L’Effort Diagnostic

Le diagnostic est un des trois piliers de la médecine. Il s’appuie sur l’observation pour soutenir le traitement. Sans diagnostic : pas de traitement possible et point de salut. Mais le diagnostic est parfois difficile à obtenir et demande un effort. Un effort de réflexion.


Mme C, 67 ans consulte pour des douleurs non diagnostiquées de la région maxillaire droite, persistantes depuis plusieurs mois.

La patiente nous rapporte un historique médical lourd en rapport avec ces douleurs et avoue « ne plus en pouvoir ». Après de multiples consultations chez différents chirurgiens-dentistes et plusieurs médecins, de multiples prescriptions médicamenteuses (antibiotiques, anti-inflammatoires, antalgiques…) personne n’arrive à savoir ce qui lui arrive. Elle porte avec elle une radio panoramique et même des IRM cérébrales car les médecins évoquent une « possible » tumeur cérébrale…

La radiographie panoramique ne montre pas de pathologie évidente. On peut simplement remarquer la version mésiale des dents 47 et 48 qui ont suivi l’extraction de la 46. Cliniquement, le bridge du secteur 10 est très légèrement mobile dans partie distale, avec un effet de piston dans la partie cervicale (ce qui produit de petites bulles) et on note une usure de la céramique avec visibilité du métal sur la partie distale de la face occlusale de 17.

Nous décidons de réaliser une simple radiographie rétro-alvéolaire :

Le scénario étio-pathogénique est donc le suivant : pose du bridge – trauma occlusal – fatigue du ciment au niveau du pilier distal – infiltration microbienne – carie secondaire – pulpite chronique.

Le traitement a donc consisté à la découpe du bridge en distal de la 15 et pulpectomie de la 17. Les douleurs ressenties par la patiente ont immédiatement cessé.

Il est illogique d’envisager un traitement sans avoir posé de diagnostic de même qu’il est illogique de référer le patient sans avoir réalisé un examen clinique exhaustif. Le diagnostic demande un effort particulier dans l’observation et dans le recueil des signes cliniques.
Dans ce cas particulier, on peut se demander si les différents confrères chirurgiens-dentistes ont envisager les tests de vitalité pulpaire ou les radiographies rétro-alvéolaires. Il est possible également qu’ils aient été réticents à démonter un bridge céramo-métallique… quitte à laisser la patiente dériver vers des hypothèses diagnostiques totalement hors sujet.


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4 commentaires sur “L’Effort Diagnostic”

  1. MOMET

    Hallucinant que les chir/dent. qu’elle a consulté avant n’aient pas repéré la reprise de carie…

    Pour ma part je réalise (en plus de l’examen clinique) systématiquement 1 rétro des secteurs posterieurs à chaque visite annuelle et ce n’est pas du luxe, je découvre très souvent des lésions invisibles a l’inspection et aux tests cliniques.
    Je ne sais pas si je suis dans le respect des consignes de radio protection mais je n’ai pas l’intention d’arrêter.

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    • thedentalist

      Les signes radiologiques n’étaient peut être pas aussi évidents … mais les tests thermiques auraient peut être pu mettre en évidence le problème. Tu as mille fois raison de prendre des radios de contrôle car beaucoup de pathologies sont invisibles à l’oeil nu et évoluent au bas bruit. C’est une vraie attitude préventive. Effectivement, la Sécu et les organismes de radio-protection ont pendant des années fait culpabiliser les praticiens de prendre des radios. Nous ne disons pas qu’il faut bombarder chaque dent de chaque patient pour dépister mais deux clichés rétro-coronaires ou quatre rétro-alvéolaires n’ont jamais tué personne. De nos jours les capteurs numériques sont performants et permettent d’obtenir une superbe définition pour des doses très réduite.
      Il ne faut pas non plus systématiser. Les examens radiologiques sont des examens complémentaires de l’examen clinique et doivent choisis en fonction du cas. Je suis contre l’idée d’une panoramique automatique effectuée avant même que le patient ait été présenté au praticien. Dans certains cas, elle ne sert à rien car la définition est insuffisante. Si à l’examen clinique on note de nombreuses dents dépulpées et/ou couronnées, la panoramique est indiquée.
      Qu’en penses tu?

