Charting or Not Charting?

En parodontologie, le recueil des données cliniques relatives à l’état du patient passe, pour large part, par une évaluation de l’état du système d’attache de l’ensemble des dents.

Pour cela, il est nécessaire réaliser un sondage parodontal complet – le charting – qui doit relever des mesures de sondage au niveau de 6 sites par dent. Fastidieux? Oui. Pertinent? A voir…

CHARTING : MODE D’EMPLOI

Pour réaliser un sondage parodontal, il faut bien évidemment disposer d’une sonde parodontale. Et il en existe différents types en fonction du matériau qui la constitue et du marquage des graduations.

A gauche : sonde métallique graduée tous les 3mm
A droite : sonde en plastique souple (qui ne raye pas le titane) graduée tous les 1mm

Pour renseigner un charting, il faut disposer d’un tableau pour consigner les valeurs mesurées selon les sites anatomiques. Le site web perio-tools.com, développé par l’Université de Berne, en Suisse, est une véritable bénédiction : disponible en 32 langues, il offre gratuitement des outils d’évaluation parodontale, dont un charting, que le clinicien peut remplir en ligne, imprimer ou sauvegarder en format .pdf dans le dossier de son patient.

Exemple de charting initial d’une patiente de 45 ans présentant une parodontite stade 3 – grade B
Même patiente : charting de ré-évaluation 3 mois après traitement étiologique.

Toute la procédure et la méthodologie du charting sont clairement décrites et expliquées. En soustrayant les distances entre la jonction amélo-cémentaire des profondeur de poche, un calcul automatique du niveau d’attache clinique est effectué. Le charting permet également de renseigner les scores de plaque sur chaque face de chaque dent afin de calculer l’indice gingival global (GI pour Gingival Index), le saignement au sondage, les atteintes de furcation et les mobilités de chaque dent.

LA LOGIQUE DU SONDAGE PARODONTAL

L’augmentation des profondeurs de sondage et la perte d’attache clinique sont des signes pathognomoniques des parodontites. Ces maladies n’évoluant ni de manière linéaire dans le temps, ni de manière homogène selon les sites, il est important pour le suivi parodontal, d’en faire une cartographie précise lors du bilan initial afin de pouvoir quantifier précisément les effets de la thérapeutique et distinguer précisément les zones instables. C’est le rôle du charting.

Mais la pratique du charting parodontal soulève tout de même quelques questions :

  • « Un charting, c’est chronophage! »
    Oui et non. Lorsqu’on réalise un charting pour la première fois, c’est long, voire très long. Mais comme pour tout, plus on le pratique, plus on gagne en rapidité. Autre point : l’aide précieuse d’une assistante qui va renseigner les mesures énoncées par le praticien réduit drastiquement la durée de la procédure. Et dans un monde idéal : deux assistantes, parfaitement formées, pourraient réaliser la procédure sans même que le praticien n’ait à intervenir.
  • « Un charting c’est pour les spécialiste en paro! »
    Oui et non. Si vous faites de la recherche en parodontologie, le charting est absolument indispensable puisque les études dans ce domaine se basent sur l’évolution du saignement au sondage (Bleeding on Probing – BoP) et de la perte d’attache clinique (Clinical Attachment Loss – CAL). Le charting est le meilleur moyen d’obtenir des données objectives, comparables dans le temps sur lesquels pourront se baser les observations et les interprétations.
    Si vous exercez exclusivement la parodontologie, difficile de ne pas faire de charting parodontal mais beaucoup de praticiens « paro-exclusifs » avouent ne pas faire un usage systématique du charting puisque cela impliquerait un charting initial, un charting à la ré-évaluation parodontale après thérapeutique initiale puis un charting périodique tout au long du suivi à long terme.
    Mais comme la parodontologie est d’abord une affaire d’omni-praticien, il semble plus raisonnable, plus souple et plus pragmatique de réserver le charting à des cas particuliers de maladies parodontales complexes et évolutives.
  • « Le charting, ça n’est pas pertinent! »
    Oui et non. D’abord car, comme tout examen complémentaire, sa sensibilité et sa spécificité doivent être questionnées. Pour rappel : la sensibilité est la capacité d’un test à repérer les vrais-positifs et la spécificité sa capacité à repérer les vrais-négatifs. Or, on sait que le taux de faux-négatifs au saignement au sondage est important chez les patients fumeurs. Inversement, certaines conditions (médicaments, certains aliments ou compléments alimentaires) peuvent provoquer un saignement chez les sujets sains (faux-positifs).
    Ensuite, car la force exercée par l’opérateur doit être « légère » pour ne pas perturber l’attache parodontale mais aussi pour ne pas sur-estimer la mesure. Elle est malheureusement variable selon les opérateurs. De manière similaire, il existe des variations inter-opérateurs dans la lecture et le relevé des mesures et l’expérience du praticien a une influence sur la fiabilité des résultats.
    Enfin, car le seul sondage des poches parodontales ne reflète pas parfaitement ni l’activité, ni le stade d’activité de la maladie. Une étude de 2013 a montré que les variations de profondeurs de sondage ne suivent pas les variations de perte d’attache clinique, surtout aux stades débutants.

