept de dentisterie à minima permet de réduire le nombre d’indication des traitements endodontiques et repose sur :
- un diagnostic précoce,
- une maitrise des facteurs de risques locaux et généraux,
- une réduction des agressions pulpaires notamment les restaurations à répétition qui fragilisent à chaque fois un peu plus la structure dentaire, conduisant ainsi à augmenter le nombre d’indication de traitement endodontiques.
LA FRAGILITE DE LA DENT DEPULPEE
La dent dépulpée est plus fragile que la dent pulpée et cette fragilité est directement liée à la quantité de structure dentaire détruite.
Lorsqu’une dent postérieure est dépulpée, la perte du plafond pulpaire, d’une voire de deux crêtes marginales qui permettaient jusque là de résister à la flexion cuspidienne sous l’effet des contraintes masticatoires. Si la restauration se limite à l’insertion d’un matériau en phase plastique dans la cavité d’accès, qui par effet de coin, va augmenter le risque de fracture sous gingivale. Ce type de fracture, très défavorable, fait souvent poser l’indication d’extraction de la dent.
Les restaurations partielles collées avec recouvrement cuspidien n’apportent qu’un bénéfice à court/moyen terme mais peuvent malgré tout trouver certaines indications. Mais la littérature est claire : les dents dépulpées qui présentent les plus grand taux de survie à long terme sont celles qui sont couronnées.
- Le pronostic des dents postérieures dépulpées est significativement amélioré si une couronne est réalisée.
- Le pronostic des dents antérieures dépulpées n’est pas nécessairement amélioré par une couronne.
L’étude de Sorenson et Martinoff (Endodontically treated teeth as abutments. J Prosthetic Dent, 1985. 53 : p. 631-636) a mis en évidence qu’une quantité suffisante de structure dentaire résiduelle associée à un ancrage corono-radiculaire de qualité permettait à la dent dépulpée de résister aux contraintes mécaniques.
On peut donc dire que la couronne n’est pas la panacée car si par chance la dent couronnée échappe à la fracture un autre type de complication post-endodontique peuvent survenir : la recontamination microbienne de l’espace endodontique en raison d’un manque d’étanchéité de la superstructure prothétique.
Dans la deuxième partie de cet article, nous verrons comment faire pour éviter ces problèmes.
Ayant découvert ce blog aujourd’hui, j’ai eu le plaisir de lire quelques articles précédents, avant de tomber un peu effaré devant les conclusions moyenâgeuse de celui-ci.
« Le pronostic des dents postérieures dépulpées est significativement amélioré si une couronne est réalisée. »dont les biblio apparentes de 2002…et 1985!!!!!!
Il faudrait se remettre un peu à la lecture et aux formations continues dont vous vantez à juste titre les mérites.
Bien Cordialement.
Cher Confrère, soyez le bienvenu sur ce modeste blog et félicitations pour la rapidité avec laquelle vous y laissez un commentaire. Vous n’êtes pas timide, cela se voit et même si vos remarques peuvent ressembler à une attaque, elles ont le mérite de me permettre de relire cet article avec un oeil plus critique et d’engager avec vous une discussion que je souhaite constructive :
– Après recherche, l’étude de Sorenson et Martinoff date en réalité de 1984! Pardonnez cette étourderie. Mais votre remarque est intéressante : pourquoi une étude ancienne, même si elle est pertinente et bien réalisée, ne mériterait-elle pas d’être mentionnée? Et inversement, est-ce qu’une étude récente, en imaginant qu’elle soit biaisée et mal conduite, est davantage digne d’intérêt?
– Sur le sujet qui nous intéresse, cet article et surtout sa deuxième partie, avaient pour objectif de souligner un seul et unique argument : plus une dent (dépulpée ou non d’ailleurs) perd de sa structure coronaire, plus elle est fragile.
A l’heure même où vous écriviez votre aimable injonction, ironie du sort, je sortais d’une journée de formation continue consacrée à ce sujet précis (GFR – Session 7 – Drs Tirlet et Attal) et figurez-vous que l’ensemble de la littérature, même la plus récente, confirme l’argument sus-cité, et plus particulièrement concernant l’effet ferrule.