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    • Ordo

      Pour apporter du factuel :

      Extrait du Guide des indications et des procédures des examens radiologiques en odontostomatologie

      En présence d’un risque carieux élevé, les études soulignent l’utilité des clichés
      rétrocoronaires pour détecter les caries non encore cliniquement décelables, lors de la visite
      initiale. Le bénéfice rapporté (nombre de caries détectées radiologiquement rapporté au
      nombre de caries détectées cliniquement) varie selon les études de 167 % à 800 %. Les
      contrôles radiographiques peuvent être réalisés à un intervalle minimum de 6 mois jusqu’à ce
      que le risque carieux diminue.

      Si le risque carieux est modéré, le bénéfice diagnostique rapporté, lors de la réalisation
      de clichés rétrocoronaires initiaux, varie entre 150 % et 270 %. Un intervalle minimum de 12
      mois entre deux examens radiographiques est recommandé.

      Si le risque carieux est faible, seuls des clichés rétrocoronaires sélectifs initiaux des
      dents suspectes cliniquement doivent être réalisés. Un intervalle minimum de 12 à 18 mois en
      phase de denture temporaire ou mixte et de 24 mois en phase de denture permanente doit être
      appliqué. Bien évidemment, des intervalles supérieurs peuvent être utilisés si le risque carieux
      reste faible.

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  2. NILLES

    Bonjour,
    tout d’abord merci pour tous ces articles très intéressants!
    Je viens de lire que vous étiez contre une radio panoramique systématique chez les patients.
    Personnellement je serais plutôt effectuer une panoramique si les patients n’en ont pas fait depuis plus de deux ans même si peux de restaurations ou de traitement ont effectués.
    Je pense cela car des lésions tumorales, des nécroses spontanées ou une sinusite peuvent toujours être objectivé et découverts fortuitement et nous orienter vers des examens complémentaires.
    Etant donnée la faible irradiation d’une panoramique dentaire, ne serait il pas utile d’en faire bénéficier les patients à titre préventif?
    Qu’en pensez vous?

    Répondre
    • thedentalist

      Bonjour NILLES et merci pour cette argumentation très pertinente.
      Personne ne peut réellement vous donner tort mais voici mon point de vue : la radiographie (qu’elle soit rétro-coronaire, rétro-alvéolaire, panoramique ou cone-beam) reste un examen complémentaire qui part définition doit compléter l’entretien et l’examen clinique. Le choix de la technique radiologique dépend, selon moi, de la situation clinique. Par exemple, je ne pratique pas de panoramique systématique sur un jeune de 17 ans qui présenterait quelques obturations coronaires et je préfère des rétro-coronaires.
      Les panoramiques sont assez pratiques pour réaliser un « débrouillage » mais manquent très souvent de précision, ce qui m’amène à réaliser des rétro-coronaires pour préciser le diagnostic.
      Les pathologies que vous évoquez sont une réalité et vous avez raison de chercher à les dépister. Mais là encore, avant de pratiquer les examens complémentaires, il faut des indices et des signes cliniques évocateurs de ces pathologies.
      Sans vouloir être sarcastique, mais simplement pour forcer le trait, le médecin généraliste qui reçoit un patient pour un check-up, pourrait demander un scanner de la tête au pied et une batterie d’examens complémentaires, pour dépister d’éventuelles pathologies rares. C’est exagéré, et je ne doute pas une seconde que vous raisonniez de la sorte. Mais se posent deux problèmes :
      1- j’ai l’impression que les patients n’apprécient pas qu’une radiographie panoramique soit réalisée avant même que le praticien ne les ai reçu et examiné.
      2- le coût à grande échelle de ses examens complémentaires lorsqu’ils ne sont pas pleinement justifiés

      Je conçois que ma vision puisse être discutée. Merci pour votre intervention. J’attends votre réponse avec impatience.

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