Dès lors, il faut garder à l’esprit que le sondage parodontal n’est qu’un élément parmi d’autres de l’évaluation parodontale globale qui doit comprendre : anamnèse, évaluation des facteurs de risque, examen visuel des tissus, relevé des scores de plaque, des mobilités et des examens radiologiques.

ET AUTOUR DES IMPLANTS?

Nous avions vu dans un précédent article qu’entre une dent et un implant, le système d’attache gingivale est différent.

Cette différence anatomique fondamentale explique, en partie, le développement des maladies des tissus péri-implantaires que sont les mucosites et les péri-implantites. Ces maladies toucheraient, respectivement, environ 50% et 10% des implants. Etant donné les conséquences en termes de survie implantaires mais aussi de confort du patient, il est important de savoir les reconnaitre et les dépister le plus précocement possible.

Mise en évidence par sondage d’une péri-implantite et confirmée par la radiologie..

Oui mais voilà, le sondage péri-implantaire pose un certain nombre de problématiques :

  • La relative fragilité de l’attache péri-implantaire pose la question de l’interprétation des résultats. La valeur « normale » communément admise dans la littérature est de moins 5-6mm sans saignement ni suppuration associés. La pression appliquée sur la sonde doit être faible pour ne pas endommager ce système d’attache délicat et ne pas sur-estimer la valeur de sondage.
  • Bien que les tissus péri-implantaires malades saignent très souvent au sondage, ce saignement peut être présent sans forcément être révélateur d’une maladie péri-implantaire (faux-positifs) et que des pertes osseuses péri-implantaires ne sont pas systématiquement associées à une inflammation des tissus mous (faux-négatifs) comme l’a montré cette étude. Là encore, se posent, avec encore plus d’acuité, les questions de la sensibilité et de la spécificité du sondage péri-implantaire.
  • La présence de la prothèse implantaire constitue souvent un obstacle à un sondage selon le grand axe de l’implant. Une étude récente du Journal of Clinical Periodontology a comparé les mesures du sondage péri-implantaire en présence ou en l’absence de la supra-structure prothétique. Il a été montré que la présence de la prothèse implantaire a tendance à provoquer une sous-estimation de la mesure de sondage.

CONCLUSION

Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ces considérations :

  • La première (et surement la plus importante) est de disposer d’une sonde parodontale dans tous les plateaux d’examen. Car même si elle n’est pas utilisée de manière systématique, les occasions sont nombreuses en pratique quotidienne d’y avoir un recours ponctuel.
    Le sondage systématique des implants n’est pas recommandé, mais indiqué en présence d’autres indices évocateurs d’une maladie péri-implantaire.
  • Le charting systématique est relativement fastidieux et chronophage. A moins de faire de la recherche en parodontologie, il faut savoir comment et quand le réaliser dans des cas particuliers de maladies parodontales très évolutives.
  • Des appareils de mesure plus rapides et semi-automatisés sont en cours de développement et devraient permettre, dans le futur, de simplifier le recueil et l’interprétation des données.

POUR ALLER PLUS LOIN PROFOND

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