Les traitements orthodontiques de l’adulte se démocratisent et s’intègrent de plus en plus dans des plans de traitement globaux et multi-disciplinaires. L’essor des techniques visant à minimiser l’impact esthétique négatif des traitements (orthodontie linguale, gouttières transparentes…) permet de lever une des principales réticences des patients.
De leurs côtés, les praticiens ont une autre préoccupation : le parodonte du patient adulte va-t-il supporter les mouvements orthodontiques? Voici les trois principaux sujets de discorde entre parodontologie et orthodontie.
TRAITEMENTS ODF ET RECESSIONS GINGIVALES
Les traitements orthodontiques génèrent beaucoup de récessions gingivales. C’est un fait. La raison est que bien souvent, chez l’adulte, il est nécessaire de réaliser une expansion, latérale et/ou antérieure, des arcades afin de ré-aligner les dents. Cela a tendance à « pousser » les dents vers l’extérieur des procès alvéolaires. L’amincissement consécutif de la corticale osseuse vestibulaire provoque bien souvent une récession gingivale.
- dents en vestibulo-positions
- racines bombées
- brossage traumatique
Si des récessions sont déjà présentes au début du traitement, l’orthodontiste prend le risque de les aggraver. En cours de traitement, il peut être confronté à un choix : aller au bout des objectifs esthétiques et fonctionnels ou bien préserver le parodonte.
Ces récessions peuvent parfois occasionner des symptômes d’hypersensibilité dentinaire ou des doléances d’ordre esthétique. Il existe pour cela différentes techniques parodontales :
- Greffe épithélio-conjonctive
- Greffe de conjonctif enfoui (GCE)
- Lambeau tracté coronairement associé à une GCE
- Emdogain
Il est à noter que les patients, et certains praticiens, confondent souvent récessions gingivales et maladie parodontale. Dans le cas des récessions gingivales, seule la corticale vestibulaire est touchée. Tant que l’os inter-proximal est maintenu, le pronostic parodontal de la/les dent(s) concernée(s) n’est pas en jeu. En revanche on peut craindre pour les tissus radiculaires exposés (cément et dentine) qui peuvent être rapidement attaqués dans un contexte acide d’érosion ou de brossage abrasif/agressif.
TRAITEMENTS ODF SUR PARODONTE AFFAIBLI
L’autre question qui se pose bien souvent à l’omnipraticien comme au spécialiste est : n’est-il pas dangereux d’engager un traitement orthodontique sur un patient souffrant d’une maladie parodontale?
Lorsque le patient présente un risque parodontal il est important :
- de l’adresser pour une consultation en parodontologie afin d’évaluer précisément le pronostic et les facteurs de risque parodontaux.
- de réaliser le traitement parodontal avant le traitement orthodontique et de s’assurer que le patient est engagé dans une maintenance parodontale optimale.
- d’appliquer une mécanique orthodontique adaptée : des forces légères, des arcs souples…
De nombreuses études à long terme publiées dans la littérature orthodontique et parodontale confirment que si ces conditions sont respectées, les traitements orthodontiques permettent d’obtenir des résultats rapides et fiables, sans détérioration du support osseux.
CORRECTIONS ODF DES SEQUELLES DE MALADIE PARODONTALES
Une fois la maladie parodontale traitée et sous contrôle, il est fréquent d’entendre les patients exprimer des doléances esthétiques.
Les séquelles de la maladie parodontale sont de deux types :
- Les migrations secondaires : les dents ayant perdu de leur support osseux peuvent être soumises aux forces fonctionnelles qui les déplacent.
- Les triangles noirs causés par la perte des papilles inter-dentaires consécutives à la perte osseuse .
Les traitements orthodontiques associés à une contention permanente vont permettre de traiter les migrations secondaires.
Les triangles noirs peuvent être traités en modifiant la formes des faces proximales des dents en déplaçant les points de contact inter-dentaires apicalement. En effet, et comme l’a montré D. Tarnow dans de nombreuses études sur le sujet, si le point de contact proximal est situé à 5mm du sommet de la crête osseuse proximale, la papille est pleine et présente dans 100% des cas.
Cette modification morphologique peut se faire au moyen de composites directs, de céramique collée ou par stripping des faces proximales lors du traitement orthodontique en même temps que la correction des migrations secondaires.
