L’Arracheuse de Dents
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Pour vous décider à sa lecture, sans être déçu par la quatrième de couverture, comme moi le titre vous aura-t-il suffit. Ou alors aurez vous besoin de la maigre critique d’un autre lecteur, en l’occurrence d’un confrère. Permettez que je vous propose ici quelques lignes de mise en bouche :
Forçant le trait et les entrailles de notre Histoire de France, et de ses échos outre-Atlantique, Franz-Olivier Giesbert nous livre ici la destinée ô combien singulière d’une Chirurgienne-dentiste féministe avant l’heure, sorte de Sainte Apolline vengeresse venue du fond des âges, tel Rahan et son coutelas, pour venir s’échouer en pleine Révolution Française.
Concernant notre métier, l’auteur manie assez bien les mots il faut le dire pour retrouver dans cet ouvrage l’ambiance parfois pesante et sanglante de nos cabinets dentaires, une séparation de racines qui aurait mal tournée…
On trouve des références historiques certes, au Saint Fauchard sans qui nous ne serions rien qui traine au fond de notre histoire commune comme notre première turbine d’étudiant. Indispensable, mais passablement usée et démodée.
Ceux qui sont friands de telles références, afin de ne point douter du sérieux de notre auteur, en trouveront.
L’essentiel de ce récit est ailleurs. Du sang, du sexe et de la sueur. Il ne manque plus que le rock’n’roll au programme de cette joyeuse épopée. Cette Lucile Bradsock se pose en redoutable allégorie du plaisir et de la douleur, le marquis de Sade n’est pas loin… A côté d’elle la baronne Blixen ou Peggy Guggenheim sont de sages aventurières.
Maniant le davier ou la baïonnette suivant l’inspiration du moment, c’est selon, sur le champ de bataille ou dans l’apparente tranquillité d’un appartement, sur terre ou sur mer, elle traverse allègrement le temps en marquant de manière incongrue son époque et ses poursuivants. Ralliant les causes les plus nobles, contre l’esclavage (contemporaine d’un Victor Schoelcher), pour un féminisme naissant ou le transcendantalisme elle agira toujours au nom de la Liberté, la sienne.
Tout au long de ce périple on s’arrête rarement. Parfois en faisant état des plaisirs de bouche divers et variés, heureux dénouements de nos actes pour nos patients.
Enfin si forte et sympathique que soit cette Lucile Bradsock peut être aurions nous préféré un personnage plus apaisé prêtant à notre profession un masque moins sanglant et torturé. C’est ainsi. De notre Histoire prenons possession et cessons de regarder de travers ce qui a été fait pour donner à notre métier ce que nous voulons qu’il soit. Construisons l’avenir et laissons de côté ceux qui nous voient encore comme des bourreaux. Si FOG prête à Lucile les traits de la vengeance, ce n’est jamais sur ses patients qu’elle se défoule.
Cette Lucile Bradsock et sa fameuse « pâte Lucile » existât-elle vraiment ? Afin de conserver le personnage intact, tel qu’il est décrit dans cet ouvrage, je n’ai pas poussé plus avant mes recherches.
Tentons d’être fiers, indépendants et libres à l’image de cette personnalité féminine.
Bonne lecture à toutes et à tous,
Klein.