La civilisation humaine moderne se caractérise essentiellement par deux composantes inséparables : la technologie et la consommation. La médecine du 21eme siècle se transforme donc logiquement par l’apport et l’intégration de nouvelles technologies sensées permettre de mieux soigner grâce à l’utilisation des machines et l’automatisation de procédures qu’il fallait autrefois apprendre et pratiquer.
Le patient lui aussi se transforme et devient de plus en plus un consommateur de soins. Sa grande mobilité et l’utilisation d’Internet le poussent à rechercher l’information sur les maladies et leurs traitements avant même d’avoir franchi le seuil d’un cabinet médical. Cette nouvelle génération de patients a compris que pour être un consommateur avisé, il fallait rechercher, comparer, s’informer, se faire une opinion avant d’acheter. De la même manière, ils raisonnent en terme d’achat avant d’engager un traitement médical.
Les patients sont légitimement plus demandeurs d’une certaine interactivité lors de leurs rapports avec les soignants. Il faut en tenir compte. Ils réclament plus d’informations et sont particulièrement sensibles à l’utilisation d’outils technologiques (tablettes tactiles, modélisations 3D…) dans les environnements médicaux afin de mieux s’approprier les notions scientifiques.
Mais cette évolution comporte également des dangers. Le premier danger de cette évolution est la consumérisation de la pratique médicale et donc de ne plus respecter le savoir du corps médical. Si un patient/consommateur consulte un chirurgien-dentiste en pensant qu’un implant est le même partout, comme dans un magasin, il se base sur des critères de commodité commerciale et non plus sur des critères de sécurité sanitaire. Le tourisme médical en est l’expression la plus aboutie.
Le deuxième danger est lié à la difficulté d’intégrer les arbres décisionnels, qui pour être valables doivent intégrer les paramètres individuels de chaque patient, dans des algorithmes mathématiques. L’Evidence Based Medecine érigée comme un dogme peut constituer une dérive. L’évaluation des facteurs de risque propres à chaque patient permet de déterminer le pronostic des pathologies et des traitements. Les patients présentant des facteurs de risque modérés ou élevés dans les domaines spécifiques nécessitent et nécessiteront toujours un savoir et des compétences supérieures.
Faut-il penser que dans le futur les machines et les technologies de l’information auront remplacé les chirurgiens et les médecins? Pas si sûr car dans notre spécialité, il y a 3 choses à comprendre et maîtriser et que les machines ne peuvent pas remplacer :
- LE DIAGNOSTIC : Le diagnostic en odontologie est constitué de la superposition de plusieurs niveaux d’analyse des structures biologiques du patient : état de santé général, état parodontal, état dentaire, fonction/occlusion, esthétique du sourire. L’opinion diagnostique intègre une multitude de signes cliniques qui se confrontent les uns aux autres en fonction de l’âge du patient, des facteurs étiologiques en présence et des possibilités de correction. Même si des logiciels d’aide au diagnostic commencent à voir le jour, il sont très loin d’être aussi performants que la logique de l’esprit humain.
- LA GESTION DE L’OCCLUSION : Vu la difficulté qu’ont les chercheurs pour valider des études scientifiques capables d’intégrer les multiples paramètres et facteurs susceptibles d’interférer sur l’occlusion et la fonction orale des êtres humains, il nous est permis de douter qu’une intelligence artificielle puisse voir le jour et soit capable d examiner, évaluer et traiter la fonction occlusale de nos patients.
- LA GESTION DE L’ESTHETIQUE : Une machine pourrait-elle reproduire à la perfection les fresques de la Chapelle Sixtine? Peut être… Une machine aurait-elle été capable de les créer? Certainement pas. Même si l’esthétique dentaire répond à certaines règles et principes, l’art s’accommode en général très mal de la standardisation. De plus, l’esthétique dentaire ne peut pas être dissociée des autres champs que sont le diagnostic et la fonction.
La technologie et le consumérisme médical constituent un changement de paradigme dont nous devons tenir compte pour nous adapter au monde des hommes que nous avons à soigner. Même si demain la technologie nous aidera à recueillir et à gérer des données médicales toujours plus précises et plus complexes, seules la connaissance médicale globale et l’intégrité des praticiens permettront de les réunir, de leur donner du sens et de prendre des décisions thérapeutiques réfléchies. Car chacun sait à quoi mène la science sans conscience…
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réflexion interessante à laquelle il faudrait peut être donner une suite envisageant les conséquences juridiques d’une dérive lente, mais qui semble forte, de la notion de santé vers celle de consommation.
Très juste. Figurez-vous que cette suite est déjà prête et paraitra dans les jours prochains à l’occasion des 12 ans de la Loi Kouchner.
Merci de votre visite et de ce commentaire.
réflexion interessante à laquelle il faudrait peut être donner une suite envisageant les conséquences juridiques d’une dérive lente, mais qui semble forte, de la notion de santé vers celle de consommation.
Très juste. Figurez-vous que cette suite est déjà prête et paraitra dans les jours prochains à l’occasion des 12 ans de la Loi Kouchner.
Merci de votre visite et de ce commentaire.