L’hémorragie est une fuite de sang en dehors des vaisseaux sanguins qui peut être provoquée par 2 évènements :
- Blessure de vaisseaux sanguins
- Modification de la coagulation (pathologique ou médicamenteuse).
Si vous combinez ces 2 évènements et qu’en plus, votre patient est procédurier : c’est le cauchemar absolu !
Mr X, 76 ans, se déplace lentement et difficilement au moyen d’une canne pour accéder à la salle de soins. Il souhaite effectuer un contrôle de son état dentaire. Le questionnaire médical met en évidence des pathologies cardio-vasculaires (HTA, angine de poitrine) et un traitement anti-coagulant par AVK.
L’examen clinique bucco-dentaire montre une inflammation parodontale, des caries radiculaires et des restaurations prothétiques mal ajustées. Nous décidons de réaliser un assainissement parodontal en premier lieu : le patient reçoit donc les conseils et les informations nécessaires pour améliorer son hygiène bucco-dentaire et 2 séances de surfaçage sous anesthésie locale sont proposées au patient qui ne reviendra que 2 mois plus tard pour les effectuer.
La première séance est consacrée aux dents mandibulaires et se déroule sans encombre et un très léger saignement post-opératoire est rapporté (courant pour ce type de soins). La deuxième séance pour les dents maxillaires est maintenue bien qu’entre temps, le patient ait reçu un traitement anti-coagulant par injection pour le traitement d’une phlébite.
Lors de la séance de soins des dents maxillaires, aucun saignement per-opératoire anormal n’est remarqué. La patient est libéré. Mais le lendemain matin, le patient, accompagné de son épouse, effrayée et agressive, se présente avec une hémorragie gingivale persistante. Le patient est installé sur le fauteuil et l’on constate un impressionnant caillot exubérant, recouvrant les dents.
Nous tentons de rassurer le patient et son épouse et nous décidons de ne pas nettoyer le caillot pour permettre à la coagulation (déjà amorcée) de se terminer. Le patient avoue avoir rincé à l’eau et craché pendant toute la nuit. Nous prescrivons des bains de bouche passif d’acide tranéxamique (Exacyl®) jusqu’au soir.
En fin d’après-midi, nous contactons le patient par téléphone pour connaître l’évolution du problème. L’épouse du patient, toujours très anxieuse, nous indique que la situation ne s’améliore pas malgré la prescription. Le patient est donc à nouveau reçu au cabinet et nous constatons une amélioration de la coagulation. Nous décidons, après anesthésie locale adrénalinée, d’éliminer les caillots exubérants, ce qui ne provoque pas de reprise de l’hémorragie. La situation semble en bonne voie de résolution mais par précaution, nous décidons de réaliser une gouttière en silicone au moyen d’un porte-empreinte que nous donnons au patient pour le week-end afin d’effectuer une compression prolongée.
Le patient est revu le lundi matin et la fin de l’hémorragie est confirmée.
5 MOYENS POUR GERER UNE HEMORRAGIE INTRA-BUCCALE
- Eponges hémostatiques et sutures en fin d’intervention : c’est une règle de base en chirurgie buccale : on ne laisse pas une plaie ouverte en fin d’intervention. En cas de rupture des sutures, le site opératoire doit être toiletté et repris.
- Injection locale de vaso-constricteurs : pour éviter ou stopper une hémorragie intra-buccale, l’injection d’une solution anesthésique adrénalinée (1:100 000) est une option à considérer.
- Conseils au patient : ces conseils, de préférence écrits, sont obligatoires. Le patient doit savoir qu’il ne doit pas cracher ni rincer avant la stabilisation du caillot. Il doit limiter son activité physique, dormir en position semi-allongée, sélectionner son alimentation et ne pas fumer.
- Bains de bouche passifs d’acide tranexamique : prescription d’Exacyl® : 1 ampoule diluée dans 1/4 de verre d’eau; 3-4 fois par jour. A recracher.
- Compression prolongée : sauf en cas de lésion artérielle, la compression de la plaie au moyen de compresses (imbibées ou non d’Exsacyl®) ou de linges propres, pendant plusieurs dizaines de minutes.
Comme toujours, le meilleur traitement reste la prévention du problème. Le questionnaire médical et une évaluation plus précise du risque hémorragique sont nécessaires en vue d’une intervention de chirurgie buccale. Cependant, comme l’illustre ce cas clinique, une hémorragie peut survenir là où on ne l’attend pas : 90% des hémorragies intra-buccales surviennent après des extractions ou des chirurgies « ouvertes; a priori les soins parodontaux ne sont pas considérés comme étant des interventions à haut risque. Le problème vient du fait que le nombre de patients sous traitement anticoagulant augmente, les facteurs impliqués dans la coagulation sont complexes (pathologies générales, alimentation, consommation d’alcool…) et les recommandations préconisent un maintien du traitement anticoagulant dans des situations de plus en plus nombreuses.
A suivre…
Bonjour,
merci pour cet article intéressant, néanmoins il me semble que votre illustration montre plus une hémorragie du plancher buccal (pronostic vital engagé) qu’un simple caillot exubérant.
Bonjour Yoann et merci pour votre commentaire. Le but de cette illustration est de montrer qu’un caillot exubérant peut avoir un aspect très spectaculaire, pour le patient c’est évident, mais aussi pour le praticien. Il peut se former pour n’importe quel type d’hémorragie buccale, même au niveau gingival. C’était le cas dans notre situation clinique.
La question de l’hémorragie du plancher buccal est très importante et nous l’avons déjà abordé dans un autre article dont voici le lien : Implantologie et Symphyse Mentonnière.
Bien cordialement.