Les dents auront un aspect plus « carré » certes, mais l’illusion au niveau du parodonte est très favorable et répond parfaitement à la demande du patient.
Lire l’intégralité de l’article du Dr Pablo Echarri (en anglais)
CONCLUSION
Interdisciplinarité et communication : le mot de la fin est au Dr Eric Maujean, président de la Société Française de Parodontologie et d’Implantologie Orale (SFPIO) Ile-de-France :
Quel plaisir de vous lire docteur GM ;) !
Vous avez parfaitement résumé l’interdisciplinarité Ortho / Paro.
Je suis encore simple externe (je croise souvent le dr Maujean dans mon service).
Je trouve que l’accent devrait être mis sur cette notion de prise en charge globale des le début de la formation initiale de nos études et surtout arrêter de réfléchir en terme « monoclinique »
Mes amitiés
Salut Medhi et merci pour ce commentaire très agréable et fort sympathique.
Tu as raison d’insister sur l’enseignement de l’approche globale à la fac dentaire : c’est capital! Le prochain article que nous publierons sera consacré à l’enseignement de l’odontologie et je compte sur toi pour nous apporter ton témoignage, ton ressenti d’étudiant et tes suggestions.
Merci de ton soutien et STP, salue Eric Maujean de ma part lorsque tu le recroiseras dans ton service!
Amicalement.
Bonjour Docteur,
Dans votre article , vous parlez de cas chez l’adulte mais existe t-il d’autres solutions en cas de récession gingivale sur une adolescente de 15 ans avec un parodonte fin et dont les incisives ont été vestibulées lors du traitement d’orthodontie ?
Compte-tenu de son jeune âge et du fait qu’elle est encore en pleine période de croissance, la gencive et l’os peuvent-ils s’épaissir, se réparer ? Le fait de replacer les incisives légèrement vers l’arrière par de nouveaux mouvements orthodontique pourrait-il améliorer les choses ?
Bonjour Karine,
Je suspecte, par la formulation de votre question, que vous soyez vous-même l’adolescente en question. Est-ce bien le cas?
Si oui, The Dentalist ne peut répondre à des questions venant de patients sans avoir pratiqué une anamnèse et un examen clinique complets.
Si ce n’est pas le cas, je vais être très franc avec vous : je n’en sais rien. Peut être que oui… peut être que non. N’étant pas orthodontiste, je n’ai pas l’expertise requise pour vous répondre sur la base de données bibliographiques et scientifiques. De mon point de vue de parodontologiste, j’ai l’habitude de considérer que l’os perdu est perdu à vie… sauf dans des cas très rares où il m’est arrivé d’observer une régénération. Sans os, pas de gencive et dans ce cas de figure, le recours à des greffes gingivales est alors indiqué.
Bonjour Docteur,
Je suis la mère de la jeune fille en question. Je ne souhaitais pas une réponse sur le cas de ma fille en particulier. Ma question était d’ordre général. Je voulais simplement savoir si, à 15 ans, étant donnée que l’adolescent est encore en pleine croissance et avec des facultés de régénération supérieure à l’adulte, il est possible que le parodonte ou la gencive kératinisée s’épaississe. En d’autres termes, est-ce qu’il y a encore un potentiel de « croissance » parodontale ou gingivale entre 15 ans et l’âge adulte ?
Merci d’avance pour votre réponse.
Chère Madame,
De manière générale, l’épaisseur de la gencive kératinisée est ici un paramètre essentiel dans l’apparition des récessions gingivales. Or ce paramètre est déterminé génétiquement et immuable au cours de la vie de l’individu. Seules les greffes gingivales permettent de modifier ce phénotype.
Après réflexion, je vous confirme ce que je vous ai écrit dans mon commentaire précédent : la nature (et la jeunesse ai-je envie de rajouter) est bonne mère et il nous arrive de constater des choses surprenantes… mais ces cas sont très rares.
En guise de conseil, je peux vous conseiller de patienter quelques temps surtout si votre fille ne présente pas de symptômes particuliers tels que des sensibilités thermiques, ou si son chirurgien-dentiste ne constatait pas d’aggravation notable de l’étendue des récessions (en les photographiante et/ou en les mesurant régulièrement).
Si le « miracle » n’avait pas lieu, alors il serait toujours temps d’envisager les greffes gingivales.
Bien cordialement.
Merci beaucoup Docteur. Nous allons suivre votre conseil.