Implant ou Retraitement?

La découverte d’une lésion péri-apicale lors d’un examen radiographique de contrôle nous amène souvent à nous questionner sur la conduite à tenir. Faut-il en informer le patient (qui du reste ne se plaignait de rien) ? Y a-t-il un risque de flambée inflammatoire ? Faut-il reprendre le traitement radiculaire ? Faut-il extraire la dent et la remplacer par un implant ?

A lire : Comment Evaluer le Risque Médical?

La lésion péri-apicale d’origine endodontique est provoquée par la présence de bactéries intra-canalaires, malgré le traitement endodontique. C’est une réaction inflammatoire qui permet aux défenses de l’organisme d’isoler le foyer infectieux. Le risque pour que cette lésion inflammatoire chronique ne se transforme en pathologie aigue est relativement faible : de l’ordre de 5% par an. Ce risque doit donc être comparé à celui d’une réintervention car le retraitement endodontique (RTE) n’est pas une entreprise sans risque et potentiellement iatrogène (perforation radiculaire, fractures d’instruments, déséquilibre de l’écosystème endodontique et passage à flambée inflammatoire…). Le taux de succès du RTE se situe entre 65 et 85% mais varie fortement selon les praticiens et parfois même pour un même praticien à différents moments de sa vie professionnelle. On sait aujourd’hui que les implants, bien qu’ils constituent une thérapeutique fiable, peuvent présenter des complications parodontales et/ou prothétiques à long terme.

Alors, sur quels critères objectifs baser la décision thérapeutique ?

LA SYMPTOMATOLOGIELa dent est-elle douloureuse ? Si oui, la douleur est-elle spontanée ou provoquée ? A la palpation apicale ? A la percussion ? La dent a-t-elle connu un épisode aigue au cours des derniers mois ? Quel est l’historique des soins pour cette dent ? Y a-t-il une image radioclaire péri-apicale ? De quelle taille ?

L’ANATOMIE RADICULAIRE

C’est la connaissance de l’anatomie radiculaire qui conditionne le plus le taux de succès des (re)traitements endodontiques. Dans le cadre d’un traitement endo de première intention, ce n’est déjà pas chose aisée. Dans le cadre d’un retraitement, c’est encore plus compliqué surtout en présence d’obstacles intra-canalaires.

LA STRUCTURE RESIDUELLE DE LA DENT ET LE SUPPORT PARODONTAL

Ces éléments de réflexion ont déjà été abordés dans un précédent post mais s’applique ici de la même façon. Inutile d’envisager un RTE sur une dent dont la structure résiduelle et/ou le support parodontal sont trop faibles pour assurer le pronostic à long terme.

LA VALEUR STRATEGIQUE DE LA DENT

L’incidence esthétique et la présence de la fente labio-palatine à proximité de cette 21 rendent une implantation très difficile. L’anatomie canalaire fait aussi pencher vers le retraitement.

Là encore, une évaluation au cas par cas s’impose. Y a-t-il un projet prothétique sur cette dent (pilier de bridge) ? La dent a t-elle un rôle fonctionnel particulier (canine par ex.) ? La dent a t-elle un rôle esthétique ?

LA COMPETENCE DE L’OPERATEUR

Peu nombreux sont les omnipraticiens conventionnés qui bénéficient des mêmes compétences, du même plateau technique (microscope opératoire) et des mêmes honoraires qu’un endodontiste exclusif. Mais attention, le fait de ne pas pouvoir reprendre le traitement endodontique soi même ne signe pas obligatoirement l’extraction de la dent. Si la dent peut ou doit être sauvée, il faut proposer au patient de consulter un endodontiste exclusif.

ET LE PATIENT DANS TOUT CA?

La patiente, informée du diagnostic au niveau de ses molaires mandibulaires, refuse d’assumer l’aléa thérapeutique lié à un éventuel retraitement endodontique. Elle refuse également de consulter un endodontiste spécialiste et choisit d’emblée l’option implantaire.

L’extraction d’une dent qui aurait pu être sauvée constitue une perte de chance pour le patient. A l’inverse, l’acharnement thérapeutique fait perdre du temps et de l’argent inutilement. Quelle que soit la situation clinique il est important d’expliquer au patient la problématique dans des termes clairs et de ne surtout pas prendre de décision à sa place. Etablir, pour chaque situation, un diagnostic et un pronostic selon des critères objectifs devrait l’aider à faire son choix.

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6 commentaires sur “Implant ou Retraitement?”

  1. FloFlo

    Très cher confrère , tout d’abord un grand merci pour ton site qui va bientôt passer en première ligne dans mes favoris ( juste après http://www.the-working-girl.com) ;)
    j’aimerai que tu m’éclaires sur un point :retraite tu une dent complètement asymptotique présentant une image apicale porteuse d’une prothèse ne nécessitant pas d’être refaite, informes tu alors le patient qu’en cas d’épisode douloureux il faudra déposer et retraiter? Et aussi retraite tu systématiquement quand tu refait un travail même si la dent est asymptomatique et le traitement initial te semble suffisant?

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  2. thedentalist

    Très Chère Amie. Merci pour ton commentaire. Si The Dentalist peut arriver ne serait-ce qu’à la cheville d’un blog comme TWG, j’en serais ravi. Et si The Dentalist peut te donner ne serait-ce qu’un dixième de la satisfaction que TWG te procure, alors parfait! J’ai créé ce blog pour partager, interagir, réfléchir et faire réfléchir et surtout pour maintenir cette passion que nous avons pour notre métier.

    Tes questions sur le retraitement sont très pertinentes et se posent de manière quotidienne. Les réponses que je te propose se basent sur deux principes :
    – Toujours informer le patient qui nous consulte car il veut savoir ce qui se passe (ou va se passer) dans sa bouche
    – Toujours choisir l’option qui présente le meilleur rapport bénéfice par rapport aux risques encourus
    Tu peux me dire que j’enfonce une porte ouverte mais j’insiste : tout dépend du cas clinique et des facteurs de risque individuels qui lui sont associés.
    Pour moi l’anatomie canalaire est un facteur pronostic important. La compétence de l’opérateur également. J’ai de plus en plus tendance à faire appel à l’endodontiste si le patient souhaite mettre toutes les chances de son coté pour sauver sa dent et si la dent est « raisonnablement sauvable ». Ce dernier point est le plus délicat à déterminer : inutile d’embarquer le patient dans des thérapeutiques complexes, aléatoires et couteuses si la dent est structurellement compromise.
    Le sujet est très vaste et la discussion très intéressante. J’aimerais connaitre ton avis, tes critères de décisions, tes stratégies….

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  3. Maurice

    Bonsoir.

    Il vous manque une option thérapeutique qu’est le traitement à rétro. C’est pas nécessairement très compliquer à réaliser et les taux de succès, certes pas mirifique, permettent tout de même de sauver des dents.

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  4. thedentalist

    Bonsoir Maurice,
    La résection apicale avec obturation a retro est effectivement une modalité si l’option du retraitement endodontique est retenue. Le but de cet article n’était pas de présenter les différentes modalités techniques du retraitement endodontique mais de présenter les critères qui permettent de faire un choix raisonné entre le retraitement endodontique et l’extraction.
    La resection apicale, comme vous le faites très justement remarquer, trouve de très bonnes indications si :
    – l’anatomie le permet
    – la structure résiduelle de la dent vaut la peine
    – la valeur stratégique de la dent vaut le coup
    – l’opérateur maitrise la technique
    – le patient est d’accord pour en prendre le risque
    Merci pour votre commentaire.

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