L’orthopédie dento-faciale (ODF) est sans doute une des meilleures stratégies pour les traitements bucco-dentaires. Peu ou pas mutilantes, les différentes techniques thérapeutiques permettent d’améliorer l’esthétique et la fonction de façon spectaculaire. En fonction des situations cliniques et de leur complexité, les traitements peuvent être réalisés seuls ou en synergie avec des thérapeutiques paro-implantaires et/ou restau-prothétiques.
Le 5 décembre 2015, à Paris, la Société Française d’Orthodontie Linguale (SFOL) a été à l’initiative d’une journée inédite qui s’inscrit parfaitement dans cette logique de prise en charge globale et multi-disciplinaire des patients. L’idée était de réunir différentes spécialités afin qu’elles apprennent à mieux se coordonner. Car pour éviter les erreurs et espérer l’excellence des résultats, il faut une très bonne communication entre les membres de l’équipe. Pour cela, il est nécessaire de parler le même langage et donc de comprendre comment travaillent les autres spécialistes.
PRISE DE DÉCISION EN ODF
Le Pr. Didier Fillion (qui a créé la SFOL en 1986) a expliqué, à partir de nombreux exemples cliniques, les trois techniques qui permettent aux orthodontistes de répondre à une demande massive : l’encombrement dentaire.
Ces trois techniques sont différentes mais peuvent s’avérer complémentaires :
- le stripping c’est à dire les plasties proximales des dents, calculées au millimètre. Elles sont faites à la fraise ou au disque). L’espace ainsi libéré permet d’obtenir la forme d’arcade souhaitée.
- l’expansion d’arcade permet aussi d’élargir l’arcade – latéralement et/ou antérieurement – pour obtenir un sourire plein et large. Elle s’obtient par des arcs montés sur systèmes multi-attaches.
- Les extractions libèrent de l’espace et permettent des corrections majeures du profil des patients mais ces derniers souhaitent les éviter à tout prix.
Puis le Dr. Christine Muller, orthodontiste parisienne, enseignante au D.U d’orthodontie linguale, nous a proposé une réflexion intéressante sur les diastèmes antérieurs invalidants esthétiquement. Les dents du bonheur ne font pas toujours le bonheur de ceux qui les arborent.
Pour prendre la décision de traiter ou de ne pas corriger un diastème inter-incisif, il faut d’abord une réflexion et une discussion abouties avec le patient pour connaitre les raisons qui le poussent à consulter et l’impact que peut avoir un traitement (ou une abstention) sur l’image qu’il a de lui-même.
ODF ET DENTISTERIE ESTHETIQUE
Pour tout traitement concernant la zone esthétique, avant de se lancer, la prudence impose de travailler à une prévisualisation du traitement. C’est ce que nous a montré le Dr. Stephen Koubi, lui qui a connu l’époque où certains pensaient que les facettes céramiques prétendaient remplacer les traitements orthodontiques. Les surcontours, ressentis comme gênants par les patients, ou bien les mutilations excessives pour les dents trop vestibulées ont vite calmé les ardeurs.
Aujourd’hui, les wax-up, puis les mock-up permettent de pré-visualiser le résultat du traitement. Ensuite, au moyen de guides de réduction en silicone, les préparations minimalement invasives permettent de coller des facettes ou des micro-chips de vitro-céramique.
Une fois les dents re-positionnées en accord avec le projet esthétique final, la céramique, puissamment collée aux tissus dentaires, se charge de restaurer des morphologies et des couleurs harmonieuses.
L’ODF est donc bien la meilleure alliée des facettes.
L’autre représentant de la dentisterie esthétique française, présent à cette journée exceptionnelle, était le Dr. Pascal Zyman, qui nous a fait le plaisir d’une courte interview :
LA RÉVOLUTION DE L’ORTHODONTIE LINGUALE
Le Pr.Dirk Wiechmann est le Pape de l’orthodontie linguale. Ingénieux et visionnaire, il a conçu le système Win, successeur du concept Incognito qu’il avait lui même mis au point. A Paris, il s’exprime dans un français remarquable puis repart pour son cabinet de Bad Essen en Allemagne, en jet privé dit-on…
Pour le Pr. Christian Palot (ancien chef du service d’ODF à Reims et enseignant au D.U d’orthodontie linguale de Paris), si vous souhaitez appliquez sa philosophie et atteindre des niveaux d’excellence thérapeutique il faut cependant connaitre et appliquer trois règles :
- Règle n°1 : la rigueur
- Règle n°2 : la rigueur
- Règle n°3 : la rigueur
L’orthodontie linguale présente des avantages sérieux. Le plus décisif pour les patients est la discrétion du dispositif. D’après le Dr Adrien Marinetti, président de la SFOL, c’est même une des trois révolutions de la dentisterie moderne après l’adhésion aux tissus dentaires et l’implantologie.
Dirk Wiechmann et son sens germanique de l’organisation peuvent désormais compter sur des années de recul et des tonnes de data pour publier des résultats qui plaident en faveur de sa technique linguale assistée par ordinateur. Espérons simplement que ses chiffres ne soient pas bidouillés façon moteur diesel…
LES CANINES INCLUSES
Les canines incluses, tout le monde le sait, doivent répondre à un protocole de prise en charge particulier :
- Consultation orthodontique
- Cone Beam Computerized Tomographie (CBCT) pour visualiser leurs positions et orientations.
- Décision de tracter Vs Extraction et implantation. Cette décision doit être collégiale après évaluation des rapports Bénéfice/Risques.
Tracter une canine incluse n’est jamais une partie de plaisir. Car la canine incluse peut opposer à l’orthodontiste une ankylose, partielle ou totale au début ou en cours de traction. C’est alors bloqué et ça ne bougera plus jamais.
Le Dr Keyvan Davarpanah nous propose d’éviter le délabrement liée à la chirurgie d’extraction totale de dent incluse car le risque de préjudice parodontal est réel et peut impacter très négativement l’esthétique du sourire.
Le reste du traitement orthodontique doit être réalisé, sans s’occuper de la canine incluse et doit ménager un couloir pour qu’un implant soit placé au travers de cette canine bloquée.Après analyse du CBCT et modélisation informatique, la réalisation d’un guide chirurgical permet de forer le site au travers de tous les tissus dentaires, sans distinction.
Il est très important de faire saigner abondamment le site avant de mettre en place l’implant. Il faut également pendre soin de dégager la tête et le col de l’implant de tous tissus minéraux dentaires. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, après quelques mois, toutes les coupes histologiques réalisées jusqu’ici dans le monde confirme une minéralo-intégration asymptomatique de l’implant.
CONCLUSION
On ne peut que saluer les conférenciers, spécialistes dans des disciplines différentes, qui ont su s’adresser à leurs confrères en des termes compréhensibles et permettant de saisir leurs techniques de traitement.
A l’issue de cette enrichissante journée, l’ensemble des participants et des organisateurs étaient d’accord pour dire que les traitements multi-disciplinaires ont avant toute chose besoin d’une excellente communication entre les différents intervenants. Pour obtenir cela un langage et des notions communes ainsi qu’une volonté de s’ouvrir à ce que font les autres sont indispensables.