Les patients sont tous très différents. Et bien que la plupart soient courtois, respectueux, dociles et disciplinés, il y en a d’autres qui n’en font qu’à leur tête et cherchent toujours à imposer leur point de vue ou bien vous poussent insidieusement à faire des choses que vous ne voulez absolument pas faire.
Alors, que faire quand le patient fait du forcing?
PORTRAIT-ROBOT DU « FORCEUR »
Avant même de se rendre au cabinet, le forceur va faire du forcing au téléphone de manière à obtenir un rendez-vous plus vite que les autres, à des horaires particuliers qui lui conviennent mieux… Votre standardiste refuse? C’est normal car vous lui avez donné des consignes claires. Le forceur va monter sur ses grands chevaux et n’hésitera pas, pour arriver à ses fins, à exercer une certaine pression psychologique.
Une fois au cabinet, le forceur n’hésitera pas à imposer sa façon de voir les choses et cherchera, par tous les moyens, à influencer le diagnostic et le traitement.
On retrouve chez eux des caractéristiques comportementales que l’on retrouve chez les personnalités dites difficiles (narcissiques, type A…) mais ce sont généralement des personnes qui ne supportent pas que leur propre autorité soit contestée ou remise en question. Exemples : enseignants ou parents autoritaires, chefs d’entreprise ou chefs d’équipe, patients eux-mêmes médecins…
QUELLES CONSEQUENCES?
Les patients de ce type, bien que relativement rares, peuvent devenir un véritable poison.
Puisqu’ils ne supportent pas les contraintes d’un cadre qu’il n’ont pas eux-mêmes fixés, ces patients sont des perturbateurs en puissance : ils veulent que votre planning (et votre organisation) s’adaptent à eux et non l’inverse; ils agressent les membres de l’équipe soignante; ils font volontiers des scandales…
Face au praticien, la relation thérapeutique est elle aussi perturbée. Si vous recommandez un traitement, ces patients vont refuser, contester, demander un traitement particulier… et vous en vouloir si les choses se passent mal.
Exemple typique : le patient sur qui une dent de sagesse doit être extraite car douloureuse. Vous ne pratiquez pas ce type d’acte et avez l’habitude de référer à un spécialiste. Le patient conteste, refuse ce parcours de soins sous prétexte qu’il n’a ni le temps ni l’envie d’attendre un rendez-vous chez un spécialiste puis va vous faire du charme en tentant de vous convaincre de réaliser l’extraction vous-même (« Docteur, vous êtes le meilleur, je n’ai confiance qu’en vous… »). Si vous avez le malheur de cédez et que les choses se passent mal, le patient va s’engouffrer dans la brèche et vous en tiendra comme seul responsable.
De toutes les manières, la résultante globale sera, tôt ou tard, une exacerbation du stress à chaque fois que ce type de patient va se manifester. Or, en matière de stress, nous avons déjà largement notre lot quotidien et nous aspirons tous à un exercice serein et tranquille.
COMMENT LES GÉRER?
- Les repérer très vite et prévenir l’ensemble de l’équipe. A chaque demande particulière émanant de la part d’un « forceur », il faudra en référer au praticien et c’est lui qui devra prendre la responsabilité de la décision.
- Montrer de l’assurance et de la maitrise car ces patients exploitent les brêches et seront d’autant enclin à le faire que le praticien est jeune et/ou manque de confiance.
- Savoir se montrer ferme et défendre ses arguments jusqu’à la mort!
- Savoir leur parler franchement : ça tombe bien car ces personnes sont généralement très franches et directes. Alors n’hésitez pas à faire de même. Pour vous faire entendre, il y a une petite astuce : accepter de faire un petit pas dans leur sens et recadrer pour dire que ça ne doit plus se reproduire.
- Toujours garder son calme : ces patients cherchent à vous pousser à la faute alors ne leur donnez pas ce plaisir.
- Savoir dire NON! Calmement mais fermement.
