Croyez-vous aux Miracles?

Mlle Y, 30 ans, sans aucun problème de santé et non fumeuse se présente en consultation pour des mobilités dentaires et des saignements des gencives.

L’examen clinique montre :

  • au niveau parodontal : malgré un niveau d’hygiène bucco-dentaire très satisfaisant, des poches de 6 à 9mm localement, un saignement au sondage, des dents mobiles (particulièrement 15)
  • au niveau des structures dentaires : seule la 26 a été dépulpée et couronnée. Seule la 16 porte deux minuscules amalgames occlusaux.
  • au niveau fonctionnel : pas de troubles ATM mais on constate des interférences travaillantes sur les prémolaires maxillaires lors des guidages mandibulaires.
  • au niveau esthétique : RAS

Le diagnostic pour cette patiente est une parodontite à progression rapide. Ici, la perte osseuse importante est liée à :

  • la présence de bactéries pathogènes
  • un terrain héréditaire très fragile
  • une mauvaise répartition des contraintes occlusales fonctionnelles

Le pronostic est reservé pour les dents 15, 24 et 27.

PLAN DE TRAITEMENT

  1. Informations et renforcement de l’élimination parodontale de la plaque bactérienne
  2. Séances de surfaçage-curetage sous anesthésie locale
  3. Réévaluation à 3 mois
  4. Equilibration occlusale
  5. Maintenance périodique

RESULTATS A 12 MOIS

La patiente présente un fort niveau de motivation dans l’élimination de la plaque dentaire et dans le suivi de son traitement. Les mobilités initialement ressenties par la patiente et les saignements ont complètement disparus.

La dent 15, en raison la perte osseuse initiale, requiert notre attention. Le sondage en vestibulaire est normal, ce qui signe une ré-attache. La mobilité est passé de 4 à 2.

L’équilibration occlusale a consisté en l’élimination des prématurités en relation centrée et interférences en latéralités. La patiente avait immédiatement ressenti un meilleur confort lors de l’engrènement dentaire.

Les améloplasties des prémolaires supérieures droites ont supprimé les interférences travaillantes et permettent à présent désocclusion canine (latéralité droite).

Un programme de maintenance parodontale bi-annuel est proposé à la patiente.

LES FACTEURS DE REUSSITE DE CE CAS CLINIQUE

  • L’âge de la patiente
  • Son profil psychologique positif et sa compliance
  • La respect du protocole de décontamination parodontal
  • L’analyse du contexte occluso-fonctionnel
  • Le suivi dans le temps
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7 commentaires sur “Croyez-vous aux Miracles?”

  1. Chaoui

    Bravo, Un cas clinique très bien iconographié.

    Au vu des éléments présentés, c’est un tableau clinique typique de parodontite agressive localisée sevère.

    Le pronostic est très favorable dès la mise en place de la thérapeutique étiologique (motivation au contrôle de plaque, surfaçage…) si le patient est compliant.

    Chez ce genre de patient il y a souvent un événement psychologique marquant qui les a touché quelque temps avant. Ils sont généralement conscient de la symptomatologie de leur pathologie.

    Pourriez vous s’il vous plait détaillez votre protocole de décontamination parodontal : Surfaçages sous antibio ? Erythromycine et métronidazole ? Full mouth therapy ?

    Il serait peut être utile de proposer une ROG au niveau de la 15 en mésial. afin de traitter la lésion osseuse verticale.
    Ce que j’ai le plus apprécié, c’est la gestion occluso fonctionnel du cas, chose que je ne maîtrise pas du tout.
    Encore merci pour ce très beau cas clinique.

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    • thedentalist

      Bonjour Chaoui et merci de votre commentaire. Je suis d’accord avec le pronostic que vous proposez. Cependant, lorsque vous dites « le pronostic est très favorable dès la mise en place de la thérapeutique étiologique… » je pense que cette affirmation doit être nuancée. Les parodontites agressives (ou à progression rapide) par définition (et par opposition aux parodontites chroniques) sont plus difficiles à gérer car le facteur microbien n’est pas le seul en cause. Souvenez-vous que cette patiente est très jeune, qu’elle est non fumeuse et qu’elle présente initialement un hygiène bien supérieure à la moyenne…
      Le protocole de décontamination que j’ai utilisé est le suivant : deux séances de surfaçage-curetage sous anesthésie locale à 48h d’intervalle avec irrigation des poches à la poly-vynil iodée (Betadine). Je n’ai pas associé d’antibiotiques ni localement, ni par voie générale.
      On peut effectivement se demander si une manoeuvre chirurgicale de ROG serait aujourd’hui indiquée. Lors de la ré-évaluation à 3 mois après la décontamination et au vu des résultats obtenus, j’ai préféré continuer laisser la nature faire son oeuvre. On peut en effet imaginer qu’une intervention chirurgicale, par les incisions, décollements et oedemes post-opératoires que cela nécessite, perturbe la ré-attache et fragilise la nouvelle barrière parodontale en train de se reformer. J’ai préféré agir sur la composante occluso-fonctionnelle. Lorsque je reverrai la patiente pour la maintenance et le suivi, je ne manquerai pas de lui poser la question d’un éventuel choc psychologique. Vos questions sont pertinentes et je pense que vous aurez très prochainement un complément de réponse dans la seconde partie de l’article. Je pense que nous pourrons continuer cette intéressante discussion. Je suis ravi que ce cas suscite votre intérêt. Merci encore.