Avez-vous des données à partager avec nous qui indiqueraient le contraire?
– Là où je vous rejoins, c’est que la structure de l’article et des citations ponctuelles sorties du contexte global peuvent induire le lecteur en erreur. Votre commentaire en est la preuve. Je m’engage donc auprès de vous à y apporter quelques corrections très prochainement dans l’espoir d’un retour positif de votre part.
Bien à vous.
Je tiens à préciser ma pensée quant à ma précédente intervention qui a pu être mal interprétée.
Tout d’abord, j’ai été frappé par l’association des termes « dent dépulpée » et « fragile » contenus dans le titre. En effet cette notion de fragilité de la dent dépulpée toujours véhiculée par la plupart de nos facultés et fortement ancré dans l’imaginaire collectif, n’est pas fondée.
Nous sommes bien d’accord que c’est l’importance du délabrement coronaire et non les propriétés biomécaniques de la dent dépulpée qui doit être prise en considération.
Ensuite, j’ai été « Refrappé » de voir figurer l’affirmation : « Le pronostic des dents postérieures dépulpées est significativement amélioré si une couronne est réalisée »
L’amélioration relativement récente des techniques adhésives respectant le gradient thérapeutique (cher à nos amis Gilles et Jean Pierre), basé sur le principe d’économie tissulaire, restreint de façon très importante l’indication de la couronne au profit des inlay-onlays.
Je ne conteste pas l’importance du « ferrule effect », qui associé à l’adhésion, est une condition indispensable à la longévité des restaurations sur dents dépulpées.
En revanche l’indication de la couronne (a fortiori avec inlay-core, pour les dents postérieures peu soumises aux forces de cisaillement), doit être limitée à la réfection de couronne préexistante ou à de rare cas de délabrement extrême.
Si, comme je le pense, vous êtes un fervent défenseur de la préservation tissulaire, je serai touché de voir apparaître les reconstitutions partielles collées dans votre post sur la dent dépulpée.
Je tiens sincèrement à vous féliciter pour la tenue de ce blog, ces articles sont dans l’ensemble très bien écrits et pertinents.
Bien confraternellement
Bonjour et merci de votre réponse.
L’image illustrative de ce post, associant la dent dépulpée à un colis fragile était volontaire de ma part pour justement toucher -et vous le dites fort justement – cette notion « fortement ancrée dans l’imaginaire collectif ».
Même s’il apparait clairement que nous avons les mêmes vues sur ce sujet, mon but était de m’adresser à des étudiants ou à de jeunes praticiens pour qui les critères de décision thérapeutique sont parfois un peu flous. Bien qu’il soit faux de dire que toute dent dépulpée nécessite de recevoir une couronne, il est également absurde de penser que toutes les dents dépulpées puissent être restaurées sans couronnes ni inlay-core, uniquement avec des techniques adhésives directes ou indirectes.
Tout est une histoire de contexte individuel et nous l’avons dit l’un et l’autre : c’est la quantité de structure dentaire résiduelle au niveau coronaire qui guide le choix de la méthode de restauration.
Ne perdons pas de vue, que ces concepts modernes nous placent à l’avant-garde de la dentisterie. Pour beaucoup de nos confrères, ce changement de paradigme est un choc, une remise en question totale de plusieurs décennies de préparation coronaires périphériques systématiques… qui peut les conduire du déni pour les plus rigides et à la dépression pour les plus fragiles!!!
Je vous invite à consulter cet article déjà paru et consacré aux endo-couronnes et qui a suscité un vif intérêt. Un article est en cours de préparation sur les inlays-onlays sur les dents pulpées. Soyez assuré que les prochains articles à paraitre sur ce blog seront à la hauteur de cette dentisterie que nous défendons tous les deux : moderne, réfléchie et préservatrice.
Merci pour vos encouragements et votre lecture critique.
Bien à vous.