Quelle Place pour le Placebo?

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Nous avons vu dernièrement que les notions de compliance et d’observation du traitement par le patient étaient indispensables à la bonne réalisation du traitement. Nous avons vu également que le patient n’était pas le seul acteur de ces mécanismes puisque le praticien y joue le rôle primordial d’inducteur psychologique.

Nous allons voir dans cet article que les moyens psycho-inducteurs dont dispose le praticien dérivent tous plus ou moins de la notion de placebo.

L’EFFET PLACEBO

Les premières traces de médicaments placebo remontent à l’Egypte antique. Plus récemment, Corvisart, le célèbre médecin de Napoléon Ier, parvenait à soigner les dames de la cour ayant des problèmes de constipation avec un remède répondant au mystérieux nom latin de Micapanis. Ce soi-disant médicament n’était rien d’autre que la mie de pain.

Toute thérapeutique, qu’elle soit chirurgicale ou médicamenteuse, a un effet placebo. La part de cet effet placebo est estimé aux alentours de 30% (voire plus) de l’effet thérapeutique. En d’autres termes, sur 100 personnes qui ont mal à la tête et à qui l’on prescrit des comprimés de lactose, au moins 30 d’entre elles ressentiront un soulagement.

Le placebo semble donc totalement dépendant du psychisme et ses effets thérapeutiques ne sont en aucun cas liés à ces particularités intrinsèques. C’est plutôt dans méandres de la relation entre le praticien et son malade que réside la clé du secret…

LA SYMBOLIQUE DE LA PRESCRIPTION ET DE LA CONSULTATION

La consultation médicale fait partie des rites ancestraux et trans-culturels. Le praticien averti peut décupler l’effet placebo de ses traitements :

  1. Les titres et diplômes du praticien : des études ont montré qu’un placebo (ou un traitement actif) se révélait plus efficace si il était prescrit par le grand professeur chef du service plutôt que par les infirmières. Voilà pourquoi aux USA, dans tout bon cabinet dentaire qui se respecte, les murs sont couverts de diplômes encadrés.
  2. La conviction et l’attitude rassurante du praticien : une étude a montré qu’une consultation dite « positive » – à l’issue de laquelle le praticien énonçait un diagnostic précis et affirmait chaleureusement que tout allait rapidement s’arranger – augmentait l’effet placebo de 25% et donc les résultats du traitement par rapport à une une consultation dite « sceptique » – à l’issue de laquelle le praticien avouait ne pas être certain du diagnostic et le patient devrait revenir en cas d’absence d’amélioration de sont état.
  3. Les informations délivrées par le praticien concernant le traitement : des patients en attente d’une intervention chirurgicale ont été divisés en deux groupes. Le premier groupe avait simplement reçu la visite de l’anesthésiste avant l’opération. Le deuxième groupe avait reçu, du praticien, de nombreuses informations concernant les suites opératoires (nature, intensité, durée), la douleur post-opératoire et les moyens de la prévenir. Les patients informés ont eu besoin de moins d’antalgiques post-opératoires et leur hospitalisation a duré, en moyenne, deux jours de moins.

LA FORCE DE L’ORDONNANCE

Le rite de la prescription majore très certainement les effets des médicaments. Certains prescripteurs ont bien compris le rôle de l’ordonnance et jouent sur la texture du papier, la typographie, la couleur de l’entête et surtout la liste des diplômes et autres titres académiques destinés à impressionner le patient et accroitre l’effet des produits listés au dessous.

L’écriture manuscrite, difficilement lisible et déchiffrable uniquement par le pharmacien, s’ajoute au mystère de la prescription. De fait, lorsqu’un médicament devient disponible sans ordonnance, on constate une diminution de son efficacité; il en devient presque neutre.

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LE PRIX DES CHOSES

L’aspect thérapeutique du paiement des honoraires a été surtout démontré en psychanalyse. Pierre Dubor, psychanalyste, expliquait que lorsqu’il sentait que la thérapie n’avançait plus, demandait à son patient de ne plus payer par chèque mais en liquide. Freud faisait de la solvabilité des patients l’un des critères majeurs d’indication de la psychanalyse.

Comme tout se paie en ce bas monde – la consultation comme le médicament –  Dans l’inconscient collectif, un traitement qui ne coûte rien ne vaut rien. A bon entendeur…

CONCLUSION

Aux sources de l’effet placebo on découvre des capacités fascinantes et insoupçonnées qu’ont le corps et l’esprit humains de s’auto-réparer. Mais la condition sine qua non est que le traitement (ou le placebo) fasse l’objet d’une conviction partagée de la part du thérapeute et du patient.

L’effet placebo est le résultat du traitement prescrit, mais c’est aussi le marqueur de la qualité de la relation médecin-patient. Si la consultation s’est mal déroulée, il y a toutes les chances pour que le traitement ne fonctionne pas. Il peut même y avoir un effet nocebo c’est-à-dire que l’état de santé du patient s’aggrave ou qu’il y ait des effets secondaires.

Dans notre domaine odontologique, Laskin & Greene avaient réussi à supprimer les doléances de patients en réalisant des équilibrations prothétiques avec des fraises « placebo », lisses et totalement inefficaces. Dans cette même discipline, l’attitude du praticien conditionne pour beaucoup l’acceptation (placebo) ou le rejet (nocebo) de la prothèse par le patient.

Pour un soignant, ignorer ou nier l’effet placebo, c’est, en somme, se priver d’une bonne partie de son efficacité professionnelle.

 » Soyez enthousiastes et rappelez-vous de l’effet placebo – la médecine : c’est 30% de spectacle. »
–  Ronald Spark


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