Certains pensent que l’empathie est une qualité indispensable à l’exercice de la médecine, d’autres moins, voire pas du tout. Soit. Pourtant, la plus grande difficulté concernant l’empathie est de savoir précisément de quoi on parle. Car les multiples conceptions de l’empathie en font une notion complexe, ambivalente et dont les limites sont très fluctuantes.
QU’EST-CE QUE L’EMPATHIE?
Il n’existe pas de définition simple et unique de l’empathie. Dans le langage courant, elle désigne la capacité d’un individu à se mettre à la place d’autrui et de se représenter ce qu’il ressent et/ou pense. Par extension, c’est l’expérience d’une réponse émotionnelle provoquée par l’émotion d’autrui.
Il s’agit donc d’un processus mental qui a d’abord été étudié sous l’angle comportemental, puis cognitif. Aujourd’hui, les neurosciences ont permis de comprendre comment l’empathie fonctionne à l’échelle du neurone. Le Professeur Vittorio Gallese a en effet découvert des neurones dits « miroirs » qui, lorsqu’ils sont activés chez un individu observant les activités ou les émotions d’un autre individu, vont stimuler des parties de leur propre réseau neuronal qui traitent ce même état physique et émotionnel.
L’empathie est donc une composante structurelle du cerveau animal qui permet les liens sociaux et la coopération entre les individus. Les personnes qui en sont dépourvues seraient plus volontiers exposées à la dépression, aux troubles de l’attention, à la délinquance.
LES LIMITES DE L’EMPATHIE
Nous serions donc tous, à différents degrés, capables d’empathie. Mais pour des raisons liées à la difficulté de définir ce qu’est et en quoi consiste l’empathie, certaines personnes pensent en être particulièrement dotées, à tort.
La principale erreur est de confondre l’empathie avec la sympathie. La vidéo ci-dessous illustre la différence entre ces deux notions :
Une autre difficulté liée à l’empathie, notamment en médecine, est la « psychologisation » excessive, au risque de se retrouver submergé par les émotions de l’autre. L’empathie nécessite donc d’une part de bien faire la différence entre soi et autrui mais aussi de savoir réguler ses propres réponses émotionnelles. Cette régulation est l’ensemble des processus (affectifs et cognitifs) qu’un individu peut mettre en oeuvre pour modifier ses réponses émotionnelles spontanées. C’est ce que certains appellent le self-control.
L’EMPATHIE DANS LA RELATION THÉRAPEUTIQUE
Bien que l’apprentissage du développement de l’empathie ne fasse pas partie du cursus pédagogique de toutes les carrières médicales, beaucoup s’accordent à dire que l’empathie est une qualité essentielle à l’exercice de la médecine. En effet, la grande majorité des patients souhaitant avant tout être écoutée et comprise.
Mais deux conceptions s’opposent dans la définition du rôle du médecin :
- celle du médecin efficace, imperturbable, qui a une vision objective du patient et de sa maladie, et qui peut ainsi prendre des décisions d’expert et gagner en efficacité,
- celle du médecin empathique et humain qui s’intéresse non seulement à la maladie de chaque patient, mais également à la manière dont il la vit, à sa situation personnelle, sociale, à son histoire.
A tous ceux qui se réclament de la première conception, voici comment il faudra développer son empathie pour éviter de mécontenter et/ou perdre des patients :
- Revoir son égo et son prestige à la baisse,
- Faire preuve de compréhension et de patience,
- Ecouter (et réfléchir) avant de parler,
- Ne pas surestimer ses propres capacités d’empathie,
- Savoir confirmer à son interlocuteur que l’on a bien compris sa position, son ressenti.
A tous ceux qui se réclament de la seconde conception, voici les précautions à prendre pour éviter l’épuisement professionnel (burn-out) :
- Savoir repérer les moments significatifs où l’empathie est nécessaire de ceux où elle ne l’est pas,
- Ne pas se laisser submerger par les émotions et la souffrance des patients,
- Ne pas se laisser manipuler,
- Ne pas penser que les compétences humaines peuvent remplacer les compétences techniques ,
- Ne pas laisser la relation thérapeutique stagner (car nous ne sommes pas des psychothérapeutes).
La qualité d’être emphatique est définie comme consistant à percevoir avec précision le cadre de référence interne de l’autre, les composantes émotionnelles et les significations qui s’y attachent comme si l’on était la personne elle même mais sans perdre de vue le « comme si ».
C. Rogers
CONCLUSION
La définition la plus satisfaisante de l’empathie serait donc l’habileté à percevoir, à identifier et à comprendre les sentiments ou les émotions d’une autre personne tout en maintenant une distance affective par rapport à cette dernière.
Cela consiste à saisir les raisons qui amènent une personne à agir d’une certaine façon ou à avoir telle ou telle réaction, et ce, avant même de porter un jugement sur elle.
L’empathie permet une meilleure compréhension de son interlocuteur et permet de gagner ainsi son respect et son écoute. Il est ainsi possible de la transformer en influence positive sur la qualité de la relation thérapeutique.
Pour aller plus loin :
– L’Empathie dans la Relation Médecin-Patient : excellente synthèse du Dr M. Vannotti.
– La Représentation de l’Empathie pour les Internes en Médecine Générale : thèse du Dr C. Eydaleine.
– L’Intelligence Emotionelle
– Etes-Vous un Bon Guide pour vos Patients?