3 Interactions Médicamenteuses à Connaitre

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En raison du vieillissement de la population, il est de plus en plus fréquent, au cabinet dentaire, de rencontrer des patients polymédiqués en raison d’un état de santé général complexe.

Bien que les effets secondaires et indésirables de chaque médicament soient relativement bien connus, les interactions médicamenteuses sont beaucoup plus difficiles à détecter et cette difficulté augmente avec le nombre de molécules en interactions :

VOICI DONC LES 3 INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES QUE TOUT CHIRURGIEN-DENTISTE DOIT CONNAITRE :

LES A.I.N.S ET LE LITHIUM

Les AINS sont très largement prescrits en odontologie pour faire face aux douleurs pré- et post-opératoires. Leur efficacité n’est plus à prouver mais dans certains cas cliniques, leur prescription doit être surveillée, voire évitée.

Le lithium est une molécule utilisée dans le traitement des troubles dépressifs bipolaires. La France est championne de la consommation de psychotropes.
L’index thérapeutique du lithium est bas, ce qui signifie que la différence entre les doses efficaces et les doses toxiques est faible. C’est la raison pour laquelle les taux plasmatique de lithium doivent être surveillés de près.

Nota : Les dénominations commerciales des médicaments contenant du lithium sont : Oligosol®, Teralithe®, Lithioderm®.

Les A.I.N.S inhibent l’élimination rénale du lithium pouvant ainsi provoquer une accumulation plasmatique de la molécule au dessus des seuils de toxicité cellulaires.
L’ibuprofène peut augmenter, de 12% à 66% (moyenne = 34%), selon les individus, les taux plasmatiques de lithium.
La littérature rapporte plusieurs cas d’intoxications rénale, gastro-intestinale et neurologique centrale ayant tous nécessité une prise en charge médicale en urgence.

 Avant de prescrire un A.I.N.S chez un patient suivant un traitement au lithium, il est donc conseillé de :

  • se mettre en rapport avec le psychiatre du patient, soit  pour qu’il mette en place un monitoring de la concentration plasmatique de lithium, soit pour qu’il réduise les doses prescrites.
  • préférer un autre antalgique (association de paracétamol et codéine, opioïdes).
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LE METRONIDAZOLE ET LA WARFARINE

Le métronidazole est une molécule antibiotique très efficace sur les germes anaérobies stricts impliqués dans les maladies parodontales (avancées ou fulgurantes), les abcès parodontaux et les péri-implantites.

La warfarine (Coumadine®) est un des anti-coagulants les plus prescrit au monde pour la prévention de l’infarctus du myocarde, des embolies pulmonaires et des AVC chez les patients à haut risque thrombotique.

L’index thérapeutique de la warfarine est lui aussi très bas et impose un monitoring mensuel rigoureux des paramètres de coagulation du patient car un excès de warfarine peut provoquer des hémorragies internes notamment intra-cérébrales.

Le métronidazole est un inhibiteur potentiel des voies de métabolisation de la warfarine et peut donc augmenter sa concentration sanguine au dessus des seuils de toxicité. De nombreux rapport de cas et études cliniques évoquent des accidents hémorragiques potentiellement graves et mettent en garde contre l’association des deux molécules.

Le fluconazole (Triflucan®) est un antifongique qui provoque les mêmes effets en association avec la warfarine.

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L’EPINEPHRINE ET LE PROPANOLOL

L’épinéphrine (adrénaline) est très largement utilisée en anesthésiologie dentaire mais son utilisation reste soumise à un vif débat en raison du nombre de plus en plus élevé de patients présentant un état de santé général à risque.

Les médicament dits bêta-bloquants sont prescrits pour le traitement de l’hypertension artérielle, de l’angor, des arythmies cardiaques ou des migraines.
Ils bloquent les récepteurs bêta adrénergiques et on en distingue deux groupes : les bêta-bloquants non spécifiques qui bloquent les récepteurs bêta 1 et 2 et les bêta-bloquants spécifiques qui ne bloquent les récepteurs bêta-1. Ces derniers sont les plus largement prescrits en cardiologie mais le propranolol est un bêta-bloquant non spécifique (Avlocardyl®, Hemangiol®, Karnodyl®, Syprol®…).

Plusieurs études et rapports de cas confirment que l’utilisation d’épinéphrine lors de l’anesthésie locale chez les patients sous bêta-bloquant non spécifique pouvait provoquer une poussée hypertensive sévère associée donc à une bradycardie réflexe.

