Certains praticiens sont des perfectionnistes. Ils en sont même assez fiers car ils pensent, à juste titre, que la chirurgie-dentaire est une discipline qui exige de la rigueur et l’application stricte des procédures cliniques, sans compromis.
Ils affirment que le « bien est l’ennemi du mieux » car se contenter du bien peut nous enfermer dans une forme d’inertie, confortable et qui nous empêche de nous améliorer ou même nous fait régresser.
LA PERFECTION PEUT ETRE UN PROBLEME POUR LE PRATICIEN
Pourtant, la perfection peut également devenir « l’ennemi du mieux » si vous vous fixez des objectifs impossibles à réaliser. Un trop haut niveau d’exigence peut devenir paralysant et inhiber vos actions car vous ne verrez que les aspects négatifs et les résultats « moins que parfaits » qui pourraient découler.
Par exemple : faire des travaux d’amélioration du local professionnel, intégrer une nouvelle technologie dans votre exercice, s’associer – toutes ces démarches nécessitent un minimum de planification et de préparation. Mais malgré tous vos efforts, il y aura très sûrement des accrocs et des imprévus qui vont en perturber la réalisation.
Les praticiens qui acceptent cette réalité et qui font preuve de souplesse et d’adaptation obtiendront de bien meilleurs résultats sur le long terme que les praticiens perfectionnistes qui ne font rien tant que tout n’est pas parfait. Les perfectionnistes sont souvent d’éternels insatisfaits.
Par définition, la perfection sous-entend que quelque chose ne puisse pas être améliorée, ce qui, en soi, n’est pas très réjouissant. Car l’essence même de la vie est justement une amélioration continue et permanente. Il est donc plus judicieux de toujours viser l’excellence et de se féliciter du chemin accompli. Si la recherche de la perfection est ce qui permet de vous améliorer: parfait! Continuez ainsi. Mais ne laissez pas l’idée que vous vous faites de la perfection vous paralyser et vous empêcher d’expérimenter de nouvelles pistes et à terme vous priver de réelles opportunités de développement.
LA PERFECTION PEUT ETRE UN PROBLEME POUR LE PATIENT
Le même raisonnement peut également s’appliquer en ce qui concerne les soins que nous réalisons sur nos patients. Les progrès techniques en médecine rendent nos traitements toujours plus sophistiqués et coûteux. Cette tendance, si on l’associe aux mains expertes d’un praticien trop zélé, va tout simplement décourager la majorité des patients à entreprendre des plans de traitement dans lesquels la recherche de la perfection obligerait à tout corriger jusque dans les moindres détails.
Nos choix thérapeutiques sont généralement guidés par le rapport bénéfice/risque qui veut que parmi les traitements les moins risqués nous choisissions ceux qui apportent un réel bénéfice. Le rapport bénéfice/coût, si l’on en tenait plus souvent compte, devrait permettre d’imaginer des solutions moins couteuses mais qui apportent un bénéfice dans la résolution (partielle et/ou transitoire) de problèmes bucco-dentaires.
Le cas clinique n°1 est un celui d’un patient de 38 ans, bénéficiaire de la CMU. Il souffre d’une maladie parodontale aggravée par le tabac et un traitement parodontal raisonné est clairement indiqué. Le meilleur rapport bénéfice/coût pour enrayer la progression de la maladie est l’instruction des méthodes d’hygiènes quotidiennes et la motivation à l’arrêt du tabac.
Le cas clinique n°2 est celui d’un patient de 67 ans ayant souhaité remplacer ses dents 24, 25 et 26 par une solution prothétique fixe. Le coût global d’un traitement implantaire bloquait sa réalisation jusqu’à ce qu’il ne soit convenu d’utiliser des prothèses transitoires en résine pour une durée « indéterminée ». Le patient en est satisfait et accepte parfaitement les contraintes de maintenance qui y sont liées.
A lire également : Le renoncement aux soins? Mais de quels soins parle t-on?
CONCLUSION
Les réalités du quotidien nous poussent à trouver des solutions aux problématiques que nous rencontrons et notre éthique nous oblige à observer nos résultats avec lucidité pour pouvoir nous améliorer. Entre la nullité et la perfection il y a tout un monde. Tout n’est qu’une question d’équilibre; réfléchissez-y et à l’utopie perfectionniste, préférez la conscience du travail correctement réalisé.
Bonjour The Dentalist
Ton post m’interpelle paticulièrement. J’ai un patient dans la même situation que ton cas n°2. Est ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ces couronnes provisoires :
Est ce qu’elles sont réalisées au laboratoire ou est ce qu’il s’agit de couronnes préformées rebasées au fauteuil ?
Si c’est le cas, comment être sûr que la liaison de la résine sur le métal du pilier soit suffisante, au moins à moyen terme ?
Merci pour ta réponse et pour la stimulation intellectuelle que constitue ton blog. J’ai particulièrement aimé le parallèle que tu arrive à faire entre notre métier et ce film Mash, ds un autre de tes posts.
Cordialement Mathieu.
Bonjour Mathieu,
Ces couronnes provisoires ont réalisées initialement au laboratoire avec la réalisation d’une armature métallique de renfort. Comme tu l’as souligné, le rebasage de couronnes préformées en bouche sur les piliers ne peut être qu’une solution à très court terme en raison des problèmes que tu évoques.
Je pense que la solution des prothèses implantaires en résine est très intéressante :
– pour les patients qui ont des difficultés économiques
– pour les plans de traitement complexes où une reconstruction des paramètres occlusaux est nécessaire : ces prothèses sont facilement modifiables par adjonction ou soustraction de résine.
– pour les situations où les dents collatérales aux implants ont un mauvais pronostic à moyen/long terme.
Les résines ont fait beaucoup de progrès en terme de résistance mécanique et d’état de surface (je compte d’ailleurs publier un article à ce sujet) et ces prothèses peuvent rester en bouche pendant de nombreux mois en insistant bien sûr, auprès du patient, sur l’hygiène quotidienne et sur les éventuels risques de casse et donc de réparation.
Merci beaucoup pour ton commentaire qui me touche particulièrement et me motive à continuer dans ce sens.
A très bientôt.
Bonjour et merci pour cet article (et tous les autres d’ailleurs, ils sont très pertinents)
Pour revenir aux provisoires, pourriez-vous développer ?
S’agit-il de couronnes provisoires transvissées ?
Merci d’avance
Bonjour Hugo,
Oui, il s’agit de prothèses implantaires transvissées « direct-implant », en résine. Le patient a été informé que ce matériau n’offrait pas la même résistance à l’usure et à l’agressivité du milieu buccal (prolifération microbienne sur le matériau) et qu’une maintenance plus fréquente serait nécessaire. Le matériau s’est fracturé une ou deux fois et nous avons été amené à réparer (réparation directe ou indirecte). Situation, pas idéale mais de compromis acceptable.
Merci bien !