ANXIÉTÉ, Quand Tu Nous Tiens…

Malgré les progrès de la dentisterie moderne, le cabinet dentaire reste un lieu particulièrement anxiogène et beaucoup de patient se mettent dans des états incontrôlables rien qu’à l’idée d’en pousser la porte. Cependant, dans une société toujours plus stressante, on remarque que de plus en plus de nos patients manifestent des signes d’anxiété.

Qu’ils soient jeunes ou moins jeunes, certains reconnaissent que cette anxiété est difficile à surmonter alors que d’autres ne s’en rendent pas vraiment compte mais adoptent des attitudes et des comportements typiques des personnalités anxieuses

En plus de subir les sollicitations permanentes, les réactions émotionnelles paroxystiques voire de l’agressivité de la part des patients, le praticien, doit connaitre les conséquences physiologiques parfois insoupçonnées de cette anxiété rampante.

ANXIÉTÉ ET DOULEUR

Nous l’avons tous remarqué au moins une fois : un patient qui sollicite un RDV en urgence pour une douleur qu’il décrit comme très violente et très intense. Un RDV d’urgence est donc fixé le jour même et étonnament, lorsque le patient se présente au cabinet, la douleur est devenue plus légère, beaucoup plus supportable, voire décrite comme une simple gêne.

L’explication est simple : lorsqu’il a téléphoné, le patient ne savait pas ce dont il souffrait et se faisait du soucis. Le fait de savoir qu’il a une RDV et qu’un praticien va s’occuper de lui a suffit à faire baisser son niveau de stress et d’anxiété et donc son niveau de perception douloureuse.

Toutes les études menées sur le sujet montrent que les scores d’anxiété élevés sont toujours corrélés à un seuil de perception douloureuse plus bas. Pour le dire autrement, l’anxiété (qui s’apparente à un état d’hyper-vigilance ou d’hyper-sensibilité) nous rend plus sensible à la douleur, qui sera perçue, à stimulation égale, comme plus intense, plus durable, plus difficile à éliminer, et donc plus anxiogène. Un cercle vicieux.

Une méta-analyse a d’ailleurs clairement montré l’association entre l’anxiété et les douleurs dans le cadre des traitements dentaires : Lin CS, Wu SY, Yi CA. Association between Anxiety and Pain in Dental Treatment: A Systematic Review and Meta-analysis. J Dent Res 2017;96(2):153-62.

Cela aura des conséquences très concrètes : 

  • Pour les patients anxieux, il est donc nécessaire d’augmenter (dans le respect des limites) les doses d’anesthésiques, qui doivent être administrés, tout en prenant encore plus de précautions et de délicatesse.
  • Pour les patients anxieux, il faudra probablement augmenter les dosages des prescriptions antalgiques en post-opératoire.
  • Les patients anxieux ont besoin de plus d’explications et il faut envisager tout ce qui pourrait se passer, y compris les évènements indésirables les plus rares. Comme il n’est pas toujours possible pour des raisons de temps d’évoquer l’intégralité des éventualités, tous les effets indésirables et toutes les complications possibles mais aussi imaginables, l’idéal est de délivrer un document écrit que le patient pourra lire et re-lire chez lui.
  • Pour les patients particulièrement fragiles du point de vue psycho-émotionnel, il faudra privilégier des options de traitement plus simples (voire dans certains cas considérer l’abstention thérapeutique) si les autres options de traitement s’avéraient trop difficiles à supporter par le patient et qui risqueraient de créer encore plus d’anxiété et seraient vécu comme une souffrance supplémentaire.

Prenons un exemple concret : un traitement canalaire est parfois suivi d’une desmondontite post-endodontique. Ce phénomène, bien connu des praticiens, est lié à l’instrumentation et à la désinfection canalaire qui peut provoquer une irritation mécanique ou chimique dans la région du péri-apex. Si le patient anxieux n’est pas prévenu de cette éventualité, il risque alors d’imaginer mille et un scénarios catastrophes (« le Dr. ma dit que ma dent a été dévitalisée, elle ne devrait donc en aucun cas me faire mal, or j’ai mal quand j’appui dessus. Il doit donc se passer quelque que chose d’anormal… de grave… surement une infection… à moins qu’il ait mal fait son travail etc.») et solliciter les assistantes avec insistance, à de multiples reprises, jusqu’à obtenir un RDV en urgence pour que vous vous assuriez, en personne, qu’il n’y a rien de grave.

En revanche, si vous lui expliquez en quelques mots à la fin du soin, que vous lui prescrivez précisément les antalgiques et/ou anti-inflammatoires qui sont indiqués dans son cas, et que vous éditez un document explicatif détaillé des tableaux cliniques (même les plus graves) et expliquant bien que c’est logique mais surtout bénin et transitoire, vous ferez baisser son niveau d’anxiété et par là même le niveau de douleur ressentie.