Chez les patients sous propanolol, pour éviter un mauvais délire, il est recommandé :

  • d’éviter l’épinéphrine pour les soins simples et de courte durée et de privilégier la mepivacaine à 3%,
  • en cas de procédure chirurgicale nécessitant une hémostase et/ou de longue durée, ne surtout pas dépasser les 0,0034 mg d’épinéphrine (soit l’équivalent de deux carpules dosées à 1:100 000 ou quatre carpules dosées à 1:200 000),
  • de toujours réaliser un test d’aspiration pour éviter l’injection intra-vasculaire,
  • d’injecter l’anesthésique lentement (1 minute par carpule),
  • de prendre la tension artérielle et le pouls du patient si un rappel d’anesthésie est nécessaire,
  • de proscrire absolument les carpules dosées à 1:50 000 d’épinéphrine et les cordonnets de rétraction gingivale qui pourraient être imprégnés de 0,5mg à 1mg d’épinéphrine pour 2,5cm.

Source : Hersh E.V, Moore P.A : Three Serious Drug Interactions that Every Dentist Should Know About. Compendium vol. 36, n°6, 408-413.


A lire également : Comment définir le risque hémorragique?

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3 commentaires sur “3 Interactions Médicamenteuses à Connaitre”

  1. Ordo

    Bonsoir !

    Concernant l’adrénaline, j’aimerais savoir quelle dose secrète-t-on naturellement en cas de stress ou de douleur ? ( Je ne trouve pas sur le net )
    Certains profs de la fac nous disait que les limitations d’adrénaline étaient ridicules car le patient en secrétait beaucoup beaucoup plus de façon endogène. Que penser de cela ?

    Merci !

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    • Maxime Bedez

      J’ai toujours pensé un peu la même chose que vos profs, ayant entendu cette histoire de concentrations. À l’époque j’avais trouvé des chiffres qui m’avaient convaincu, mais aujourd’hui impossible de les retrouver.
      En croisant des sources moyennement fiables (la meilleure c’était Wikipédia…), je trouve qu’on a entre 0,05 et 5 µg d’adrénaline dans le sang à un instant donné (ouais, l’intervalle est énorme selon la source).
      Une autre source me donne une sécrétion de 2-3 g par jour, ce qui équivaudrait à 2000 µg par minute (ce qui est improbable quand même).
      Enfin, sachant qu’une cartouche 1/200 représente 0,85 µg d’adrénaline en local, ça paraît à peu près équivalent.

      La question que je me pose, et à laquelle je n’ai pas trouvé de réponse chiffrée sur Internet, c’est de savoir de combien la sécrétion est augmentée en cas de stress ? Si on imagine qu’une douleur aiguë (anesthésie qui ne prend pas) peut faire doubler la sécrétion ponctuelle (ce qui ne m’étonnerait pas), on peut imaginer que la sécrétion naturelle devienne plus importante que la quantité injectée.

      Mais tout ça, ça manque de chiffres avérés !

      Répondre
    • thedentalist

      Cher Ordo,
      La question qui nous préoccupe dans ce post n’est pas celle des patients sains sans aucun problème de santé (et pour qui, il est vrai, que l’injection d’une solution anesthésique adrénalinée ne pose pas/peu de problème) mais plutôt celle des patients qui présente une pathologie spécifique, qui prennent un traitement spécifique et avec lesquels l’adrénaline peut interagir.
      La physiologie et le métabolisme basal de l’adrénaline est complexe et ses effets tout autant… Mais plusieurs études cliniques ont clairement montré les effets de l’adrénaline sur les patients hypertendus sous propanolol. La plus évidente est la suivante :
      – Houben, Thien, van’t Laar : Effect of low-dose epinephrine infusion on hemodynamics after selective and non-selective beta-blockade in hypertension. Clin Pharmacol There. 1982;31(6):685-690.

      On peut noter que cette étude a plus d’une trentaine d’année et qu’elle confirme ce qui nous a été enseigné : les patients hypertendus constituent une contre-indication relative à l’utilisation des solution anesthésiques adrénalinées. Ce n’est pas interdit mais il faut prendre des précautions.

      Les cas d’interactions entre l’epinephrine et le propanolol sont très rares mais les 3 cas rapportés dans la littérature décrivent arrêts cardiaques, procédures de réanimation en urgence, défibrillations… Il s’agissait de patients, hypertendus et sous propanolol, sur qui devaient être pratiquées des interventions chirurgicales mineures (chirurgie-dentaire, chirurgie plastique faciale).

      Même si ça n’arrive qu’une seule fois sur 1000 patients, je pense pouvoir dire que nous aimerions tous pouvoir l’éviter.

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