Suite à différents scandales sanitaires (Médiator, prothèses PIP, pilule de 3eme génération …), notre pays ouvre enfin les yeux sur un grave péril qui pèse sur la pratique médicale : le conflit d’intérêts. Des mesures sont annoncées, des commissions sont crées, des rapports sont rédigés mais le conflit d’intérêts demeure. La France se donne-t-elle vraiment les moyens de lutter contre les conflits d’intérêts? D’ailleurs qu’est ce que le conflit d’intérêts? Est-il toujours néfaste? Comment l’éviter?
Le congrès de l’ADF se tient chaque année en novembre à Paris. La dernière édition du congrès de l’ADF a affiché une certaine volonté, de lutter contre les conflits d’intérêts dans le domaine de la santé… C’est la grand messe, la grande fierté de notre profession mais aussi sa grande vitrine commerciale avec :
- plus de 55000 visiteurs cumulés
- 22000 m2 d’exposition
- 400 exposants
- 32 tonnes de matériels de structures de stands
Sur l’exposition, tous les derniers produits des firmes commerciales sont exposés, présentés, vantés et discountés. Et si le Congrès de l’ADF avait de fait un conflit d’intérêts avec son exposition?
La question mérite d’être posée car juste à coté de cette exposition gigantesque se tient le Congrès scientifique où chaque conférencier est tenu, au début de son intervention, de déclarer un éventuel lien avec une société commerciale. Le président scientifique du congrès l’annonce, le président de chaque séance le rappelle, et tout le monde se plie bien volontiers à l’exercice puisqu’il suffit de le dire pour être cru. Tout le monde écoute sans broncher et à peine les conférences terminées, chacun s’évertue à se faire inviter dans telle ou telle soirée organisée par les grandes firmes implantaires dans les lieux les plus chics de la capitale. Et on y retrouve les mêmes conférenciers, les mêmes présidents de séance, les mêmes membres du même comité scientifique, les mêmes congressistes…
Pas de contrôle, pas de sanction en cas de mensonge… car le conflit d’intérêts est aujourd’hui tellement généralisé qu’il est devenu très compliqué -à moins de tomber sur un scandale gros comme un hôpital – de le débusquer et de le démêler et il est tout aussi utopique de penser pouvoir l’éradiquer. Le Sunshine Act n’interdit pas le conflit d’intérêts mais souhaite plus de transparence. Car si l’on y réfléchit bien, le conflit d’intérêts est partout : chaque médecin gagne sa vie en recevant de l’argent des malades qu’il soigne. C’est un conflit d’intérêts! Le problème ne viendrait donc pas du conflit en lui même mais plutôt de l’ampleur de l’intérêt dont bénéficie celui dont on attend qu’il agisse dans l’intérêt général.
Le conflit d’intérêts en médecine devient une faute dès lors que l’intérêt personnel prime sur l’intérêt des malades. Il en va de même pour le médecin que pour l’homme politique. Des conflits d’intérêts choquant, plus souvent inconscients que conscients, persistent au sein des Universités, de le Haute Autorité de Santé, des Commissions de réglementation, des cabinets ministériels jusqu’aux bancs de l’Assemblée Nationale, sans que personne ne s’en étonne.
Le très intéressant blog du Dr Dominique Dupagne est consacré à ces considérations complexes et préoccupantes. L’auteur, nous éclaire sur l’histoire du conflit d’intérêt en médecine et les précautions à prendre pour l’éviter.
A l’instar des dilemmes éthiques, l’omniprésence des liens d’intérêts demandent aux praticiens deux qualités fondamentales : vigilance et rigueur scientifique.