- Savoir dire STOP! Lorsque ces patients dépassent les bornes, il faut savoir prendre la décision qui s’impose : les virer.
CONCLUSION
Avant que le patient ne pousse le bouchon trop loin, le praticien doit faire l’effort de rester en contrôle emotionnel et en maitrise rationnelle de la situation :
- La situation clinique d’abord car le praticien porterait la responsabilité de décisions forcée par la main invisible du patient et donc difficile à justifier en cas de dommage.
- La situation administrative ensuite car le cabinet dentaire en tant qu’organisation souffre de ce type de patient : rendez-vous en urgence de convenance, annulations, retards, paiements problématiques
- La situation relationnelle enfin car personne dans votre équipe n’est venu ici pour souffrir ok?!?
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Cher Dentalist,
Merci pour cet article pertinent. Si je peux me permettre, il est utile de rappeler c’est le praticien qui est légalement responsable du diagnostic et des actes effectués. Dire : »c’est le patient qui voulait cette solution et bien que je savais qu’elle était risquée ou qu’elle ne marcherait pas, je l’ai appliquée pour satisfaire mon patient » ne satisfera pas le juge. Vous êtes le professionnel et le sachant et par conséquent responsable de la thérapie prodiguée. Raison de plus pour être ferme et « restez droit dans vos bottes »:)
Patrice Fan
Cher Ami,
Merci de nous faire partager ton point de vue d’expert avisé.
Tu as raison d’insister sur cet aspect général de la relation thérapeutique, qui, avec ce type très particulier de patient, peut facilement se retourner contre le praticien.
Mais ta remarque me fait m’interroger et t’interroger du même coup : A condition d’avoir été correctement informé par le praticien, le patient n’est-il pas libre de décider lui même de ce qu’il juge bon pour lui même? Que se soit tel ou tel type de traitement ou bien une abstention thérapeutique?
Prenons un exemple trivial : celui d’une dent qui serait jugée conservable à condition qu’une élongation coronaire, un re-traitement endodontique et restauration soient réalisées. Le patient, pressé, refuse et exige que le praticien réalise l’extraction (puisqu’en l’absence d’un autre traitement, la dent finirait par se délabrer encore plus). Selon toi, faut-il accéder à la demande du patient ou bien s’abstenir?
En d’autres termes : la responsabilité du praticien prime-t-elle sur la liberté du choix thérapeutique par le patient?
Salut Guillaume,
Extrêmement intéressant, on sent le vécu !
C’est typiquement le genre de patient dangereux, car ils vous invitent à sortir de votre zone de confort avec beaucoup d’insistance et de persuasion. Ce type de personnalité n’hésitera pas à vous sacrifier en cas de besoin ou dans le cas d’une erreur de votre part.
Le bénéfice-risque de l’intervention est clairement défavorable pour votre santé et votre cabinet ;)
Cher Dentalist,
J’aimerai ajouter à ce profil type de patient « dangereux » la remarque suivante : les patients les plus invasifs ne sont pas forcément ceux qui font le plus de bruit. Certains arrivent à nous forcer la main sans en avoir l’air…
Ta réponse « la responsabilité du praticien prime-t-elle sur la liberté du choix thérapeutique par le patient? » au commentaire de Fan est vraiment très intéressante,
Merci pour ton blog,
klein
Cher klein,
Je suis entièrement d’accord avec toi! Même si je n’ai pas utilisé le mot dans l’article, ni développé l’idée, ces patients relèvent du profil « pervers narcissique ». A différents degrés bien sûr mais les pervers narcissiques sont des manipulateurs qui n’ont qu’un seul but : satisfaire leurs propres intérêts. Pour cela, tous les moyens sont bons! Il savent généralement que, face à un professionnel de santé respectable, l’intimidation et les menaces n’ont que peu de chances d’aboutir. Ils vont donc, comme tu le fais justement remarquer, utiliser des ruses et des subterfuges très insidieux (séduction, chantage…) et savent parfaitement adapter leur comportement en fonction de la situation.
Merci pour cette remarque importante.