Le refus de soins de la part du soignant est un problème épineux qui n’est généralement discuté qu’en termes juridiques. En effet, cette notion dispose d’un cadre légal définit par le Code de la Santé Publique (art R4127-47 232) qui stipule : « Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ». L’article 47 du Code de Déontologie Médicale reprend ces dispositions. Et le Code de la Santé Publique rappelle toutefois que le refus de soins est jugé illicite s’il se base sur une quelconque forme de discrimination.
Qu’en est-il en cabinet, dans la réalité de la pratique quotidienne? Avant de voir quelques raisons concrètes d’éconduire un patient, nous voulons insister sur deux principes importants afin d’éviter toute polémique :
- Le premier principe est que tout le monde a droit à une deuxième chance. Lorsqu’un patient dépasse les bornes, le praticien doit, sans attendre, s’entretenir avec le patient pour lui faire remarquer le caractère intolérable de son comportement. Cette discussion franche et ferme a valeur de premier et dernier avertissement.
- Le deuxième principe est que si vous repérez un de ces comportements lors d’une première consultation, un signal d’alarme doit s’activer dans votre tête. Considérez avorter une relation thérapeutique avant qu’elle ne devienne toxique.
LES ABSENTEISTES ET LES RETARDATAIRES
La marque la plus élémentaire de respect est d’honorer et d’être à l’heure à ses rendez-vous. Certains patients ne connaissent pas ce principe et s’en moquent même complètement. Nous ne parlons pas du patient à qui il arrive d’oublier exceptionnellement un rendez-vous ou qui arrive en retard pour une raison valable. Vous remarquerez que ces patients prennent souvent le soin de prévenir de leur retard ou de téléphoner pour s’excuser de leur oubli. Les absentéistes et les retardataires chroniques, eux, ne méritent pas que nous perdions du temps à les attendre.
LES PETITS DICTATEURS
Ce type de patient exige tout, tout de suite et formule souvent des demandes irréalistes dont certaines vont à l’encontre de vos principes professionnels. Souvent, sa motivation est d’aller plus vite et que le traitement coûte moins cher. « Docteur, je ne veux pas faire le traitement parodontal que vous préconisez. Je veux que vous fassiez directement le bridge (mais sans les provisoires) car mon contrat de mutuelle arrive bientôt à terme et mon fils se marie dans un mois. »
Ces patients ont souvent des traits narcissiques de la personnalité. Ce type d’attitude poussé à l’extrême n’est pas compatible avec des soins consciencieux et conformes. De plus, si vous avez le malheur de céder à leurs demandes, il seront très vindicatifs si le traitement n’est pas parfait.
LES JAMAIS CONTENTS
Certaines personnes sont très anxieuses et cette anxiété se traduit souvent par des critiques et un mécontentement vis à vis de personnes qui font pourtant du mieux qu’ils peuvent pour les aider et les soigner. Nous voulons pas dire qu’il ne faut pas prendre en charge l’anxiété dentaire ou les personnes anxieuses mais plutôt qu’il faut savoir repérer les personnes pour qui rien ne sera jamais vraiment satisfaisant.
De plus, ce type de personne revendicatrice se considère souvent en droit d’exiger des remises, des réfections ou des remboursements pour des travaux pourtant correctement réalisés.
LES MALPOLIS
Les premières victimes de ces individus sont souvent les employés (réceptionniste, assistante…) et rarement le praticien lui même. Si une de ces personnes se comporte mal ou est incorrect avec un membre de votre équipe, il faut immédiatement avoir une discussion directe avec l’intéressé(e). Il s’agit de faire la différence entre un malentendu et un mal-éduqué. De plus, votre personnel appréciera particulièrement que vous preniez sa défense face à ce genre de terroriste du quotidien.
LES NOMADES MÉDICAUX
Nous avons tous connu des patients qui se présentent à la première consultation avec un premier sac rempli de scanner et autres radios et le second rempli de prothèse réalisées au cours des trois dernières années. Encore une fois, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas écouter cette souffrance et tenter, si vous vous en sentez capable, de la soulager. Mais lorsqu’un patient vous explique qu’il a « d’abord consulté un premier praticien et qu’il s’est fâché avec lui pour des histoires d’argent, puis un second avec qui ça c’est très mal passé et que ça a fini au tribunal, puis un troisième qui était nul… » Vous avez de fortes chances d’être le prochain sur la liste.
CONCLUSION
Les raisons qui peuvent nous pousser à ne plus souhaiter soigner un patient sont rares mais elles existent. L’empathie, l’humanisme, le calme, la patience et la connaissance de la psychologie humaine sont des atouts pour nous adapter à la grande majorité de nos patients. Mais nous ne pouvons pas non plus tout accepter. La consumérisation de la médecine et l’indélicatesse des plus rustres peuvent légitimement nous conduire à refuser de continuer les soins. N’ayons pas honte mais n’oublions pas que ces considérations ne sont valables que hors le cas d’urgence et que tout le monde a le droit à une deuxième chance.
C’est vrai il y’a des patients qu’il faut remettre à leurs place chaque lieu a sa loi ici dans mon cabinet dentaire c’est comme cela que ça marche ………!
Dès qu’il s’agit de dire non je me sens en difficulté, j’ai bien progressé ses dernières années mais quand je vois comment mon associé se débarrasse de tout ceux qui n’entrent pas dans son cadre (rigide) j’aimerai trouver un juste milieu.
Il y a effectivement un juste milieu à trouver… Tu sembles être victime du « syndrome du sauveur » : soigner et guérir tout le monde. C’est impossible et tu dois apprendre à savoir dire NON! car on ne peut pas tout accepter de la part des patients. Mais il faut le faire avec la manière. Ton associé – sauf si il est en situation de monopole – risque de se forger une mauvaise réputation de caractère (autoritaire, désagréable voire blessant…).
Le mieux est encore d’exprimer clairement les choses, de manière polie et respectueuse et en expliquant éventuellement pourquoi. Par exemple : lorsqu’un patient ne se présente pas à ses RDV ou arrive toujours en retard, il faut le convoquer ou l’appeler au téléphone et lui expliquer le problème qu’il nous pose et lui expliquer ce qui va se passer : carton jaune ou carton rouge. Il faut prendre ses responsabilités (mais sans jamais s’emporter) et assumer ses choix. Cela vaut pour les retardataires, les mauvais payeurs, les patients désagréables, l’hygiène défaillante…