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  2. NICOLAS Aurore

    Avez vous reçu mon commentaire précédant? Avez vous réalisez l’endo de la 15? Si non, pourquoi?
    Ce serait quand même dommage qu’une telle cica paro soit gâchée par une lésion endo d’origine paro…

    Bien confraternellement,

    Aurore

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    • thedentalist

      Bonjour Aurore,
      Votre question est excellente et j’avoue ne pas avoir fait de test de vitalité sur cette dent.
      Je rattraperai cette lacune lorsque je reverrai la patiente en maintenance et vous tiendrai informé.
      Mais je me permets de vous poser une question à mon tour : si il existait une lésion endo d’origine paro, n’aurait-elle pas perturbé/empêché la cicatrisation? Qu’en pensez-vous?

      Répondre
      • NICOLAS Aurore

        Très bonne question également… Et bien en ne me limitant qu’aux seules radios, il me semble observer une lésion osseuse résiduelle verticale en mésial atteignant l’apex. Certe il y a eu une nette régénération. Mais un foyer infectieux résiduel peut être à l’origine d’une contamination endodontique, non? Qu’en est-il du sondage paro en mésial de la 15 lors de vos séances de réévaluation? Je pense que j’aurais dès le départ, et au préalable à une thérapeutique initiale paro, réaliser l’endo de la 15, même si le test de vitalité pulpaire avait été positif (le test de vitalité reste très subjectif, seule son évolution dans le temps est objective (pour un test électrique)… mais vu l’étendue des lésions paro je n’aurais pas attendu). Je me trompe peut être… Dévitaliser? Ne pas dévitaliser? Le pronostic de cette dent étant à la base + que réservé, j’estime qu’une dévitalisation dans ce cas ne représente pas un coût tissulaire inacceptable. Et bien évidemment, j’en aurais informé la patiente, en lui expliquant le pour (aider à la cica paro en évitant une contamination paro/endo) et le contre (risque de fracture ++++).

        Merci de nous faire partager vos cas cliniques. C’est enrichissant!

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        • thedentalist

          A vous lire Aurore, vous semblez vraiment être une clinicienne chevronnée! Vos observations et vos remarques sont très très pertinentes. J’ai même envie de convoquer la patiente immédiatement pour ré-évaluer cette dent!
          Je pense malgré tout que je n’aurais pas réalisé le traitement endodontique car je dois avouer que la dent me semblait perdue et même en supposant que j’eus votre sens clinique, je réserve le traitement endodontique à des situations sans équivoque. J’ai suivi le protocole d’assainissement parodontal en première intention avec en arrière-pensée la « très probable » extraction de cette dent. J’avais même prévenu la patiente que cette dent ne semblait pas conservable. Donc dans mon esprit, l’endo semblait hors sujet.
          Que ferais-je lorsque je reverrai la patiente? Je prendrai une radio, je sonderai bien en mésial et je testerai la vitalité pulpaire malgré tout. Un scanner 3D peut éventuellement clarifier la situation. Si le doute persiste quand à une éventuelle lésion péri-apicale d’origine endodontique, je penserai à vous et à vos remarques et vous demanderai surement votre avis!
          Cas clinique à suivre donc…
          Bien à vous.

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  3. thedentalist

    Salut à tous ceux qui ont suivi la discussion autour de ce cas clinique.
    Je viens de revoir la patiente en contrôle. Nous sommes à 19 mois post-op.
    En pensant aux très bonnes remarques d’Aurore, je me suis précipité pour faire un test de vitalité pulpaire sur la 15… qui a répondu normalement au froid.
    Vous pouvez voir la dernière radio rétro-alvéolaire de cette dent en cliquant ici
    La prochaine fois que je verrai la patiente, je pense réaliser un bilan long cône de contrôle pour les autres sites.
    Cliniquement, les résultats sont très bons : hygiène parfaite, pas de saignement au sondage, de l’attache partout. Le bonheur!

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