Il vaut mieux prévenir que guérir bien sûr et on notera que le verbe prévenir peut tout aussi bien dire empêcher que quelque chose ne se produise mais aussi signaler, avertir, dans un processus de communication.

ANXIÉTÉ ET SANTÉ PARODONTALE

Autre constatation scientifique, plus récente cette fois : le stress, l’anxiété et la dépression constituent des facteurs de risque pour les maladies parodontales

Le stress est un des mécanismes de défense qu’a l’organisme pour s’adapter. Cela comprend une réponse physiologique et une réponse comportementale.

On différencie le stress ponctuel et de courte durée du stress chronique qui agit sur l’axe hypothalamo-hypophysaire et sur le système nerveux autonome et stimulant la sécrétion de cortisol, de noradrénaline, et d’autres médiateurs. Cela conduit à une augmentation de la concentration en cytokines pro-inflammatoires impliqués la réponse inflammatoire et cela pourrait favoriser l’évolution des maladies parodontales.

Source : Le Point

Des études ont montré que : 

➡️ L’augmentation de la concentration plasmatique de cortisol favorise la croissance d’un pathogène parodontal majeur, Porphyromonas gingivalis. De manière similaire, la noradrénaline favorise la croissance des bactéries et le développement de leurs facteurs de virulence. (Akcali et coll. J Oral Rehab 2013)

➡️ Des études animales ont montré que des rats soumis à un stress chronique présentaient une destruction parodontale plus avancée que les mêmes rats non stressés (Lu et coll. 2016, Rosania et coll. 2009).

➡️ Chez l’homme, bien que les études ne soient pas toutes comparables, que les protocoles expérimentaux ne soient pas très homogènes, et que de nombreux paramètres associés puissent intervenir, les patients qui présentent de très haut scores de stress et d’anxiété montrent des paramètres parodontaux moins favorables, surtout si la réponse qu’il donne à ce stress est une réponse émotive qui les submerge (Wimmer et coll. 2005).

En attendant une meilleure compréhension des phénomènes impliqués, il malgré tout possible d’affirmer que : 

EVALUER L’ÉTAT PSYCHO-ÉMOTIONNEL DES PATIENTS

Ces notions cliniques invitent donc les praticiens à évaluer l’état psycho-émotionnel de nos patients. En effet, lorsqu’il reçoit un patient, le praticien doit évaluer son état de santé général. Mais cette évaluation ne porte bien souvent que sur la composante organique de la santé. 

Sans vouloir jouer les psychiatres ou les psycho-thérapeutes, s’intéresser à l’état psycho-émotionnel de nos patients revêt un intérêt certain et constitue un avantage majeur pour le cabinet. D’abord parce que c’est la base de l’empathie (être capable de comprendre l’état d’esprit de l’autre et savoir lui montrer que l’on a compris ce qu’il ressent). Ensuite parce que cela s’avère très utile pour adapter la prise en charge du patient.

Il nous semble judicieux et utile d’intégrer au questionnaire médical des items correspondant à la santé psychique et émotionnelle des patients. Par exemple :

  • Suivez-vous un traitement psychiatrique? Un traitement anti-dépresseur?
  • Vous considérez-vous comme une personne sensible?
  • Avez-vous des difficultés émotionnelles?
  • Etes-vous souvent triste ou déprimé?

Ces questions pouvant faire écho à des renseignements que peuvent nous confier le patient. Par exemple, un passé dentaire traumatisant, une anxiété vis à vis des soins dentaires, une angoisse particulière vis à vis d’une maladie, un événement de vie…

Si le patient répond positivement à plusieurs de ces questions, le praticien pourra en conclure que des précautions sont nécessaires pour adapter sa prise en charge. Comme dans toute anamnèse médicale, le but de ces questions n’est pas de stigmatiser mais de repérer des facteurs de risque.

Pour une évaluation plus précise de l’anxiété, les questionnaires d’auto-évaluation DASS-42 est DASS-21 sont des références internationalement admise : cliquez ici pour les télécharger.

CONCLUSION

Dire que nous vivons dans une époque toujours plus anxiogène est un euphémisme. Les crises permanentes (économiques, politiques, sanitaires, militaires, écologiques…), amplifiées sciemment par des médias désormais omniprésents dans nos vies, nous placent dans un état d’hyper-vigilance constant. Et il va falloir composer avec cet état de fait.

Au cabinet dentaire, tout doit être mis en oeuvre pour faire baisser le niveau d’anxiété des patients. Cela passera par un environnement rassurant mais aussi par un accueil et une prise en charge qui le soit tout autant. Ecouter, expliquer, prévenir, rassurer, plus que jamais.

Malgré cela, l’anxiété croissante des patients peut générer de l’anxiété chez les soignants qui doivent comprendre les mécanismes de l’anxiété pour pouvoir les adopter, pour eux-mêmes, les bonnes stratégies pour les déconstruire.


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